Livres politiques · 7 mai 2008 à 23:34
Avec des taux d'abstention variant de 30% à 40%, la mobilisation des abstentionnistes est l'objet de toutes les attentions des responsables politiques. Parvenir à convaincre les indécis, tenter de faire déplacer des électeurs qui s'étaient abstenus au premier tour d'une élection est souvent la garantie d'une victoire en cas de duels serrés.
Mais le pari est loin d'être gagné d'avance car le fossé entre ceux qui votent et ceux qui s'abstiennent aurait tendance à se creuser. Il y aurait ceux qui se tiennent informer par les médias, qui lisent la presse, et ceux qui se détournent volontairement et fuient les informations liées à la politique. Dans "La revanche de l'opinion", Laurent Cayrol, directeur de l'institut de sondages CSA et chercheur au centre de recherches politiques de Sciences-Po, analyse ces divisions de l'opinion publique.
Cette semaine, à l'occasion du premier anniversaire de l'élection de Nicolas Sarkozy, Politique.net publie une série en 5 volets sur la démocratie d'opinion, à un moment où le président de la République peine à remonter dans les sondages.
Parce que les gens ont été déçus par les élus qui n'ont pas tenu leurs promesses, ils ont tendance à ne plus faire confiance aux politiques et à fuir le sujet, à zapper au moment où des personnalités interviennent dans les journaux télévisés. Le problème, selon Roland Cayrol, c'est qu'un fossé se creuse entre ceux qui continuent à lire la presse, à se tenir informés par les différents médias et les autres.
Autrefois, deux systèmes s'opposaient : le modèle abstentionniste à l'américaine où les électeurs ne trouvaient de l'intérêt à la politique qu'au niveau local et le modèle participatif à la française où les électeurs se rendaient facilement aux urnes quelque soit l'élection. Aujourd'hui, 35% des Français s'abstiennent d'aller voter lors des grandes élections. A ce chiffre, il faut ajouter 12% de la population qui n'est pas inscrite sur les listes électorales ce qui signifie qu'il y a près de la moitié des Français qui se tient à l'écart du système démocratique.
D'après Roland Cayrol, ces personnes abstentionnistes sont souvent celles qui ne lisent pas les journaux et ne s'intéressent pas aux débats politiques. Il y aurait donc une corrélation entre ceux qui regardent la télévision et ceux qui ne votent pas. Et de conclure que la télévision et la radio ne parviennent pas à donner envie de voter aux citoyens contrairement à la presse écrite et à Internet.
Autre paradoxe : alors qu'on est de plus en plus informés, on a l'impression que les politiques n'usent que de la langue de bois et sont de connivence avec les journalistes. Il leur semble également que les véritables problèmes ne sont pas soulevés ou que l'on veut orienter le citoyen. Ainsi, pendant le référendum sur la Constitution européenne. Les Français ont eu l'impression qu'on les obligeait à voter « oui ». En règle générale, ils ont le sentiment que les journalistes ont une arrière-pensée, qu'ils sont au service d'un parti ou d'un politique. Ce fut le cas en 2002 également : les journalistes n'ont cessé de traiter de la sécurité si bien que le sujet est devenu le thème majeur de la campagne présidentielle.
De même, les Français ne supportent pas l'idée de connivence entre les journalistes et les hommes politiques. Selon Roland Cayrol, le métier évolue. Autrefois, on voulait devenir journaliste politique pour accéder aux hauts postes dans les médias ou entrer en politique ; aujourd'hui, les journalistes aiment leur travail en lui-même. Pourtant, si les journalistes sont plus indépendants actuellement, certains sont encore proches des politiques et suscitent la polémique. C'est le cas notamment de Jean-Pierre Elkabbach, président d'Europe 1 et journaliste politique, qui n'a cessé de soutenir ouvertement la candidature de Nicolas Sarkozy. Les Guignols se sont moqués de son mépris à l'égard de Ségolène Royal. Les autres journalistes de la presse quotidienne n'hésitent pas à l'épingler dans leurs colonnes montrant la connivence entre les deux hommes. Jean-Pierre Elkabbach notamment, lors du voyage officiel en Inde du président de la République, n'a pas pris l'avion avec tous ses collègues, mais est monté dans le jet privé de Nicolas Sarkozy.
Même si les journalistes et blogueurs n'hésitent pas à dénoncer les abus et les collusions entre les différents acteurs médiatiques, les gens se sentent dupés, ne font plus confiance aux politiques et préfèrent ne pas se rendre aux urnes participer à une mascarade à peine masquée.
Série : "La revanche de l'opinion"
1. La revanche de l'opinion : l'importance des sondages dans la vie politique
2. Emotions et arguments : comment se forger une opinion ?
3. Les divisions de l'opinion : ceux qui votent, ceux qui s'abstiennent
4. Le rôle de la télévision et de la radio dans la formation de l'opinion
5. Divertissement et humour en politique : l'autre manière de toucher l'opinion
> Roland Cayrol, La Revanche de l'opinion, Médias, sondages, Internet, Editions Jacob-Duvernet, 205 p., 2007
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