Le Canard enchaîné · 13 mai 2008 à 17:51
Inciter les salariés à faire des heures supplémentaires. Voilà la solution miracle défendue par Nicolas Sarkozy pour résoudre la crise du pouvoir d'achat. Durant la campagne présidentielle, cette idée a pris la forme d'un slogan choc : "Travailler plus pour gagner plus". Au gouvernement, ce slogan s'est traduit par une défiscalisation des heures supplémentaires, entrée en vigueur le 1er octobre 2008. Concrètement, les salariés qui effectuent des heures supplémentaires ne paient pas d'impôts sur ces heures. Et l'entreprise qui octroie des heures supplémentaires à ses salariés ne paie pas de cotisations sociales. Sauf que le diable se cachant dans les détails, Le Canard Enchaîné révèle dans son numéro 4567 que ces heures supplémentaires sont prises en compte dans le calcul du revenu fiscal de référence. Autrement dit, travailler plus, c'est gagner plus... et perdre des avantages.
Explications.
- Source : Alain Guédé, "La face cachée des heures sup', Le Canard Enchaîné n°4567, mercredi 7 mai 2008
La ruse est connue et toujours aussi difficile à déceler dans un système médiatique qui cherche avant tout à simplifier les informations. Un responsable politique propose une idée simple censée résoudre un problème complexe. Il fait une annonce, communique sur cette stratégie et laisse le soin aux députés, au gouvernement, de mettre en oeuvre cette idée. Entre l'annonce et la publication des décrets d'application, il se passe souvent plusieurs semaines ou plusieurs mois. Le texte législatif obtenu est alors assez technique et trop obscur pour être détaillé et expliqué à la télévision. Or, entre la mesure simple annoncée, et les modalités d'application de la mesure, il y a parfois un écart important difficile à déceler. C'est le cas de la mesure sur la défiscalisation des heures supplémentaires.
Depuis le 1er octobre 2007, les heures supplémentaires sont défiscalisées, les contribuables ne paient pas d'impôts sur ces heures. Mais Le Canard Enchaîné révèle qu'une bien mauvaise surprise attend les contribuables. Dans les documents joints aux déclarations de revenus qui viennent d'être envoyées, on peut notamment lire que les heures supplémentaires sont "retenues pour le calcul de la Prime Pour l'Emploi et du Revenu fiscal". En clair, le contribuable ne paie pas d'impôts sur ces heures... mais elles apparaissent tout de même dans le calcul de son revenu fiscal. Aberration ? Non, simple tour de passe passe pour faire des économies notamment en supprimant toute une série d'exonérations auxquelles avaient droit les contribuables.
Le Canard Enchaîné a fait une simulation : un célibataire employé à plein temps, qui déclare 14 000 euros pour l'année 2007, va payer 311 euros d'impôts sur le revenu et bénéficier d'une Prime Pour l'Emploi de 660 euros. Le trésor public va donc lui faire un chèque de 349 euros (660 - 311).
Mais si ce salarié a fait 4 heures supplémentaires par mois, pendant les 3 derniers mois de l'année (la loi sur les heures sup' est entrée en vigueur le 1er octobre), il devra déclarer 550 euros de plus. Il ne paiera pas d'impôts sur cette somme, comme prévu. En revanche, sa Prime Pour l'Emploi va baisser de 106 euros. Il n'y a pas de petites économies pour l'Etat.
La Prime Pour l'Emploi touche les salariés les plus modestes. Mais une autre mesure cachée va sans doute permettre de faire davantage d'économies en prenant en compte ces heures sup' dans le revenu fiscal de référence (alors que ces heures sup' sont défiscalisées) qui sert de base pour calculer le montant d'exonérations en tout genre : attribution des bourses, tarifs des cantines et des crèches, possibilité de bénéficier de prêt à taux zéro, etc.
Dans ce cas de figure, la défiscalisation des heures supplémentaires peut s'avérer être une mesure en trompe l'oeil : le salarié modeste travaille plus, gagne plus, mais perd de l'autre côté les tarifs préférentiels dont il bénéficiait. Dès lors, le problème du pouvoir d'achat reste intact.
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