Le mensonge en politique, selon Jean-Michel Aphatie

Livres politiques · 14 mai 2008 à 23:34

Mazarine et François Mitterrand en Une de Paris Match

Si Jean-Michel Aphatie a rendu sa carte du Parti socialiste c'est parce qu'il ne supportait plus les mensonges et la lâcheté des dirigeants politiques. Aussi, dans son livre se lance-t-il dans la dénonciation des mensonges dont il a été le témoin et qui ont été finalement révélés dans la presse. Les exemples qu'il donne sont connus de tous :le journaliste a voulu justement prouver aux lecteurs qu'ils se sont habitués aux mensonges des dirigeants et se montrent indulgents, comme si le mensonge, en politique, faisait partie de la culture française.


Parce que les journalistes politiques font partie intégrante de la vie politique, Politique.net propose un portrait du journaliste politique le plus médiatique du moment dans une série en cinq volets : de ses débuts à Politis en passant par RTL, retour sur le parcours atypique d'un journaliste politique qui n'hésite pas à afficher ses convictions.

Série 3/5 : Quand Aphatie fustige le mensonge en politique

Jean-Michel Aphatie

La fille cachée de François Mitterrand

Jean-Michel Aphatie a appris un peu par hasard son existence, en 1988, lorsqu'il était journaliste à Politis. Un confrère lui demande l'air de rien s'il est au courant que François Mitterrand a une fille cachée. A cette époque, toute la profession sait que le Président a en charge deux familles à l'Elysée, mais personne ne dit rien. Pour Jean-Michel Aphatie, les journalistes se sont rendus complices d'un secret d'Etat, préférant se taire comme s'ils avaient peur de demander des comptes au Président de la République. Pour lui, se taire et agir de la sorte c'est se mettre au service d'un monarque tout puissant. Non seulement, les journalistes, lui y compris, n'ont pas fait leur travail mais surtout, François Mitterrand a menti aux Français, a mis à son service le GIGN et commis des crimes graves pour protéger sa famille cachée.
Dès 1983, lors d'un déjeuner à l'Elysée, Claude Sérillon aurait demandé au Président des comptes au sujet de cette rumeur. Celui-ci s'est sorti de ce mauvais pas en retournant la question : « Oui, et alors ? » La réponse était si impertinente que le journaliste n'a rien osé rétorquer et que l'échange n'a jamais été dévoilé au public. Ainsi, pour Jean-Michel Aphatie, les politiques parviennent toujours à se sortir d'un mauvais pas, non pas en avouant leurs mensonges, mais grâce à un tour de passe-passe.

Les affaires du RPR et de la mairie de Paris

Pour équilibrer les attaques à gauche comme à droite, le journaliste raconte les affaires du RPR et de la mairie de Paris. Il dénonce notamment le manque de transparence d'Alain Juppé, qui a feint de ne pas savoir que sa secrétaire qui travaillait pour lui au RPR était payée par la mairie de Paris.
Quand Jacques Chirac régnait sur la mairie de Paris, Jean-Michel Aphatie raconte que l'hôtel de ville était un véritable bunker. En ces temps où les affaires judiciaires se multiplient, les responsables du RPR étaient de plus en plus méfiants à l'égard de la presse.
Il raconte une scène stupéfiante qui s'est déroulée à l'hôtel de ville même. A cette époque, Jean-Michel Aphatie est journaliste à l'Express. Il croise au détour d'un couloir un proche collaborateur de Jacques Chirac, qui s'occupait des finances de la ville. Jean-Michel Aphatie en profite alors pour lui poser quelques questions sur les affaires de détournement qui sortent peu à peu dans la presse. Sauf que lorsque le conseiller a compris que la personne qui l'interrogeait était un journaliste, il s'est mis à courir pour fuir les questions... Scène surréaliste dans les couloirs de la mairie de Paris : ce proche collaborateur de Jacques Chirac, qui avait la soixantaine, a couru vers son bureau, Jean-Michel Aphatie a accéléré le pas pour le suivre, mais sans pouvoir l'interroger, le collaborateur s'enfermant dans son bureau.
Aux yeux du journaliste, ces affaires de détournement de fond sont les pires trahisons que les élus peuvent commettre, en utilisant l'argent public à des fins personnelles ou partisanes.

L'appareil auditif de Jacques Chirac

Dernière anecdote plus récente, illustrant l'art du mensonge en politique : l'appareil auditif de Jacques Chirac. Ainsi le 6 novembre 2003, l'Express rapporte que le Président devient quelque peu sourd et pour palier son handicap, doit porter un appareil. La presse ne rapporte pas l'information, délivrée de façon anonyme. Jean-Michel Aphatie, au contraire, juge l'information importante car elle peut modifier un certain nombre de comportements du Président. Il souhaite savoir la vérité et décide de poser la question à ses invités du matin sur RTL. Le premier est François Fillon. Etonné et surtout gêné, il s'en sort par une pirouette : « Personnellement, je parviens toujours à me faire entendre du chef de l'Etat (...) ». Après l'émission, hors antenne, il avoue que Jacques Chirac porte bien un appareil auditif. Quand on lui fait remarquer qu'il a menti, il répond simplement : « Je ne suis pas fou ». L'invitée suivante est Roselyne Bachelot, connue pour ses gaffes. Or, pour Jean-Michel Aphatie, elle n'a pas commis de bourde, elle s'est simplement contentée, après hésitation, de dire la vérité. Aussitôt la presse a repris les propos de la ministre et cette affaire depuis la suit comme un boulet. Lors du remaniement, Roselyne Bachelot a été remerciée. La sincérité n'a guère été payante.


C'est précisément ce que Jean-Michel Aphatie essaie de démontrer dans son livre : les hommes politiques, qu'ils soient de droite ou de gauche, passent leur temps à mentir. On regrette que ce ne soit pas les grands scandales qui émaillent l'actualité que pointe le journaliste mais les mensonges anecdotiques. Pourtant pour Jean-Michel Aphatie, il n'y a pas de petits mensonges. A partir du moment où un politique cache la vérité, il commet une faute.

*** Liens

Portrait de Jean-Michel Aphatie : son parcours, ses convictions
1. Quand le garçon de café devient journaliste
2. Aphatie ou les désillusions du militantisme socialiste
3. Quand Jean-Michel Aphatie fustige le mensonge en politique
4. Quand Aphatie règle ses comptes avec Lionel Jospin
5. Les causes du désaveu des politiques, selon Jean-Michel Aphatie

> Jean-Michel Aphatie, Liberté, égalité, réalité, Stock, 2006



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