Quand Jean-Michel Aphatie s'en prend à Lionel Jospin

Livres politiques · 15 mai 2008 à 23:46

Aphatie et Jospin

Si Jean-Michel Aphatie estime que les hommes politiques ont un penchant pour le mensonge, il en est un qu'il vise particulièrement et sans ménagement dans son livre : Lionel Jospin. Alors que celui-ci s'est toujours donné une image de lui austère et sérieuse, il aurait au contraire une personnalité obscure, difficile à cerner. Il n'assumerait pas ses choix, reviendrait sans vergogne sur ses paroles, faisant preuve d'une parfaite mauvaise foi. La charge d'Aphatie est sévère.


Parce que les journalistes politiques font partie intégrante de la vie politique, Politique.net propose un portrait du journaliste politique le plus médiatique du moment dans une série en cinq volets : de ses débuts à Politis en passant par RTL, retour sur le parcours atypique d'un journaliste politique qui n'hésite pas à afficher ses convictions.

Série 4/5 : Jean-Michel Aphatie règle ses comptes avec Lionel Jospin

Jean-Michel Aphatie

Lionel Jospin et le « droit d'inventaire » des années Mitterrand

Ainsi, en 1995, devant les élus socialistes réunis à la Porte de Vincennes, le candidat à l'élection présidentielle désavoue les deux septennats de François Mitterrand. Il ne veut pas que l'on assimile sa candidature à celle de son prédécesseur. Il propose même d'instaurer un « droit d'inventaire » pour mettre à jour tous les problèmes de la politique menée pendant 14 ans. Or, quelques mois plus tard, juste après la mort de François Mitterrand, Lionel Jospin est invité à l'émission politique « Sept sur Sept ». Anne Sinclair lui demande de commenter l'expression « droit d'inventaire » mais celui-ci affirme qu'il n'a jamais dit de tels mots. Dès le lendemain, les journaux republient ses paroles et cette fois, Lionel Jospin est obligé d'admettre qu'il en est l'auteur. Pour le journaliste, cette attitude est typique de cet homme politique qui, à maintes reprises, a été mis face à ses contradictions sans pour autant les admettre.

Le passé trotskiste de l'ancien Premier ministre

Pendant la campagne présidentielle de 1995, une rumeur court sur la jeunesse trotskiste du candidat socialiste. Dans une interview accordée au Monde, Lionel Jospin nie les faits. En 1997, Jean-Michel Aphatie signe un contrat avec l'éditeur Grasset pour écrire la biographie de l'homme politique. Confiant, le journaliste commence à enquêter sur la vie privée et politique de Lionel Jospin, mais très vite il se trouve face à de nombreux obstacles. Celui-ci continuer de nier avoir fait partie du groupuscule révolutionnaire et refuse de parler de son père, Robert Jospin, qui était l'un des dirigeants socialistes pendant l'entre deux-guerres. Face au mutisme de Lionel Jospin, Jean-Michel Aphatie a renoncé à son projet éditorial. Quelque temps plus tard, deux journalistes, Claude Askolovitch et Serge Raffi, sont parvenus à écrire deux biographies sur Lionel Jospin confimant qu'il a été un membre actif du parti trotskiste. A l'époque, Lionel Jospin a tenté de minimiser cet engagement et s'est contenté de parler de « compagnonnage intellectuel ». Il refusa d’en dire davantage. ***

Quand Aphatie suit Lionel Jospin à Matignon

En 1998, Le Monde propose à Jean-Michel Aphatie de suivre Lionel Jospin à Matignon. Cette expérience lui permet ainsi de mieux connaître la personnalité du Premier ministre ainsi que son entourage. De son observation, il déduit que la défaite de Lionel Jospin à la présidentielle de 2002 était prévisible. Ainsi, celui-ci est arrivé au pouvoir persuadé d'être « le champion d'un certain volontarisme politique ». Ce serait par la volonté de l'Etat que l'on règlerait la crise du chômage comme la misère sociale. Il n'a eu de cesse de répéter que s'il était au gouvernement, il refuserait la création de l'euro aux conditions imposées par l'Allemagne ainsi que la privatisation de France Télécom. Or, une fois à Matignon, il est resté muet lors du sommet d'Amsterdam entérinant la création de l'euro, et Dominique Strauss-Kahn s'est empressé d'introduire France Télécom en Bourse. Bref, le gouvernement Jospin a fait exactement le contraire de ce qu'il avait promis.
Une fois seulement, il fut mis face à ses contradictions : en septembre 1999 au Journal télévisé de France 2 au moment où l'on apprend que Renault qui fait d'énormes bénéfices supprime 7 500 postes, Lionel Jospin se désavoue complètement : « il ne faut pas tout attendre de l'Etat, dit-il. Je ne crois pas qu'on puisse administrer désormais l'économie. Ce n'est pas par la loi, par les textes, qu'on régule l'économie ».



Comment faire confiance, selon Jean-Michel Aphatie, en un homme qui n'applique aucune de ses promesses, passe son temps à se dédire et nier les évidences ? Les Français n'ont pas eu envie d'élire un homme qui ment sur son passé, craint d'expliquer la réalité politique et ses nouvelles directions. La charge est si sévère que l'on peut soupçonner Jean-Michel Aphatie de régler ses comptes avec Lionel Jospin. Manière de solder son passé de militant socialiste ? Lionel Jospin ne semble pas lui en vouloir, puisqu'il a déjà été ré-invité sur RTL au micro de Jean-Michel Aphatie.


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*** Edit du 17 mai 2008 : Claude Askolovitch, journaliste et auteur d'une biographie sur Lionel Jospin, a voulu nous préciser ceci, après lecture de notre article :
"Dans Lionel (Grasset, 2001) je raconte par le menu comment Jospin n' a pas cotoyé, mais a été membre de l'OCI, des années 60 aux années 80, comment il en fut un militant suffisamment expérimenté pour être envoyé en mission de "taupe" au sein du parti socialiste, et comment, dirigeant du PS, il resta membre de l'OCI, jusqu'au coeur du premier septennat de François Mitterrand! Ce qui va un peu plus loin que le "compagnonnage intellectuel".

*** Liens

Portrait de Jean-Michel Aphatie : son parcours, ses convictions
1. Quand le garçon de café devient journaliste
2. Aphatie ou les désillusions du militantisme socialiste
3. Quand Jean-Michel Aphatie fustige le mensonge en politique
4. Quand Aphatie règle ses comptes avec Lionel Jospin
5. Les causes du désaveu des politiques, selon Jean-Michel Aphatie

> Jean-Michel Aphatie, Liberté, égalité, réalité, Stock, 2006



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