Internet et blogs · 7 juin 2008 à 22:07
Le gouvernement est-il en train de s'attaquer à Internet ? Provocatrice, cette question n'en reste pas moins pertinente après les informations publiées par PC Impact sur les négociations entre le gouvernement et les Fournisseurs d'Accès Internet (FAI). Ces dernières semaines, plusieurs membres du gouvernement ont dénoncé les dérives liées à l'absence de contrôle du web. Il y a d'abord eu l'intervention de la secrétaire d'Etat à la famille, Nadine Morano, qui a proposé la création d'un CSA pour Internet. Puis cette semaine, le conseiller médias de l'Elysée, Franck Louvrier, a publié une tribune dans Libération très critique quant à l'usage qui est fait d'Internet. Nicolas Sarkozy lui-même a évoqué le "problème d'Internet" sur RTL. Evidemment, lorsque ces interventions évoquent la nécessité de mieux protéger les mineurs, tous les acteurs du web approuvent. Mais les projets du gouvernement couvriraient un champ d'action beaucoup plus large.
Décryptage.
Actuellement, des négociations ont lieu à l'initiative du gouvernement entre les opérateurs télécoms et les fournisseurs d'accès à internet pour que tous les acteurs de la toile signent une charte de "confiance en ligne". L'objectif est de renforcer la protection des mineurs et de lutter contre les escroqueries. Le site PC Inpact s'est procuré un document de travail issu du ministère de l'Intérieur, rapport qualifié par les journalistes de "petite bombe pour des fournisseurs de tuyaux plus habitués à la neutralité de leur fonction". En clair, le gouvernement souhaiterait mieux encadrer la publication en ligne. Mais certains paragraphes du rapport semblent aller bien au-delà de la simple protection des mineurs.
Outre les dispositifs classiques de contrôle de contenu illicite, les FAI seraient obligés d'être plus vigilants et plus coopératifs avec les autorités pour fournir toutes les informations (adresse IP) d'un éventuel cyber-délinquant. Sans verser dans la paranoïa, l'exemple développé dans le rapport laisse perplexe : un ayant-droit qui s'estimerait léser par une publication en ligne (texte diffamatoire, non respect de la vie privée ou non respect de la propriété intellectuelle) pourrait directement demander au FAI les données d'identification (IP) de l'internaute incriminé. Ce type de demandes est qualifié dans le rapport de "non standard", sous-entendu en dehors de toute action juridique préalablement engagée. Dans ce rapport, il est donc demandé aux FAI de livrer toutes les données sur simple demande, sans avoir recours à un mandat délivré par la justice et ce, afin de raccourcir les délais de procédure.
Certains journalistes médias s'inquiètent réellement des projets du gouvernement. C'est le cas de Daniel Schneidermann qui, dans une tribune intitulée "Casse-toi pauvre net", trouve que "ça commence vraiment à sentir le roussi". Selon le fondateur d'ArrêtsurImages.net, "La France est sans doute le seul pays, où l'émergence d'un media aussi révolutionnaire que l'Internet, riche de promesses démocratiques autant qu'économiques, peut être qualifiée de « problème » par le président de la République en exercice".
Déjà, la blogosphère politique s'était inquiétée de la nomination d'un "monsieur web" au sein de l'équipe présidentielle, en charge d'une veille internet pour surveiller tout ce qui est écrit sur le président de la République.
La position de Nicolas Sarkozy est d'ailleurs ambiguë. Qualifié de problème il y a quelques semaines, Internet était un "média d'avenir" il y a quelques mois. Regardez le montage publié sur Lepost.fr :
Sans nécessairement tomber dans la paranoïa de l'URSS de Staline et d'un polit-buro en charge de la censure, toute cette agitation autour d'Internet et les déclarations de méfiance des différents membres du gouvernement renvoient aux différentes polémiques lancées sur le web ces derniers temps au détriment du pouvoir : la vidéo des marins du Guilvinec, l'insulte au salon de l'agriculture, les propos de Rachida Dati sur Jean-Louis Borloo, les contradictions de Roselyne Bachelot, le petit mensonge de Valérie Pécresse...
La communication gouvernementale passerait donc désormais par un meilleur contrôle du web.
- MONDE : La technique au service de la censure politique sur Internet
- MONDE : Une dizaine de pays traque les cyberdissidents
- MONDE : Quand les géants d'Internet négocient avec les dictatures
- CHINE : 40 000 policiers du net surveillent 220 millions d'internautes
- FRANCE : L'Elysée et le gouvernement veillent désormais sur la toile
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