breve · 13 juin 2008 à 19:57
Contre toute attente, le "Non" au référendum sur le traité de Lisbonne l'a emporté avec environ 53,8% des voix, contre 46,2% pour le "Oui". Après l'échec de la constitution européenne en 2005, le rejet du traité de Lisbonne par les irlandais est un nouveau camouflet pour l'Union Européenne alors que ce nouveau texte apparaissait comme étant le plus équilibré.
A la veille de la présidence française qui débute au mois de juillet, l'Union Européenne connaît de nouveau une crise majeure dont l'issue est incertaine. Mais pourquoi les irlandais ont-ils voté "Non" ?
Plusieurs raisons peuvent expliquer ce rejet alors que la plupart des partis politiques et des acteurs du débat public étaient favorables au traité de Lisbonne.
1. Tout d'abord, les agriculteurs irlandais, pourtant grands bénéficiaires de la Politique Agricole Commune, ont craint de perdre leurs avantages dans une Europe où les décisions ne seraient plus prises à l'unanimité mais à la majorité.
2. L'argument de la perte de puissance de l'Irlande dans une Europe élargie a été décliné dans tous les domaines : en matière de fiscalité (l'Irlande a des taux d'imposition très bas pour encourager l'activité économique), sur le plan diplomatique (nomination d'un Haut représentant aux affaires étrangères dans le traité de Lisbonne), le nouveau traité assouplissait la règle de l'unanimité qui donne à toutes les nations un droit de veto. Certains irlandais ont alors craint de voir Bruxelles leur imposer une autre politique.
3. L'Irlande étant un petit pays par sa démographie, la nouvelle réorganisation des institutions européennes pouvait alors être perçue comme une perte de puissance pour les nations secondaires. Par exemple, pour une plus grande efficacité, le traité réduisait le nombre de commissaires européens (27 actuellement), ce qui pénalisait les petites nations qui n'avaient plus la garantie d'avoir un représentant en permanence dans ce qui est considéré comme le gouvernement de l'Europe.
4. La pression médiatique en faveur du Oui a eu l'effet contraire. Quasiment tous les partis politiques, tous les organes de presse s'étaient prononcés en faveur du Oui. La diabolisation du vote "Non", comme ce fut un peu le cas en France lors du référendum de 2005, a donc fini par exaspérer une partie des électeurs.
Ce rejet du traité de Lisbonne plonge l'Europe dans une crise profonde. Trois solutions sont possibles :
- Abandonner le traité de Lisbonne et toute réforme des institutions. L'UE ne serait alors plus qu'une simple organisation économique régionale, sans dimension politique faute de s'entendre à 27.
- Elaborer une parade juridique pour isoler l'Irlande des 26 autres états. L'Irlande pourrait par exemple se mettre en retrait des institutions. Ce serait une version "soft" d'une sortie de l'Irlande de l'UE.
- Refaire voter les irlandais dans quelques mois en espérant que le Oui l'emporte. Cette solution fut choisie en 2001 quand les irlandais avaient rejeté une première fois le traité de Nice.