Revue de presse · 18 juin 2008 à 19:03
Nicolas Sarkozy avait promis durant la campagne présidentielle de moderniser les institutions, sans brandir l'étendard d'une hypothétique VIe République pour ne pas effrayer. Pourtant, même si le régime conserve le nom de Ve République, le gouvernement et les députés de la majorité s'apprêtent à voter une profonde transformation du régime : pouvoir du parlement, du président, processus de vote, tout y passe. Le projet a déjà été voté à l'Assemblée nationale, il doit encore passer au Sénat avant d'être soumis au vote définitif lors d'un congrès extraordinaire en juillet. Pour que cette modification soit validée, il faudra qu'une majorité des 3/5 vote pour. Le gouvernement a donc besoin des voix de la gauche pour faire passer la réforme. Et c'est là que ça se complique...
- Le Monde : Constitution, le gouvernement tente de déminer les points de blocage
- Libération : Le Sénat chouchouté par Fillon pour la Constitution
- Le Point : La réforme des institutions cahote au Parlement
Une constitution est un texte de loi qui définit le rôle des différents pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire), les prérogatives de chacun et les modalités de prise de décision. La Constitution de la Ve République date de 1958 mais elle a déjà été modifiée à 22 reprises. La première fois, c'était en 1962, avec l'instauration de l'élection du président de la République au suffrage universel direct. En 2000, la Constitution est modifiée avec le passage du mandat présidentiel à 5 ans. Et depuis 2002, le texte fondamental a été modifié à 8 reprises, avec notamment le rajout de la Charte de l'environnement et l'inscription de l'interdiction de la peine de mort dans la Constitution.
Cette fois-ci, la révision prévue est d'une plus grande ampleur puisque ce sont près de 33 articles sur 89 qui ont été réécris. Parmi les principales innovations, on peut citer :
1. Renforcement des pouvoirs du parlement : l'ordre du jour du parlement sera défini pour moitié par le gouvernement et pour moitié par les députés. Chaque assemblée consacrera une semaine de séance par mois aux activités de contrôle et d'évaluation de la politique du gouvernement. En matière de Défense, domaine réservé au président de la République, le parlement devra voter la prolongation d'une intervention militaire quatre mois après le début de cette intervention. Jusqu'à présent, les députés et sénateurs n'étaient pas forcément consultés.
2. Contrôle des nominations : le pouvoir de nominations du président de la République, pour les entreprises publiques et autres organismes en tout genre, est plus encadré. Les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat auront un droit d'opposition à la majorité des 3/5e.
3. Intervention du chef de l'Etat devant les assemblées : Jusqu'à présent, la stricte séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif empêchait au président de la République de s'exprimer devant les députés et les sénateurs. Le nouveau texte l'autorise désormais à le faire, mais uniquement lorsque députés et sénateurs seront réunis en congrès, ce qui pourrait arriver une fois par an. Sa déclaration pourra être suivie, en dehors de sa présence, d'un débat sans vote.
4. Recours au référendum : Malgré les risques du recours aux référendums (le Non à la Constitution européenne en 2005 en est le parfait exemple), ce dispositif est renforcé dans deux domaines. L'entrée de nouveaux Etats dans l'Union Européenne devra être soumise à référendum pour les Etats dont la population représente plus de 5% de celle l'Union Européenne. La Turquie est directement visée. Par ailleurs, le référendum d'initiative populaire entre dans la Constitution : une proposition de loi pourra être soumise au référendum à la demande d'un 1/5e des parlementaires, représentant au moins 1/10e des électeurs.
5. Equilibre budgétaire : A la demande du Nouveau Centre, l'équilibre budgétaire devient une obligation constitutionnelle. Les orientations pluriannuelles des finances publiques doivent viser un objectif d'équilibre. Cette disposition sera difficile à appliquer : rien qu'en 2007, le budget de l'Etat était déficitaire de 40 milliards d'euros.
6. Nouvelles inscriptions dans la Constitution : la parité professionnelle figure désormais dans la Constitution. Le nouvel article stipule que "la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales". La Constitution reconnait également que les langues régionales appartiennent au patrimoine de la Nation.
Cette révision du texte de la Constitution est la plus importante depuis 1958 puisqu'un tiers du texte est touché. Pour obtenir le vote des 3/5e, Nicolas Sarkozy a déjà fait quelques concessions. Il a par exemple renoncé à modifier l'article 5 de la Constitution définissant les pouvoirs du président et du Premier ministre. Ce dernier conserve l'intégralité de ses pouvoirs alors que Nicolas Sarkozy voulait en faire le simple exécutant d'une politique définie exclusivement par le président.
Malgré cela, il n'est pas certain que ce texte obtienne la majorité des 3/5e. Certains députés rejettent telle ou telle disposition, les socialistes refusent que le président s'exprime devant le parlement, des députés UMP rejettent un texte qui bouleverserait de manière trop importante l'équilibre des institutions définit par le général De Gaulle. Mais surtout, les députés de l'opposition voudraient à travers le rejet de ce texte infliger un échec cuisant à Nicolas Sarkozy. Devant la pression du groupe socialiste, le président de la République est déterminé à aller jusqu'au bout, quitte à risquer le vote négatif.
- Qu'est-ce qu'une Constitution ?
- Quel est le rôle du Conseil constitutionnel ?
- Quels sont les fondements de la République française ?
- Pourquoi la Grande Bretagne n'a-t-elle pas de constitution ?
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