breve · 18 juin 2008 à 21:31
Nul n'est censé ignorer la loi. Mais ce sera de plus en plus difficile. Dans un ouvrage intitulé "Ubu roi, trop de lois tue la loi", le journaliste Philippe Sassier et l'universitaire Dominique Lansoy ont constaté une inflation législative en France. Ils ont recensé près de 10 500 lois, 127 000 décrets. Et la tendance va en s'accentuant.
Cette inflation est le résultat d'une manie bien française : à chaque problème, une loi.
En 2000, le Conseil d'Etat avait déjà fait un décompte : la France comptait 9 000 lois et 120 000 décrets. Aujourd'hui, selon les calculs de Philippe Sassier et Dominique Lansoy, on en est à 10 500 lois et 127 000 décrets. La tendance est à la hausse et les députés ne sont pas prêts de ralentir le rythme : depuis des années, le gouvernement oblige les députés à travailler un peu plus en organisant des sessions extraordinaires du parlement au mois de juillet. Et quand l'Europe s'y met, l'arsenal juridique s'emballe : à ces 10 500 lois, il faut ajouter 7 400 traités et 17 000 textes communautaires.
Ces dernières années, le nombre de loi votée au parlement a considérablement augmenté, les débuts de mandat étant souvent très productifs. Ainsi, quand Dominique de Villepin est nommé à Matignon en juin 2005, il obtient une prolongation des travaux du parlement pendant le mois de juillet. Entre le 21 juillet et le 2 août 2005, ce ne sont pas moins de 6 lois, 6 ordonnances et 15 décrets qui sont venus grossir les 3 000 pages du code du travail sur la durée légale du temps de travail. Et cette soudaine hyperactivité législative n'est pas un cas isolé.
Les présidents de l'Assemblée nationale, à commencer par Jean-Louis Debré, se sont souvent plaints de cette dérive. Les députés ont le sentiment que le travail est parfois bâclé en raison d'une surproduction de textes législatifs parfois mal ficelés. Sous la pression du gouvernement, lui-même sous la presse des médias et de l'opinion, les députés multiplient donc les lois. Entre 1986 et 2006, le Journal Officiel est ainsi passé de 7 000 à 17 000 pages !
Parfois, des lois votées ne sont toujours pas appliquées plusieurs mois après leur adoption définitive car les décrets n'ont pas été publiés, souvent par négligence ou parce que l'appareil juridique ne suit pas le rythme infernal imprimé par les députés.
L'une des principales causes de cette inflation législative est le recours systématique à la loi dès qu'un problème se présente. La "loi émotion" est décidée sous la pression médiatique et a pour fonction de donner aux médias l'image d'un pouvoir réactif, qui travaille. Nicolas Sarkozy est passé maître dans l'art d'annoncer de nouvelles lois, notamment à l'occasion de faits divers qui ont fait la Une des médias. Sous le sceau de l'émotion, Nicolas Sarkozy réagit et promet une nouvelle loi. Il a répété l'exercice autant de fois que nécessaire quand il était ministre de l'Intérieur, notamment à propos de l'immigration, de la récidive et de l'ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs. A chaque fois, les décrets d'application de la nouvelle loi ne sont pas publiés que déjà, Sarkozy souhaitait la changer.
Cette inflation législative pose un véritable problème dans la gestion de l'Etat. L'administration d'Etat est paralysée par l'accumulation de textes législatifs qui s'entrecroisent. Par ailleurs, la multiplication des lois décrédibilise de plus en plus un pouvoir, incapable de s'assurer que les lois sont biens respectées. A plusieurs reprises, des lois ont été annoncées alors que les mesures qui y figurent étaient déjà présentes dans des lois existantes... non appliquées.
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