Revue de presse · 30 juin 2008 à 20:35
Le taux de chômage n'a jamais été aussi faible depuis plus de 20 ans : 7,5% au premier semestre 2008. Dans un contexte de crise financière internationale et de crise de pouvoir d'achat en raison de l'augmentation du prix des matières premières, les chiffres du chômage ont de quoi réjouir le gouvernement de François Fillon. Pourtant, malgré ces bons chiffres, la ministre de l'Economie, qui maîtrise parfaitement l'art de jongler avec les chiffres et les annonces contradictoires, a crû bon de devoir travestir la réalité du mois de mai dans un communiqué sur les derniers chiffres du chômage.
En mai 2008, le chômage a-t-il augmenté ou s'est-il stabilisé ? L'INSEE et Christine Lagarde ne sont pas d'accord.
- Communiqué du gouvernement : Le nombre de demandeurs d'emploi se stabilise en mai
- Le Monde : Coup d'arrêt à la baisse du chômage
- Mediapart : Christine Lagarde, encore une gaffe ! (sur abonnement)
Selon l'INSEE, en mai 2008, le chômage est reparti à la hausse : + 0,3% en mai, soit 5 400 chômeurs de plus. La dépêche a été reprise par tous les médias, même TF1. Même si sur le premier trimestre 2008, les chiffres sont bons, ce retour de conjoncture au mois de mai montre que la croissance française est davantage touchée par la crise mondiale que ce que prévoyaient les experts.
Sauf que Christine Lagarde a refusé de voir une hausse du chômage. Dans un communiqué publié jeudi 26 juin 2008, le ministère de l'Economique indique que "le nombre de demandeurs d'emploi se stabilise en mai". Curieux titre de dépêche alors que l'INSEE annonce une hausse du chômage au cours de la même période. La lecture attentive du communiqué explique ce décalage : "le nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois (DEFM) inscrits en catégorie 1 a légèrement augmenté en mai (+5 400) tandis que celui des demandeurs d'emploi inscrits en catégories 1, 2 et 3 hors activités réduites, une définition proche de celle du chômage au sens du Bureau International du Travail, baisse de -7 100.".
L'INSEE évoque une hausse du chômage de 0,3% (ce sont les chômeurs de catégorie 1) mais le gouvernement, dans son communiqué, évoque une stabilisation puisque le nombre de chômeurs de catégorie 1, 2 et 3 a baissé. Alors, y a-t-il une hausse du chômage ou une stabilisation ?
Laurent Mauduit, dans un article publié sur Mediapart, est revenu sur cette interprétation divergente entre l'INSEE et le ministère de l'économie et qualifie le communiqué de Christine Lagarde de "petit mensonge". Explications : pour calculer un taux de chômage, on prend compte plusieurs types de chômeurs classés par catégorie :
- Catégorie 1 : Chômeur, toujours indemnisé, recherchant un contrat à durée indéterminée, à plein temps et étant disponible immédiatement.
- Catégorie 2 : Chômeur recherchant un Contrat à durée indéterminée, à temps partiel.
- Catégorie 3 : Chômeur recherchant un Contrat à durée déterminée ou mission d'intérim.
Christine Lagarde s'appuie donc sur les 3 catégories alors que l'INSEE évoque une hausse du chômage de la catégorie 1.
L'INSEE et Christine Lagarde sont donc dans le vrai. Sauf que leurs conclusions sont radicalement différentes. Alors, quel chiffre retenir ? Selon Laurent Mauduit, "Durant des décennies, le chiffre de référence du chômage était le nombre des demandeurs d'emplois catégorie 1 +catégorie 6 (y compris ceux qui ont travaillé +78H dans le mois). Et puis, voici quelques années, le gouvernement de l'époque a trouvé que cette référence n'était pas la bonne et a commencé à communiquer uniquement sur la catégorie 1, beaucoup plus restrictive, ce qui permettait d'afficher un nombre de chômeurs beaucoup plus réduit".
Seulement voilà, les derniers chiffres de l'INSEE indiquent une augmentation du nombre de chômeurs de catégorie 1, chiffres habituellement retenus pour communiquer sur le taux de chômage. Pour éviter d'annoncer une mauvaise nouvelle, Christine Lagarde a donc décidé de faire une petite manip : ajouter à la catégorie 1, les chiffres des catégories 2 et 3 pour compenser et obtenir une "stabilisation" du chômage et non une "hausse".
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