Enquête · 4 juil. 2008 à 18:37
Promesse de campagne de Nicolas Sarkozy, le bouclier fiscal est un dispositif qui plafonne les impôts à 50% des revenus. L'Etat ne peut ponctionner plus de 50% des revenus d'un contribuable, dans le cas contraire, il doit rembourser le trop payé. Depuis l'été 2007, ce bouclier fiscal est passé de 60% à 50% des revenus. L'Etat a donc dû rembourser une partie des recettes fiscales à certains contribuables.
Mais qui sont-ils ? Quel est le montant remboursé ?
Dans son édition du jeudi 26 juin 2008, Le Figaro Economie lance un pavé dans la marre : "74% des bénéficiaires du bouclier fiscal sont modestes". L'information a de quoi étonné car ce dispositif avait justement pour but d'éviter l'évasion fiscale des contribuables les plus fortunés qui payaient trop d'impôts. Et le quotidien tente d'appuyer sa démonstration par des chiffres : "14 981" foyers fiscaux ont reçu un chèque du fisc au titre de leurs revenus 2006. "Les bénéficiaires ont touché un chèque de 16 000 euros en moyenne et ce dispositif voté sous le gouvernement Villepin va coûter 241 millions d'euros (...). "Les classes moyennes et modestes représentent l'écrasante majorité des bénéficiaires (...) 74% ont un revenu fiscal annuel inférieur à 3750 euros. Ce sont donc des ménages très modestes ! Parmi eux, beaucoup de RMistes qui sont propriétaires de leur résidence principale et doivent à ce titre s'acquitter de la taxe foncière".
En 2007, 15 000 contribuables ont été concernés par le bouclier fiscal. En moyenne, ils ont reçu un chèque de 16 100 euros. Selon l'administration fiscale, "74 % des bénéficiaires du bouclier fiscal peuvent être considérés comme des ménages modestes, ayant un revenu inférieur à 42 000 euros en 2006 et n'étant pas concernés par l'ISF". Sauf qu'il y a de fortes disparités dans les remboursements : sur les 14 981 indemnisations acceptées, près de 9 300 portent sur des remboursements inférieurs à 800 euros, tandis que quelque 5 700 concernent un montant supérieur. Vu que la mesure a coûté 241 millions d'euros en 2007, le calcul est facile à faire. Les 5 700 contribuables qui ont reçu un chèque supérieur à 800 euros ont reçu en moyenne un chèque de... 40 975 euros. Or, toucher un chèque de 800 euros et en toucher un de 40 975 euros, ce n'est pas vraiment la même chose. Le coût de la mesure se concentre donc sur les contribuables dont les patrimoines sont les plus élevés.
Le bouclier fiscal est une invention du gouvernement Villepin qui fixait le plafonnement des impôts à 60% du revenu. Nicolas Sarkozy a souhaité aller plus loin en fixant le plafond à 50% des revenus. Plus de foyers fiscaux sont donc concernés, pour des montants de remboursement forcément plus élevés. La loi TEPA, votée en juillet 2007, prévoyait un coût de 625 millions d'euros pour le bouclier fiscal à 50% (soit plus du double que la mesure Villepin).
Le député UMP Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances à l'Assemblée, vient de terminer un rapport sur le bilan du bouclier fiscal pour le premier trimestre 2008, que le journal Les Echos a pu se procurer. Et manifestement, la mesure du bouclier fiscal à 50% va coûter plus chère que prévu.
En moyenne, sur les 1290 contribuables qui ont reçu un remboursement du fisc au titre du nouveau bouclier fiscal à 50%, l'administration fiscale a fait un chèque de 47 060 euros. Et alors que 73% des bénéficiaires au titre du revenu 2006 avaient un revenu fiscal inférieur à 3 750 euros, cette année, 91 % des montants ont été reversés aux patrimoines supérieurs à 3,7 millions d'euros.
Contrairement à ce qu'affirmait Le Figaro la semaine dernière, le bouclier fiscal ne profite donc pas au foyer les plus modestes. Ce sont bien les contribuables les plus riches qui sont visés par cette mesure. Le bouclier fiscal pouvait apparaître comme une mesure de bon sens : après tout, il peut apparaître anormal qu'un contribuable ne puisse pas garder au moins la moitié de ses revenus. En outre, ce dispositif devait permettre de relancer les investissements et de stopper l'évasion fiscale. Sauf que de ce point de vue, il n'y a eu aucun effet. La crise financière qui a éclaté à l'été 2007 a surtout poussé les ménages les plus aisés à réfugier leurs capitaux dans l'épargne et non l'investissement.