Le Canard enchaîné · 22 juil. 2008 à 18:23
En 2003, Jean-Louis Borloo, ministre de la Cohésion sociale, annonçait un plan de rénovation des banlieues très ambitieux. Lors d'une conférence de presse, le 17 juin 2003, il promettait un plan de rénovation des 165 quartiers les plus dégradés de France ainsi que la destruction et reconstruction de près de 200 000 logements en 5 ans. Justement, un quinquennat plus tard, où en est cette promesse ? Le Canard Enchaîné, dans son édition du mercredi 16 juillet 2008, a découvert que sur les 12 milliards d'euros promis par l'Etat, seuls 8% des crédits ont été débloqués à ce jour.
Retour sur un plan banlieue mort-né.
Le 17 juin 2003, Jean-Louis Borloo lance un grand plan de rénovation des banlieues avec des objectifs très précis : rénover les 165 quartiers de banlieue les plus dégradés et reconstruire 200 000 HLM vétustes. Le plan quinquennal devait s'achever en 2008. Entre-temps, le ministre de la cohésion sociale était même allé plus loin, comme le raconte Le Canard Enchaîné : en 2005, il avait promis de rénover près de 539 quartiers et de réhabiliter près de 650 000 HLM. En affichant un projet de plus grande ampleur, Jean-Louis Borloo en profitait pour allonger l'échéance : objectif 2011.
Pour mettre en oeuvre cette politique de rénovation, Jean-Louis Borloo avait créé l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (Anru), qui devait être dotée de 12 milliards d'euros. Le coût total du programme étant estimé à 36 milliards d'euros, les collectivités locales devaient chercher le reste du financement auprès des offices HLM ou sur leurs fonds propres. Sauf que l'Etat n'a pas vraiment respecté ses promesses.
Dans un article intitulé "Le plan de rénovation des banlieues toujours en plan", Hervé Liffran du Canard Enchaîné révèle que cinq ans après, l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine n'a versé aux collectivités que 8% des crédits annoncés, soit un milliard d'euros, au lieu des 12 milliards d'euros prévus. C'est la Cour des comptes, alertée par des maires en colère, qui s'est rendue compte que c'était tout simplement le ministère de l'Economie qui refusait de débloquer les crédits, en raison du déficit budgétaire. Et le Canard de citer en exemple la ville d'Aulnay-sous-Bois, qui devra attendre quatre ans après le début des travaux pour toucher les premières subventions de l'Etat.
Face aux retards et à la volonté de Bercy de réduire les crédits, l'Agence Nationale pour la Rénovation a réduit l'ampleur du plan. Près de la moitié des HLM qui devaient être détruits ne le seront pas, un tiers des logements qui devaient être rénovés resteront en l'état. En outre, Christine Boutin, ministre en charge du logement dans le gouvernement Fillon, a retiré une trentaine de quartiers de ce plan, pour concentrer les crédits sur les autres quartiers. Cette redéfinition du programme est d'autant plus nécessaire que le plan Borloo 2003 sous-estimait le coût des chantiers, d'environ 30%. Quand l'Agence Nationale pour la Rénovation verse les crédits pour un chantier, elle le fait sur les bases de 2003, sans tenir compte de l'inflation des prix de la construction du bâtiment (+5% par an depuis 2004). Devant ce qui s'apparente à un véritable fiasco, l'ANRU a repoussé les échéances du programme à 2015. Les élus locaux prédisent plutôt 2020.
Du Plan Borloo 2003, le gouvernement a tout de même tenté de respecter une promesse : détruire les HLM délabrés. Si le rythme de destruction n'a pas atteint les 200 000 logements comme prévu, déjà près de 128 000 logements sociaux ont été détruits, selon l'Agence Nationale pour la Rénovation, citée par Le Canard Enchaîné. Sauf que sur les 128 000 logements détruits, seuls 121 000 ont été reconstruits. Autrement dit, alors que le Plan Banlieue 2003 devait aboutir à la construction et reconstruction de près de 200 000 logements HLM, l'Etat a surtout pensé à détruire, sans forcément débloquer les fonds pour reconstruire des logements sociaux flambant neufs. Et selon les élus, l'écart entre les destructions et les reconstructions risque de s'agrandir. Par exemple, à Meaux, ville de Jean-François Copé, la municipalité a prévu de reconstruire... mois d'un HLM sur deux qui a été détruit.
Le Plan Borloo 2003, destiné à rénover les quartiers les plus vétustes, apparaît donc comme un véritable fiasco. Evidemment, certains quartiers ont bien été rénovés. Jean-Louis Borloo, qui était encore ministre de la Cohésion sociale en 2007, a donc pu se déplacer devant les caméras des journaux télévisés sur des chantiers terminés. Mais quand l'Etat ne débloque que 8% des crédits promis, ce type de plan frise l'escroquerie politico-médiatique. Depuis, Jean-Louis Borloo est passé au ministère de l'Ecologie, et Fadela Amara a été chargée d'élaborer... un nouveau plan Banlieue.
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