Education : la gratuité pour les expatriés coûtera 713 millions d'euros par an

Le Canard enchaîné · 3 sep. 2008 à 08:01

Education pour les expatriés

Après deux mois de vacances, l'heure de la rentrée a sonné pour les élèves. La presse évoque une rentrée "morose" dans un contexte de restriction budgétaire et rappelle le chiffre communiqué pendant l'été : 13 500 postes seront supprimés l'année prochaine, après les 11 500 suppressions de poste de cette année. Mais une information a échappé à une grande partie des médias : pendant l'été, le Canard Enchaîné a révélé que Nicolas Sarkozy avait décidé d'accorder la gratuité à tous les français de l'étranger. Coût de cette mesure unilatérale qui ne tient pas compte des salaires des parents : 713 millions d'euros par an.


Source : Isabelle Barré, « Le ruineux cadeau de Sarko aux expatriés », Le Canard Enchaîné n°4581, mercredi 13 août 2008, page 4

Ecoles françaises à l'étranger : des frais de scolarité très variables

Si les résultats des écoliers français baissent dans les classements internationaux, la réputation des lycées français à l'étranger reste intacte. Environ 160 000 élèves sont scolarisés dans ces établissements : 80 000 français et autant d'étrangers dont les parents souhaitent que leurs enfants suivent une scolarité en français. Ces établissements, placés sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères, sont payants. Selon le Canard Enchaîné du 13 août 2008, les frais de scolarité de ces établissements sont très variables : 5 500 euros à l'année à Tokyo, 15 000 euros à New York et le plus cher, 17 000 euros par an à San Francisco. Mais un système de bourse plutôt avantageux permet de compenser ces frais plutôt élevés. Ainsi, à New York, les enfants dont les parents gagnent moins de 65 000 euros par an (4 400 euros par mois et par foyer) peuvent bénéficier d'une bourse.

Nicolas Sarkozy a décidé la gratuité pour tous

En France, la scolarité dans le primaire et le secondaire est gratuite. Nicolas Sarkozy a donc estimé que les expatriés devaient eux-aussi bénéficier de cette gratuité. L'argument paraît relever du bon sens. Depuis l'an dernier, l'Etat prend en charge l'intégralité des frais de scolarité des élèves de terminale. Cette année, la gratuité est étendue aux élèves de classe de première et l'an prochain, le dispositif sera étendu aux élèves de seconde. A terme, c'est toute la scolarité des expatriés qui sera prise en charge par l'Etat. C'est Nicolas Sarkozy lui-même qui est à l'origine de la décision. Le 20 juin 2008, il s'expliquait devant la communauté française d'Athènes : "J'aurais pu commencer la gratuité par la maternelle. Mais j'ai voulu commencer par l'année la plus chère pour que vous puissiez constater la générosité des pouvoirs publics français".

Un cadeau à 713 millions d'euros pour des bénéficiaires plutôt aisés

Cette réforme n'était pas souhaitée par le ministère des Affaires étrangères. Bernard Kouchner avait plutôt proposé de modifier le système de bourse, pourtant déjà très généreux. Et si le Quai d'Orsay trainait des pieds, c'est que les premières estimations sur le coût de cette mesure s'avèrent être très élevées. Selon le Canard Enchaîné, d'ici 10 ans, appliquée du lycée au primaire (sans parler de la maternelle), la gratuité coûterait à l'Etat près de 713 millions d'euros en année pleine.
Outre ce cout exorbitant, c'est le profil des bénéficiaires qui pose problème : la gratuité étant accordée sans distinction de salaire (à la différence des bourses), cette mesure bénéficie à des familles qui ne sont pas vraiment dans le besoin. L'hebdomadaire cite par exemple le cas d'une famille vivant à Londres qui déclare près de 2 millions d'euros de revenus annuels.
Autrement dit, au lieu d'améliorer le système de bourse, le président de la République a décidé d'accorder un "cadeau" de 713 millions d'euros à des bénéficiaires plutôt aisés. Une note très salée pour l'Etat alors que certaines entreprises finançaient jusqu'à présent ces frais de scolarité pour attirer leurs cadres à l'étranger, et que les places dans ces lycées sont insuffisantes. A Londres, il manquerait 500 places par an. Au quai d'Orsay, on a donc fait valoir, en vain, qu'il aurait mieux fallu utiliser ces crédits pour ouvrir des classes dans ces lycées à l'étranger.


Une question demeure : pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il accordé la gratuité, contre l'avis du quai d'Orsay ? Sans doute pour des raisons politiques. Le 6 mai 2007, les Français de l'étranger ont voté à 54% pour Nicolas Sarkozy. Les expatriés se sentant souvent délaissés, Nicolas Sarkozy a donc voulu leur signifier qu'il n'avait pas oublié. Mais les mauvaises langues avancent une autre raison : à la rentrée, le fils du président est inscrit au lycée de Doha, au Qatar. Autant éviter de payer des frais de scolarité.

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