Revue de presse · 5 sep. 2008 à 15:15
Pendant l'été, Nicolas Sarkozy et ses conseillers ont longuement travaillé sur la stratégie de rentrée du gouvernement. Face aux menaces de récession et à la crise du pouvoir d'achat liée à la hausse des énergies et des matières premières, le gouvernement est coincé, faute de marge de manoeuvre budgétaire. Cette impuissance réelle contraste avec le discours volontariste de Nicolas Sarkozy. Pour contourner les difficultés d'une rentrée morose, le président de la République a donc élaboré une stratégie en trois temps : mise en chantier du RSA pour donner des gages aux plus démunis, vote fin septembre des textes sur la participation, censés améliorer le pouvoir d'achat, et accélération du Grenelle de l'environnement. A défaut de croissance économique, Nicolas Sarkozy veut parler de croissance écologique.
- Le Monde : Le recours à la fiscalité écologique pour stimuler la "croissance verte"
- L'Express : Jean-Louis Borloo reste flou sur l'extension du "bonus-malus" écologique
- Rue89 : Publicité automobile: quand les marques abusent du vert
"Ni relance, ni plan de rigueur", voilà le mot d'ordre du Premier ministre à l'issue de la réunion surprise du 18 Août, qui anticipait le conseil des ministres de rentrée. Nicolas Sarkozy s'est agacé de cette réunion, médiatisée alors qu'il n'y avait aucune annonce. Dans un contexte de crise économique, la rentrée du gouvernement s'annonce difficile. La baisse du chômage s'est arrêtée, la crise du pouvoir d'achat n'a pas été résolue en raison de la hausse des prix de l'énergie et des matières premières. En fin politique, Nicolas Sarkozy a donc tout fait pour éviter de subir les conséquences des annonces des mauvaises nouvelles. Et pour y parvenir, il faut nourrir l'appareil médiatique et imposer son agenda.
A la recherche d'un nouveau souffle, le président de la République a donc redéfini ses priorités pour contourner les difficultés économiques de la rentrée : à chaque difficulté, une réponse. Les médias allaient s'emparer de la baisse du pouvoir d'achat ? L'Elysée a demandé à ce que le texte sur l'intéressement soit présenté à l'Assemblée nationale lors d'une session extraordinaire en septembre. La presse allait évoquer l'arrêt de la baisse du chômage ? Le président a demandé à ce que le RSA, qui incite les chômeurs a retrouvé un emploi, soit voté dès la rentrée. Et face à la crise économique et les risques de récession, Nicolas Sarkozy a trouvé la parade, faute de marge de manoeuvre budgétaire : l'accélération du Grenelle de l'environnement.
Nicolas Sarkozy souhaitait une grande loi sur le développement durable. En raison des multiples retards du ministère de Jean-Louis Borloo et des groupes de travail, il n'y aura pas une loi, mais trois lois, qui entreront en vigueur en 2009 et qui ont été baptisés Grenelle 1, 2 et 3. Outre les difficultés techniques du ministère qui n'est pas encore totalement opérationnel, ce retard était aussi un moyen de repousser la mise en oeuvre des mesures concrètes, souvent coûteuses pour l'Etat.
Mais face à la crise économique, le président de la République a décidé de revoir sa stratégie : au lieu de repousser l'application d'une politique de développement durable pour des motifs budgétaires, les textes du Grenelle sont devenus prioritaires. Les textes du Grenelle 1 et 2 devront être votés avant Noël, et le texte 3 devra être examiné au début de l'année 2009. Ce coup d'accélérateur inattendu pose d'ailleurs un problème d'agenda car le calendrier du parlement est déjà plein : entre les lois de finance, la loi sur l'audiovisuel public, celle de la programmation militaire ou celles sur le logement et sur l'hôpital, le président de la République a demandé à ce que ce soit intercalé les textes du Grenelle.
Faute de croissance économique, Nicolas Sarkozy compte donc mettre en avant l'idée de croissance écologique. Tactiquement, c'est habile. Au moment où la croissance économique mondiale se ralentit, où le capitalisme financier s'affole, le président de la République veut mettre en avant la possibilité d'une autre croissance, qui tient compte de l'environnement, afin de promouvoir un développement économique durable.
Mais le choix de mettre en avant la politique du développement durable est à double tranchant : car si ce thème peut éclipser un temps celui des difficultés structurelles de l'économie française, encore faut-il que les mesures du Grenelle soient réellement ambitieuses. Or, la politique du développement durable nécessite des crédits, que le budget actuel ne permet pas.
Pour respecter le pacte de stabilité européen, le gouvernement doit faire des économies. Voilà pourquoi Jean-Louis Borloo est obligé de batailler depuis plusieurs mois pour imposer les idées du Grenelle, notamment l'extension du bonus-malus à d'autres secteurs d'activités que celui de l'automobile. Le principe est simple : taxer les produits les plus polluants (malus) et alléger la fiscalité sur les produits plus respectueux de l'environnement (bonus). Seulement, l'opération n'est pas neutre, car les premières expérimentations montrent que les consommateurs se tournent massivement vers les produits écologiques et délaissent les produits polluants. Victime de son succès, la mesure devient un coût supplémentaire pour le budget de l'Etat : le montant des malus ne couvre pas celui des bonus.
Si Nicolas Sarkozy veut réellement promouvoir une croissance écologique et ne pas simplement faire des effets d'annonce pour contourner les difficultés d'une rentrée morose sur le plan économique, il devra donc débloquer les crédits nécessaires. Avec cette donnée supplémentaire, le bouclage du budget 2009 s'apparente de plus en plus à une mission impossible, sauf à laisser filer la dette.
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Portrait : Nathalie Kosciusko-Morizet, l'écologiste de droite