Revue de presse · 9 sep. 2008 à 18:01
Dans chaque quotidien, les journalistes suivent des dossiers particuliers : politique étrangère, questions économiques, partis politique. A chaque conférence de presse ou voyage officiel, les mêmes journalistes suivent donc les mêmes ministres. Malgré le statut de contre-pouvoir de la presse, un lien particulier se noue alors entre le journaliste et le responsable politique suivi au quotidien. La distance est indispensable pour garder une certaine objectivité, la proximité est utile pour recueillir des confidences. Le chemin entre information et communication est donc étroit. Et quand un conflit éclate entre un journaliste et un ministre, un boycott discret peut s'organiser. C'est la mésaventure que semble vivre une journaliste du Monde, en conflit ouvert avec le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.
- Le Monde : Le Monde" et le ministère des affaires étrangères
- NouvelObs : Les raisons d'une mise à l'écart
- Bakchich.info : Quand une journaliste est expulsée de l'Assemblée nationale pour une question trop impertinente
La presse papier va mal. Les recettes publicitaires ne cessent de diminuer, tout comme les tirages. Si la révolution numérique explique en partie cette crise, la question de l'indépendance de la presse et le soupçon permanent de connivences entre journalistes et responsables politiques reviennent régulièrement. Quand Jean-Pierre Elkabbach demande à Nicolas Sarkozy son avis sur le choix du journaliste politique qui doit le suivre au quotidien, la radio Europe 1 est aussitôt taxée de "radio sarkozyste". Lors d'une émission d'Arrêt sur Images, le journaliste politique du Monde, Philippe Ridet, racontait comment Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, l'avait accueilli en robe de chambre lors d'un dîner chez lui. Dans son livre, Le président et moi, Philippe Ridet a décrit l'ambiguïté des relations entre un responsable politique et un journaliste qui le suit au quotidien et la nécessité pour un journaliste de garder une certaine indépendance d'esprit.
Dans son édition du 3 septembre, Le Monde a publié un article dénonçant la mise à l'écart de sa correspondante diplomatique. Depuis deux mois, la journaliste doit faire face à une mise en quarantaine de la part du Quai d'Orsay. Tous les envois du cabinet de Bernard Kouchner, dossiers de presse, invitations, ont été stoppés. La journaliste n'est plus la bienvenue au Quai d'Orsay et par des biais détournés, le ministre aurait fait savoir au journal Le Monde qu'il fallait la changer. Le 29 août dernier, elle a même été expulsée, sur décision du cabinet du ministre, d'une conférence où devait s'exprimer Bernard Kouchner. C'est la première fois que le journal Le Monde serait confronté à ce niveau d'intimidation.
Le ministère des Affaires étrangères a aussitôt réagi par le biais de son porte-parole : le ministère "ne pratique aucune discrimination, ni entre les rédactions des différents médias, ni entre les journalistes". Officiellement, il n'y a donc pas de mise à l'écart et le porte-parole de Bernard Kouchner a invité la journaliste à se rendre au ministère "pour dissiper tout malentendu". Le Quai d'Orsay a donc démenti, malgré la réputation du ministre (voir le clash de cet été sur France 24).
Si le journal Le Monde est resté discret sur les raisons de cette mise à l'écart, il n'en est pas de même du NouvelObs. Dans un article publié le 4 septembre, un grand reporter du NouvelObs raconte les coulisses de cette guerre feutrée entre le ministre et la journaliste. Ayant couvert de nombreux conflits armés sur le terrain, la journaliste mise en cause est une spécialiste des questions diplomatiques. Depuis qu'elle suit Bernard Kouchner, elle n'hésite donc pas à souligner les approximations et les contradictions du ministre, lequel aurait donc demandé au journal de changer de correspondant.
C'est la première fois qu'un quotidien met en cause un ministre et dévoile les coulisses de la fabrication de l'information politique. Pour un journaliste qui suit quotidiennement un ministre, l'auto-censure, même inconsciente, est forte. Dans certains cas, cette auto-censure va même plus loin : une journaliste de Bakchich.info a ainsi été expulsée en mai dernier de l'Assemblée nationale par la présidente de l'association des journalistes parlementaires pour avoir posé une question jugée trop embarrassante à la ministre de l'économie, Christine Lagarde. Quand c'est un journaliste qui expulse un autre journaliste pour impertinence, l'indépendance de la presse en prend un coup. Face aux pressions quotidiennes subies par la presse, le journal Le Monde a donc décidé d'exposer au grand jour les difficultés d'informer en toute indépendance.
- Crise à France 24 après la colère de Bernard Kouchner
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