Revue de presse · 29 sep. 2008 à 19:26
Objectif ? 28 000 expulsions en 2008. Depuis que Nicolas Sarkozy a été élu président de la République en siphonnant l'électorat du Front National, la politique d'immigration s'est considérablement durcie. A la tête d'un ministère au nom à rallonge (Immigration, Intégration, Identité nationale, Développement solidaire), Brice Hortefeux est chargé d'augmenter le nombre d'expulsions. 25 000 en 2007, 28 000 en 2008, et sans doute 30 000 expulsions par an à la fin du quinquennat.
Mais pour tenir ses chiffres, le ministre de l'Immigration n'hésite pas à tordre un peu les statistiques.
A la mi-juin, Brice Hortefeux a annoncé une hausse de 80% des expulsions entre janvier et mai. Ainsi, pour les cinq premiers mois de l'année, près de 14 660 étrangers ont été expulsés du territoire. En maintenant ce rythme, le ministère de l'immigration risque de faire exploser les statistiques en dépassant très largement l'objectif de 28 000 expulsions, fixé par le Premier ministre, François Fillon.
Au-delà des dérapages que peut entraîner cette culture des résultats, c'est le mode de calcul de Brice Hortefeux qui est remis en cause par les associations et Le Canard Enchaîné, dans son édition du 3 septembre 2008.
Selon l'association Romeurop dont les chiffres ont été repris par le Canard Enchaîné, plus de 4 600 expulsés seraient des Roms, des bulgares et des roumains. Ces Européens représentent donc 40% des expulsés sur les cinq premiers mois de l'année. Or, ils ont tous bénéficié de l'aide au retour : 300 euros par adulte et 100 euros par enfant. Et une fois qu'ils ont passé la frontière avec le tampon de retour apposé sur leur passeport, ils reviennent en France, puisqu'il n'y a quasiment plus de contrôle à la frontière entre les pays européens. Autrement dit, ces expulsions très coûteuses ont avant tout pour but de faire du chiffre. La Roumanie et la Bulgarie souhaitent d'ailleurs adhérer à l'espace Schengen et obtenir la libre circulation de leurs ressortissants d'ici à 2011. Brice Hortefeux verra alors la moitié de son quota s'évanouir automatiquement. Pour faire du chiffre, le ministre compte donc jouer aussi sur les statistiques des naturalisations.
Brice Hortefeux cherche aussi à limiter le nombre de naturalisation, autre versant d'une politique d'immigration plus dure. Mais pour éviter de l'afficher clairement, le gouvernement va simplement changer les règles. Jusqu'à présent, un étranger qui veut obtenir la nationalité française doit déposer sa demande auprès de la préfecture de son lieu de résidence. La préfecture émet un avis et transmet le dossier à la sous-direction des naturalisations (SDN) près de Nantes, qui doit accorder la nationalité ou non.
Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, un projet du ministère de l'Immigration prévoit de changer la procédure de naturalisation. Désormais, ce sont les préfectures qui accorderont la nationalité française. La SDN de Nantes n'interviendra qu'en cas d'appel si la préfecture a rendu une décision négative. Or, une étude réalisée pour la SDN et reprise par le journal Le Monde démontre que selon les préfectures, les avis sont très variables. Ainsi, dans les Deux-Sèvres, le risque d'avoir un avis négatif s'élève à 69 %, tandis que dans les Côtes-d'Armor il ne dépasse pas 15 %.
Confier la naturalisation aux préfectures aura donc trois conséquences : le ministère pourra faire pression sur les préfectures afin de durcir les conditions de naturalisation. Ce nouveau système marquera aussi la fin de l'égalité de traitement, la nationalité française étant plus ou moins difficile à obtenir selon les départements. Enfin, cela risque d'entraîner des mouvements de population, les immigrés se rendant dans les départements les plus favorables. Derrière cette réforme administrative se cache en réalité la volonté de freiner les naturalisations.
En expulsant les bulgares et les roumains, Brice Hortefeux cherche donc à faire du chiffre facilement, sans réelle efficacité. Quant à la réforme administrative sur la naturalisation, l'objectif recherché est de limiter l'accession à la nationalité française, et ainsi... augmenter le quota d'expulsions.
*** Sources
- Brève : "Hortefeux et les Roms", Le Canard Enchaîné n°4584, 3 septembre 2008, page 8
- Laetitia Van Eeckhout, "Elus, agents et spécialistes de l'immigration s'inquiètent d'un projet de réforme des procédures de naturalisation", Le Monde, 29 juin 2008
- Quand Hortefeux et Amara se retrouvent chez un employeur de clandestins
- Brice Hortefeux régularise en priorité les domestiques du XVIe arrondissement de Paris
- Politique d'immigration : du quota de travailleurs au quota d'expulsés
- En 2007, la classe politique se déchirait sur l'usage des tests ADN
- Identité nationale, préférence nationale : un vocabulaire d'extrême droite
- Le difficile redécoupage ministériel entre Kouchner, Hortefeux et Alliot-Marie
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Politique.net : La réforme cachée de l'Education nationale