Revue de presse · 14 oct. 2008 à 19:10
La question est publiée à la Une de plusieurs quotidiens papiers et de sites d'information : qui va payer les 360 milliards d'euros du plan de sauvetage des banques ? Si l'effet positif de ce plan s'est ressenti dès hier avec une hausse record de la bourse de Paris, reste à connaître maintenant le détail du financement. Selon la ministre de l'économie, Christine Lagarde, ce plan ne coûtera pas un centime aux contribuables. Ce n'est pas tout à fait faux, ni tout à fait vrai. Explications.
Attention : Les explications qui suivent sont volontairement simplifiées, elles privilégient le raisonnement à la subtilité d'une argumentation prenant en compte tous les mécanismes complexes du système bancaire et financier. Si vous êtes déjà bien calé en économie, nous vous suggérons de lire les articles d'Eco89 et de Mediapart.
- Le Monde : Les médias parlent-ils trop de la crise ?
- Mediapart : 360 milliards pour les banques: mais qui va payer ?
- Rue89 : Plans anti-crise de l'Etat : d'où vient l'argent ?
La crise actuelle est liée à la méfiance des banques : comme les cours de la bourse varient très rapidement en ce moment, la crainte d'une faillite rapide hante tous les banquiers. De fait, les établissements bancaires sont réticents à se prêter de l'argent entre eux, de peur de ne plus le revoir. Or, si les banques ne se prêtent pas d'argent, le système bancaire est paralysé (voir notre paragraphe "Comment ça marche une banque ?"). Pour rassurer tout le monde, l'Etat va donc garantir, à hauteur de 320 milliards d'euros, les prêts entre banques.
Exemple concret : une banque prête 10 milliards d'euros à une autre banque. Si celle-ci fait faillite, l'Etat remboursera les 10 milliards à la banque qui avait fait le prêt. Les banques n'ont donc plus aucune crainte de se prêter de l'argent.
Le principe est donc simple, mais le système est légèrement plus complexe à expliquer. Pour garantir ces prêts, l'Etat va créer une nouvelle société chargée de lever des fonds à la place des banques. En clair, c'est cette société qui va récupérer des fonds sur les marchés financiers (en achetant des titres de crédits), pour ensuite les prêter aux banques. Comme l'Etat se porte garant, personne n'aura de crainte à lui prêter des fonds, via cette société.
Application concrète : la banque A va prêter des fonds à la société E (qui appartient à l'Etat). Cette société E va ensuite prêter des fonds à la banque B qui en a besoin. A > E > B. Le plus simple aurait été que la banque A prête de l'argent à la banque B. Mais comme elles n'ont pas confiance en elle, elles vont passer par la société créée par l'Etat. [En pratique, c'est un peu plus complexe, les banques émettent des titres de crédits, mais l'idée est la même].
L'Etat a également prévu d'entrer dans le capital des banques. C'est le deuxième aspect de la crise : quand le cours de l'action d'une banque chute, c'est autant de capital en moins. Exemple : si le titre de la banque A passe de 20 euros à 5 euros en une séance, la banque a perdu virtuellement 15 euros. Le capital de la banque diminue donc. Or, si le cours de l'action d'une banque chute brutalement, il y a un risque que la banque se retrouve asphyxiée : le capital chute fortement, la banque ne peut plus assurer ses dépenses et ses prêts, elle fait faillite.
L'Etat s'est donc donné la possibilité d'entrer dans le capital des banques, pour un montant maximal de 40 milliards d'euros.
Application concrète : la banque A perd des fonds, l'Etat décide de racheter une partie des actions de cette banque pour éviter la dégringolade. L'Etat entre donc dans le capital de la banque et en devient actionnaire.
L'Etat a déjà l'outil pour entrer dans le capital des banques : c'est la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE). Cette société a déjà racheté des actions de Dexia, pour sauver la banque de la faillite. Pour les autres banques, l'Etat est donc prêt, via la SPPE, à acheter jusqu'à 40 milliards d'euros d'actions.
En réalité, dans les deux cas, ce ne sont pas vraiment des dépenses directes pour l'Etat. En clair, pour l'instant, l'Etat n'a pas fait un chèque de 360 milliards d'euros. Ce montant est un maximum, c'est une promesse, en espérant que l'Etat n'aura pas à faire ce chèque :
1. 320 milliards d'euros de garantie : l'Etat espère ne pas avoir à les dépenser, et va de toute façon faire payer les banques. Comme on l'a vu, l'Etat, via une nouvelle société, va garantir les prêts entre banques. Mais comme cette garantie est un service très utile pour les banques, l'Etat va le facturer. Pour bénéficier de prêt garanti, l'Etat va donc faire payer le service aux banques. Si aucune des banques ne fait faillite, l'Etat pourrait donc gagner de l'argent. Mais si une banque est défaillante, ça va coûter cher.
Application concrète : la banque A prête de l'argent à la société E (qui appartient à l'Etat). L'Etat va prêter de l'argent à la banque B qui en a besoin. La banque B va payer pour ce service, puisqu'elle va pouvoir récupérer des fonds sans problème (alors qu'auparavant, aucune banque ne voulait lui prêter de l'argent). Par conséquent, si aucune banque ne fait faillite, l'Etat va gagner de l'argent en facturant son service. En revanche, si une banque fait faillite, l'Etat va devoir rembourser intégralement la banque A qui avait prêté de l'argent. Dans ce cas de figure, c'est bien le contribuable qui va payer.
2. 40 milliards d'euros dans le capital des banques : l'Etat, via la SPPE, peut acheter des actions des banques qui sont en difficulté. Cet achat aura bien un coût pour l'Etat qui va devoir emprunter. Ces 40 milliards d'euros vont donc être potentiellement payés par le contribuable. Sauf que si l'Etat achète des actions à une banque en péril, il va forcément les acheter au plus bas. Du coup, quand la situation va s'améliorer, l'Etat pourra revendre les actions plus chères. C'est ce qui s'est passé avec Alstom en 2004 : l'Etat a racheté des actions d'Alstom qui était dans une situation financière délicate. Mais une fois la crise passée, il les a revendues en faisant une plus-value. Là, aussi, l'Etat dépense mais devrait à terme, gagner de l'argent, en revendant les actions plus chères quand la crise sera passée.
Le plan de sauvetage de 360 milliards d'euros n'est donc pas un plan qui va coûter aux contribuables 360 milliards d'euros. Il s'agit d'une promesse destinée à rassurer les marchés financiers. Si le système ne s'effondre pas et si aucune banque ne fait faillite (ce qui est le plus probable), le contribuable n'aura rien à payer à moyen terme.
Comprendre la crise financière
- Qu'est-ce qu'une récession ?
- Qu'est-ce que la crise des subprimes ?
- Quelles sont les causes du krach boursier mondial ?
- Quelles sont les causes de la crise financière mondiale ?
- Qui va payer les 360 milliards d'euros du plan de sauvetage des banques ?
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