breve · 22 oct. 2008 à 21:48
L'information paraît surprenante mais Nicolas Sarkozy et ses conseillers ont confirmé que c'était bien l'idée du chef de l'Etat : rester à la tête de l'Union Européenne jusqu'en 2010. C'est au parlement européen que Nicolas Sarkozy a esquissé ce souhait hier. Pourtant, selon les règles en vigueur, et en raison du rejet du traité de Lisbonne, la présidence de l'Union Européenne change tous les six mois. Officiellement, Nicolas Sarkozy sera donc président de l'Union Européenne jusqu'au 31 décembre. Et le lendemain, il passera le flambeau au dirigeant tchèque Vaclav Klaus. Ce dernier doit ensuite passer la main au 1er juillet au dirigeant suédois. Seulement, en pleine crise financière, l'Elysée prétend que l'UE a besoin d'une présidence forte. Or, la République tchèque est gouvernée par des Eurosceptiques et la Suède n'est pas membre de la zone euro. Pour rester à la tête de l'UE, Nicolas Sarkozy a donc un plan : contourner les règles européennes en marginalisant la présidence tchèque et en créant une présidence des pays de la zone Euro.
Explications.
Selon les traités européens en vigueur, la présidence du conseil européen, c'est-à-dire de l'Union Européenne, change tous les six mois. Cette règle avait été instaurée pour permettre à tous les Etats européens de présider aux destinées de l'Union. Sauf qu'avec 27 pays et un changement aussi rapide, la présidence de l'UE manque de force. Le traité de Lisbonne avait rectifié ce problème : un président de l'Union Européenne devait être désigné tous les deux ans et demi et exercer ses fonctions à temps plein. Mais l'Irlande a rejeté le traité de Lisbonne. La rotation tous les six mois est donc maintenue.
Pendant les six premiers mois de l'année 2009, c'est la République Tchèque qui va assurer la présidence de l'Union Européenne. Or, les tchèques sont actuellement dirigés par des Eurosceptiques, le pays traverse une crise gouvernementale et joue plutôt un rôle secondaire dans la construction européenne, par rapport aux pays fondateurs comme l'Allemagne ou la France. A partir du mois de juillet, cela ne s'arrange pas, car la présidence est confiée aux Suédois, qui ne font pas partie de la zone Euro. Les problèmes économiques ne se posent donc pas dans les mêmes termes. Enfin, la commission européenne est appelée à se renouveler dans le cadre des élections européennes de juin 2009.
Par conséquent, alors que la crise financière touche de plein fouet l'Union Européenne et qu'une action coordonnée des 27 Etats, menée par un président de l'UE ayant un poids politique important, s'avère indispensable, il y a un risque d'une certaine vacance du pouvoir en Europe en 2009.
A l'Elysée, l'idée que Nicolas Sarkozy pourrait rester président de l'Union Européenne une année de plus a donc fait son chemin. Pour dépasser les règles européennes en vigueur, Nicolas Sarkozy a élaboré une stratégie de contournement.
D'un point de vue formel, la France ne peut changer les règles institutionnelles. La République tchèque va donc bien présider le conseil européen à partir de janvier 2009. Mais, selon l'Elysée, le point crucial est la politique économique de la zone Euro. Nicolas Sarkozy va donc se proposer de présider un "Eurogroupe des chefs d'Etat" jusqu'en 2010. Concrètement, les pays de la zone Euro se réunissent au sein d'une institution informelle, qui n'a pas d'existence juridique, mais qui a un poids politique prépondérant. L'Eurogroupe désigne la réunion mensuelle des ministres des Finances de la zone Euro.
Or, en pleine crise financière, l'argument de Nicolas Sarkozy est le suivant : le plan de sauvetage des banques est d'une si grande ampleur que jamais les ministres des Finances n'auraient eu la légitimité politique pour le faire. Il faut donc que l'Eurogroupe réunisse les chefs d'Etat. Deuxièmement, pour assurer une politique économique commune, il faut créer une présidence stable de l'Eurogroupe. Il souhaiterait assumer cette fonction pendant toute l'année 2009, vu le succès de la présidence française dans la gestion de la crise.
Et voilà comment Nicolas Sarkozy parviendrait à prendre la présidence de l'Eurogroupe jusqu'en 2010, institution informelle réunissant les principaux chefs d'Etat d'Europe (en incluant le Premier ministre britannique) et continuerait à se présenter comme le vrai président de l'Union Européenne. Il compte bien en effet être en mesure de marginaliser le président tchèque selon son vieil adage, peu importe la fonction, seule compte la manière dont on l'exerce.
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