Télévision · 23 oct. 2008 à 22:50
Mardi 14 octobre, Béatrice Schönberg présentait un nouveau numéro de son émission "Ils font bouger la France" sur France 2. La ministre du logement, Christine Boutin, était l'invitée de cette émission spéciale consacrée au logement. Un collectif de défenseur des sans-logis avait dénoncé les conditions dans lesquelles l'émission avait été tournée. ArrêtSurImages.net avait décelé différentes coupes au montage. Hier, Le Canard Enchaîné en a remis une couche en révélant que le producteur de l'émission, Emmanuel Chain, s'occupe de plusieurs boites de productions, dont l'une... travaille pour la communication de la ministre.
Extraits :
L'émission a été diffusée le 14 octobre. Dès le lendemain, ArrêtSurImages.net relevait les différentes scènes coupées lors de l'émission sur la base du témoignage de Manuel Domergue, porte-parole du collectif "jeudi noir" connu pour ses occupations sauvages d'appartements vides, qui était présent dans le public au moment de l'enregistrement de l'émission.
A priori, ce sont avant tout les propos d'Augustin Legrand, figure emblématique de l'association "Les enfants de Don Quichotte", qui ont été coupés. Selon le porte-parole du collectif "jeudi noir", Augustin Legrand a parlé des promesses trahies de Borloo en 2007, "votre mari", souligne-t-il à Béatrice Schönberg-Borloo. "Coup de froid et de vérité sur le plateau", selon le porte-parole qui confirme qu'Augustin Legrand l'a répété deux fois. Or, au montage, cette séquence n'apparaît pas.
Autre coupure repérée par ArrêtSurImages, lorsqu'Augustin Legrand rappelle que Christine Boutin avait été félicitée par le Front national pour avoir promis de loger "tous les Français". Ce passage ne figure pas dans le montage final.
Pour le reste, ArrêtSurImages note qu'il n'y a "pas de vraie censure pour cette mauvaise passe de la ministre et son visage décomposé". Et Sophie Gindensperger, journaliste à Arrêt Sur Images, d'assurer que les coupures ont davantage protégé Mme Schönberg-Borloo que Christine Boutin.
Dans son édition du 22 octobre 2008, Le Canard Enchaîné donne un tout autre point de vue de l'émission. Selon l'hebdomadaire, l'émission était très complaisante avec Christine Boutin, d'où l'explosion d'Augustin Legrand en fin d'émission, face à ce qu'il considère comme de la pure communication. Il faut dire que le reportage sur les maisons à 15 euros était très complaisant et n'insistait pas sur les limites de ce dispositif, comme le fait qu'il faut s'endetter sur près de 40 ans pour acquérir le bien immobilier. Même bienveillance de la part de Béatrice Schönberg, qui, en plateau, a ménagé la ministre avec des questions très consensuelles. Exemple : "Christine Boutin, apparemment, ces maisons à 15 euros donnent envie (...) Est-ce que vous allez être victime de votre succès ?".
Pour tenter d'expliquer la bienveillance du montage et les amabilités de Béatrice Schönberg à l'égard de la ministre, Le Canard Enchaîné avance une raison inavouable : le producteur de l'émission, Emmanuel Chain (ex-présentateur de Capital) gère plusieurs boîtes de production, dont l'une, intitulée "Elephant At Work, qui a été choisie "pour filmer tous les débats et les déplacements organisés par la ministre et retransmis sur son site web". Autant dire que le producteur de l'émission et la ministre du logement se connaissaient bien puisque le montrant du contrat qui les unit dépasse les 200 000 euros.
Au-delà des interprétations divergentes de la complaisance supposée ou non du montage et de la journaliste vis-à-vis de Christine Boutin, les révélations du Canard Enchaîné posent un épineux problème : la fonction de producteur d'émission politique sur le service public est-elle compatible avec un travail de communicant pour un ministre ? Un producteur peut-il inviter un responsable politique qui est par ailleurs un de ses clients ?
*** Sources
- J.C, "Boutin bien logée sur France 2", Le Canard Enchaîné n°4591, 22 octobre 2008, page 4
- Sophie Gindensperger, "Borloo est tabou sur le plateau de Schönberg", Arrêtsurimages.net, 15 octobre 2008
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