Revue de presse · 27 oct. 2008 à 22:40
A la veille de l'annonce d'un plan de relance pour l'emploi par le président de la République, un sujet a déjà commencé à empoisonner la droite parlementaire : le bouclier fiscal. Inclus dans le "paquet fiscal", ce bouclier est régulièrement cité en exemple par la gauche comme la mesure qui favorise les plus riches. Au premier abord, le bouclier fiscal peut être perçu comme une mesure de bon sens : aucun contribuable ne doit verser plus de 50% de ses revenus à l'Etat. Sauf que ce "cadeau fiscal" concerne bien évidemment les plus riches. Première conséquence, cette mesure les exonère de toutes les nouvelles taxes (puisqu'ils sont déjà à 50%). Les plus riches sont par exemple exonérés de la taxe de 1,1% sur le patrimoine pour financer le RSA. Mais il y a un autre aspect du bouclier fiscal qui est rarement évoqué : il est calculé sur la base du revenu fiscal et non du revenu réel. Et alors ? Cela signifie tout simplement qu'il y a un double jackpot pour ceux qui utilisent déjà les niches fiscales. Explications.
Source des chiffres :
Patrick Roger, « Le bouclier fiscal, mauvaise conscience de la majorité », Le Monde, 18 octobre 2008, page 12
A tort ou à raison, le bouclier fiscal est devenu l'emblème de la politique fiscale du gouvernement. Lors de la présentation de la mesure le 10 juillet 2007 à l'Assemblée, Christine Lagarde avait présenté le bouclier fiscal comme une mesure de justice sociale : "Ceux parmi vous qui sont curieux peuvent se poster gare du Nord un vendredi soir, à l'arrivée de l'Eurostar ou du Thalys, interpellait-elle les députés. Ils comprendront que tous ces banquiers français partis travailler à la City, tous ces exilés fiscaux réfugiés en Belgique n'ont qu'une envie : rentrer vivre en France. A tous ceux-là, ainsi qu'à tous nos compatriotes qui cherchent les clés des paradis fiscaux, nous ouvrons nos portes. Nous avons besoin de vous".
Seulement, très vite, la gauche s'est engouffrée dans la brèche en dénonçant un cadeau fait aux plus riches. Depuis, la droite peine à justifier cette mesure, jugée coûteuse, mais sur laquelle elle ne pourra pas revenir car le bouclier fiscal fait partie de la loi TEPA (pour le pouvoir d'achat) votée en début de quinquennat. Revenir dessus, ce serait renier tout le travail qui a été fait depuis l'entrée de Nicolas Sarkozy à l'Elysée.
Contrairement à ce qu'affirment les membres de la majorité, le bouclier fiscal ne profite pas au foyer les plus modestes. Selon un rapport du député UMP Gilles Carrez qui s'est appuyé sur les chiffres du premier trimestre 2008, le bouclier fiscal à 50% fait exploser les moyennes de remboursement : sur les 1290 contribuables qui ont reçu un remboursement du fisc au titre du bouclier fiscal à 50%, l'administration fiscale a fait un chèque de 47 060 euros. Et alors 91 % des montants ont été reversés aux patrimoines supérieurs à 3,7 millions d'euros.
(Voir notre article : A qui profite le bouclier fiscal ?)
Lors du vote de la loi instaurant le bouclier fiscal, un élément du dispositif législatif avait été sous-estimé : le revenu de référence pour calculer le bouclier fiscal. Le bouclier à 50 % s'applique non sur les revenus réels mais sur le revenu fiscal de référence déduit des bénéfices des "niches fiscales". En clair, un contribuable aisé va d'abord bénéficier de niches fiscales (dispositifs qui permettent d'échapper à l'impôt, en investissant par exemple) et ensuite, faire appliquer les 50% du bouclier fiscal sur la somme restante.
Exemple concret : Un contribuable gagne 10 millions d'euros par an. Par le jeu des niches fiscales, il peut déduire de cette somme 5 millions d'euros (car il a investi dans des entreprises innovantes, ou est mécène pour une entreprise culturelle). Le bouclier fiscal de 50% va alors être calculé sur la base des 5 millions d'euros, au lieu des 10 millions d'euros. C'est un peu comme si un contribuable ne payait ses impôts que sur la base de la moitié de ses revenus.
Sauf que les niches fiscales sont si nombreuses que le double jackpot est d'une plus grande ampleur. Selon les chiffres obtenus par le président socialiste de la commission des finances à l'Assemblée, par le jeu combiné des "niches" et du "bouclier", des patrimoines supérieurs à 15,5 millions d'euros échapperaient entièrement à l'impôt.
L'information est suffisamment explosive pour que les députés UMP soient prêts à revenir sur le calcul du bouclier fiscal. Ainsi, le rapporteur général (UMP), Gilles Carrez, s'est déclaré favorable à ce que le revenu réel et non le revenu fiscal serve de base pour calculer le bouclier fiscal. Sauf que pour cela, il faudrait que la majorité revienne sur la loi TEPA de juillet 2007. Inconcevable selon l'Elysée. Pour atténuer ce double jackpot, le gouvernement propose plutôt de plafonner les niches fiscales. Mais ce ne sera pas suffisant pour empêcher le double jackpot. C'est donc une véritable bombe à retardement pour le gouvernement. Les chiffres définitifs du bouclier fiscal 2008 seront publiés dans quelques mois. Si des patrimoines supérieurs à 15,5 millions d'euros échappent effectivement à l'impôt, pas sûr que l'information passe totalement inaperçue en cette période de crise financière.
- Qu'est-ce que le bouclier fiscal ?
- A qui profite le bouclier fiscal ?
- Niches fiscales : Christine Lagarde revient sur ses promesses et s'emmêle les pinceaux
- Budget 2009 : quand le rapporteur UMP s'inquiète du montant élevé des allégements fiscaux
- En 2004 et 2006, Nicolas Sarkozy proposait d'instaurer plusieurs systèmes de subprimes
- Le gouvernement va financer une campagne de publicité pour vanter les mérites du RSA
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