Ecartée du Parti Socialiste, Ségolène Royal va préparer 2012 et relancer "Désirs d'avenir"

Revue de presse · 26 nov. 2008 à 19:10

Ségolène Royal

L'histoire retiendra que Martine Aubry est devenue Première secrétaire du Parti Socialiste avec 102 voix d'avance sur Ségolène Royal. C'est le chiffre officiel retenu par les instances du Parti Socialiste après avoir étudié tous les litiges. Jusqu'à la dernière minute, les partisans de Ségolène Royal ont réclamé un nouveau vote en raison des décomptes approximatifs de certaines sections, des erreurs de transcription et de quelques fraudes. Minoritaires au sein de l'appareil socialiste, ils n'ont pas réussi à se faire entendre et Martine Aubry a été déclarée gagnante. Ecartée du Parti Socialiste par les éléphants, Ségolène Royal a pris acte de cette mise à l'écart. Dans une vidéo mise en ligne sur Internet, elle annonce préparer 2012 en s'appuyant sur "Désirs d'avenir", à défaut du PS.

Revue de presse du mercredi 26 novembre 2008

- Libération : Aubry élue, Royal en embuscade
- Le Figaro : Martine Aubry s'empare du PS à l'arraché
- Le Monde : Le courant Royal veut mener la vie dure à la nouvelle direction

Ségolène Royal contre le reste du PS

L'ex-candidate à la présidentielle a donc perdu son pari. Elle n'a pas réussi à prendre la succession de François Hollande à la tête du PS. Pourtant, elle a bien gagné tous les tours du scrutin. Lors du vote sur les motions, alors que Bertrand Delanoë était annoncé comme le favori, la motion de Ségolène Royal a fait 29% des voix. Lors du vote pour désigner le Premier secrétaire, Ségolène Royal est arrivée en tête avec plus de 43% alors que le ralliement de Bertrand Delanoë à Martine Aubry devait permettre à la maire de Lille d'atteindre les 50%. Or, elle n'a franchi le premier tour qu'avec 34% des voix. Enfin, lors du deuxième tour, Benoît Hamon a appelé ses électeurs à soutenir Martine Aubry. Potentiellement, la maire de Lille avait le soutient de 70% des électeurs. C'est pourtant 102 voix d'écart qui auront départagé Ségolène Royal et Martine Aubry. La performance de Ségolène Royal est donc surprenante puisqu'elle a dû se battre contre tout le reste du Parti Socialiste. Et encore, en raison de l'approximation habituelle du décompte des voix au PS, on peut légitimement considérer que les deux candidates sont arrivées ex-aequo.

Martine Aubry, c'est François Hollande au féminin

La maire de Lille prend donc la tête d'un parti... ingouvernable pour trois raisons. D'abord, parce que sa candidature est le résultat d'une alliance contre-nature, le courant de DSK (plutôt au centre du PS) et le courant de Laurent Fabius (plutôt à gauche du PS). Ensuite, parce qu'elle a été rejoint par la plupart des responsables socialistes sur la base d'une alliance anti-Royal et non sur un projet commun. Entre Bertrand Delanoë, libéral et socialiste, et Benoît Hamon, très à gauche, la synthèse est impossible. Ils ont pourtant apporté tous les deux leur soutien à Martine Aubry. La maire de Lille se retrouve donc dans la même situation que François Hollande, elle va devoir parvenir à des synthèses impossibles pour dégager une majorité. Mais à la différence de François Hollande, elle doit surmonter un troisième obstacle : Ségolène Royal pèse désormais 50% des militants au Parti Socialiste. La résistance interne des Royalistes va donc être beaucoup plus forte que lorsque François Hollande était à la tête du PS.

Ségolène Royal se prépare pour 2012 avec Désirs d'avenir

La séquence qui s'achève a fini par convaincre Ségolène Royal qu'il allait falloir de nouveau contourner le parti pour se présenter à la présidentielle 2012. Même si ses partisans vont pouvoir davantage peser au sein des instances socialistes et infléchir la ligne politique, c'est à l'extérieur du PS que Ségolène Royal va faire sa pré-campagne présidentielle en étant convaincue qu'elle battra, comme en 2006, n'importe quel candidat socialiste lors d'une primaire organisée par le PS.
Dans une vidéo mise en ligne sur internet, Ségolène Royal annonce la couleur : non seulement elle ne reconnaît pas sa défaite ("Nous sommes arrivés à convaincre la moitié des militants socialistes (...) la moitié que dis-je, sans doute un peu plus, car nous n'avons pas eu le droit à un nouveau vote, c'est comme ça"), mais elle compte relancer ses réseaux "Désirs d'avenir" pour préparer 2012. "Je continue, venez très nombreux à Désirs d'avenir, nous allons organiser des universités populaires, nous allons organiser dans les fédérations qui partagent notre idéal, des adhésions à 20 euros (...) vous pouvez compter sur moi, je vais m'investir à fond puisque je vais avoir du temps par la force des choses (...) 2012, c'est bientôt, 2012, c'est demain" a-t-elle déclaré. Ségolène Royal compte donc appliquer à Désirs d'avenir ce qu'elle souhaitait faire au Parti Socialiste.

A l'issue de ces scrutins internes, Ségolène Royal est paradoxalement plus forte

En ne prenant pas la direction du Parti Socialiste, Ségolène Royal est paradoxalement la grande gagnante des scrutins internes qui s'achèvent. Elle a eu le soutien de 50% des militants socialistes, la légitimité de Martine Aubry est entamée en raison de la suspicion qui pèse sur son élection. Symboliquement, Ségolène Royal ne subit donc pas une réelle défaite au PS, elle fait jeu égal avec Martine Aubry, avec l'avantage de ne pas avoir besoin de chercher la synthèse molle avec les autres courants. Et vu la violence des attaques entre les deux camps, on peut supposer qu'elle pourra s'appuyer sur une équipe plus fidèle, plus soudée qu'en 2007 : Vincent Peillon, Manuel Valls et Julien Dray vont constituer sa jeune garde rapprochée.
Par ailleurs, en n'étant pas Première secrétaire du PS, Ségolène Royal n'aura pas à assumer les prochaines échéances électorales qui s'annoncent difficiles pour le PS : les Européennes de 2009 et les régionales de 2010. Sur l'Europe, les socialistes sont divisés et risquent de partir en ordre dispersé. Quant aux régionales, ils ne pourront réitérer leur exploit de 2004 en conservant 20 régions sur 22.



En 2011, il ne restera donc plus pour Ségolène Royal qu'à gagner la primaire socialiste pour être la candidate de la gauche l'année suivante. Bertrand Delanoë, en raison de son échec à Reims, apparaît déjà hors course. Hollande, Aubry et Fabius n'incarnent pas vraiment le renouveau. On peut supposer que le candidat le plus sérieux face à Ségolène Royal sera le président du FMI, Dominique Strauss-Kahn. A charge pour elle de s'imposer comme la candidate naturelle à la présidentielle en prenant 3 ans d'avance sur un président du FMI coincé à Washington.

*** Liens

- Désirs d'avenir, l'outil de conquête de Ségolène Royal
- Les fraudes au Parti socialiste étaient un secret de polichinelle
- Histoire des élections des Premiers secrétaires du PS

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