Enquête · 26 nov. 2008 à 22:14
Il y a encore quelques mois, la victoire de Martine Aubry à l'issue du congrès de Reims semblait improbable. Pourtant, c'est bien la maire de Lille qui vient de succéder à François Hollande après un scrutin très serré. Selon les chiffres officiels, Martine Aubry a battu Ségolène Royal de 102 voix.
Portrait de Martine Aubry
Martine Delors est née le 8 août 1950 dans le 17ème arrondissement de Paris. Elle est la fille de Jacques Delors qui mena une longue carrière politique en étant syndicaliste d'abord puis ministre dans le gouvernement de Pierre Mauroy et président de la Commission européenne entre 1985 et 1995. Martine Delors suit à la fois des cours dans le public comme dans le privé : au lycée Notre Dame des Oiseaux et Paul-Valéry à Paris. Après l'obtention de son baccalauréat, elle entre à l'Institut d'études politiques de Paris. Elle poursuit ses études en intégrant l'ENA. Elle entre alors au ministère du Travail et des Affaires sociales. C'est à cette époque qu'elle commence à militer et s'inscrire au Parti socialiste.
Côté vie privée, Martine Aubry se montre très discrète. Après son divorce avec Xavier Aubry, elle se remarie à l'avocat lillois Jean-Louis Brochen. Elle a une fille, Clémentine.
C'est en 1981 que débute véritablement sa carrière politique, au lendemain de l'élection de François Mitterrand à la présidence. Elle collabore avec le ministre du Travail, Jean Auroux, qui à cette époque cherchait spécifiquement un énarque socialiste : Martine Aubry correspondait au profil. Pour avoir des chances d'être choisie, elle préfère ne pas dire que le ministre de l'Economie et des Finances est son père. Elle ne veut pas qu'on assimile sa réussite à celle de Jacques Delors. Elle entre ensuite dans le cabinet de Pierre Bérégovoy puis au Conseil d'État.
Martine Aubry souhaite s'ouvrir sur le monde de l'entreprise. En 1989, elle répond à l'offre que lui fait Jacques Gandois en devenant sa directrice adjointe à Péchiney. Elle découvre la réalité du marché : participe à l'ouverture d'une usine à Dunkerque et la fermeture d'une autre à Noguères.
Mais cette découverte de l'entreprise ne dure qu'un temps : dès 1991, elle accepte la proposition d'Edith Cresson qui la nomme Ministre du Travail, ce qui lui permet ainsi de poursuivre son action commencée à Péchiney. Elle conserve ce poste jusqu'en 1993, dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy. Lors de la polémique sur l'amiante, contrairement à la Communauté économique européenne qui souhaite son interdiction, Martine Aubry, elle, préfère un « usage contrôlé ». Dès lors, le décret européen ne peut être appliqué.
Après l'échec du PS aux élections législatives de 1993, Martine Aubry décide de lancer de nouveaux projets, quelque peu à l'écart du parti : elle crée la Fondation pour agir contre l'exclusion (FACE). Elle sollicite alors énormément les médias en mettant en avant à la fois le lancement, les différents projets menés ainsi que les accords conclus. Treize patrons la soutiennent et lui apportent 50 millions de francs d'investissement.
Deux ans plus tard, elle choisit Lille pour relancer sa carrière politique. Elle devient la première adjointe de Pierre Mauroy à la mairie de Lille, dans l'espoir, un jour, d'être élue maire. Elle est également la vice-présidente de la communauté urbaine.
La même année, 1995, le premier secrétaire du PS, Lionel Jospin, lui propose de devenir n°2 du parti mais elle refuse catégoriquement. Depuis son entrée en politique, et malgré son adhésion au PS, Martine Aubry s'est toujours tenue à l'écart. Certains membres lui en tiendront rigueur ne comprenant pas son mépris à l'égard du parti.
Finalement, en 1997, elle réussit son défi en remportant les élections législatives avec 61% des suffrages dans la 5e circonscription du Nord. La gauche tout entière a gagné les élections. Lionel Jospin est nommé Premier ministre par Jacques Chirac. Il propose à Martine Aubry le ministère de l'Emploi et de la Solidarité en lui donnant pour objectif principal de réduire le nombre de chômeurs.
Elle propose donc une série de projets qui l'identifiera à ces réformes emblématiques de la gauche. Elle commence par faire voter la loi de lutte contre les exclusions en 1998. Elle crée les emplois-jeunes pour lutter contre le chômage des plus jeunes. Elle met également en place la CMU, couverture maladie universelle en 2000. Enfin, elle instaure la réforme des 35 heures qui fixe la durée légale du temps de travail à temps plein à 35 heures par semaine et non plus à 39 heures, dans l'idée ainsi de créer de nouveaux emplois. Cette réforme soulève de nombreuses polémiques auprès des syndicats comme du patronat. Jean Gandois, fortement opposé à cette réforme, démissionne de la présidence du Conseil national du patronat français.
En tant que ministre, Martine Aubry a sous son autorité deux ministres délégués : Claude Bartolone, pour la politique de la ville et Ségolène Royal, pour la famille.
Ayant eu le sentiment d'avoir achevé sa mission, Martine Aubry décide de démissionner, en octobre 2000, de son poste de ministre de l'Emploi pour se consacrer à la campagne des élections municipales à Lille.
Martine Aubry est donc élue maire de Lille en 2001. Elle poursuit son ascension dans le Nord mais reçoit une claque monumentale en perdant les élections législatives de 2002 contre le candidat UMP Sébastien Huyghe. Alors qu'elle a la réputation d'être une femme autoritaire et implacable, elle s'effondre le soir des élections déplorant son échec face à un inconnu.
Débute alors une traversée du désert. Martine Aubry se replie sur sa ville. Elle organise ainsi « Lille 2004, capitale européenne de la culture », attirant 9 millions de visiteurs. Son objectif est de faire de Lille une ville ouverte sur la culture, les arts, l'international. C'est pourquoi, elle propose une nouvelle manifestation : Lille 3000, ouverte sur l'Inde.
Martine Aubry souhaite également réaménager la ville, en tenant compte des préoccupations écologiques. Depuis son arrivée à la mairie, de nombreux travaux ont été mis en oeuvre pour créer de nouveaux espaces, laisser une place plus importante aux piétons et aux vélos, au détriment des véhicules. Sur le modèle de Paris-Plage, elle a crée Lille Plage et projette un Lille Neige.
Le 16 mars 2008, Martine Aubry est réélue maire de Lille contre celui qui lui a fait perdre les législatives 6 ans plus tôt : Sébastien Huyghe, avec 66 % des suffrages. Pour remporter la victoire, Martine Aubry a décidé de s'allier avec les Verts et surtout le MoDem. Concernant le MoDem, elle affirme qu'elle n'aurait pas fait ce choix à l'échelle nationale.
En 2008, alors que Martine Aubry s'est toujours tenue à l'écart du Parti socialiste, au point même de refuser l'offre de Lionel Jospin d'être la n°2, elle décide de faire campagne pour le poste de Premier secrétaire. Elle devient le chef de fil des « reconstructeurs », groupe hétéroclite réunissant à la fois les fabiusiens, une partie des strauss-kahniens et les proches d'Arnaud Montebourg. L'objectif clairement exprimé est de contrer à tout prix Ségolène Royal et dans une moindre mesure Bertrand Delanoë.
Le 23 septembre 2008, Martine Aubry présente sa motion, « Changer à gauche pour changer la France » lors du conseil national de synthèse. Le 6 novembre, sa motion remporte 24,32% des voix contre celle de Bertrand Delanoë qui obtient 25,2% et celle de Ségolène Royal, 29,08 %. Le 15 novembre, les socialistes se réunissent au congrès de Reims pour essayer de dégager une synthèse mais aucun leader socialiste ne veut s'unir avec Ségolène Royal. Le parti sorti divisé.
Martine Aubry se présente alors à l'élection pour le poste de premier secrétaire contre Ségolène Royal et Benoît Hamon. Lors du premier tour, le 20 novembre 2008, Martine Aubry obtient 34,5 % des suffrages tandis que Ségolène Royal est en tête avec 42,9 % et Benoît Hamon est éliminé avec 22,6%. Le second tour a lieu dès le lendemain : Martine Aubry est élue avec 42 voix d'avance sur Ségolène Royal qui n'admet pas ce chiffre et demande un nouveau vote.
Finalement, la commission de « récolement » du Parti socialiste refait les comptes et déclare Martine Aubry gagnante avec 67 451 voix contre Ségolène Royal et ses 67 349 voix. Elle devance donc sa rivale de 102 voix.
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