Revue de presse · 28 nov. 2008 à 16:54
Il y a quelques semaines, suite à la énième polémique sur le budget de l'Elysée, les services de Nicolas Sarkozy avaient communiqué les chiffres détaillés du personnel employé et des dépenses faites par l'Elysée. Le journal avait alors souligné la volonté de transparence de la part de l'exécutif dans un contexte budgétaire difficile. Mais quelques semaines après cette communication, le Canard Enchaîné vient de révéler que par un "habile tour de passe-passe budgétaire", l'Elysée va récupérer 20 millions d'euros aux ministères de l'Intérieur et de l'Economie en piochant dans la réserve parlementaire. La transparence, c'est bien, mais 20 millions d'euros récupérés discrètement, c'est mieux.
Source : "L'Elysée pique dans la réserve parlementaire", Le Canard Enchaîné n°4596, 26 novembre 2008
La réserve parlementaire est la cagnotte attribuée chaque année aux députés et aux sénateurs pour qu'ils financent des projets locaux dans leurs circonscriptions. Chaque année, environ 120 millions d'euros du budget de l'Etat sont mis à la disposition des députés pour financer, sur justificatif, des aménagements de voiries, la rénovation de bâtiments vétustes, des réparations d'infrastructures. Ce petit privilège accordé aux députés constitue un atout important au moment de leurs réélections. Un député influent peut ainsi faire bénéficier à ses administrés de ses contacts à Paris. La réserve parlementaire alimente clairement le clientélisme d'autant plus que l'obtention de ces crédits est pour le moins obscure.
Sur les 120 millions d'euros de la réserve parlementaire, plus de 90 millions sont partagés entre le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale et celui de la commission des finances du Sénat. Et un peu plus de 20 millions d'euros étaient partagés entre le ministère des Finances et le ministère de l'Intérieur.
Comment ces fonds sont-ils utilisés ? S'agissant des 90 millions d'euros, les présidents des deux assemblées et leurs rapporteurs examinent les demandes faites par les députés et les sénateurs. Pour chaque demande de financement de travaux dans leur circonscription, les députés doivent fournir un devis précis. Ils peuvent alors bénéficier d'une aide allant jusqu'à 4 millions d'euros. Mais les critères d'attribution des crédits sont obscurs. Plus le député est influent, a des contacts, plus il obtient une somme élevée. A l'inverse, les nouveaux députés ou les députés de l'opposition ont plus de mal à obtenir ces aides. Les crédits sont donc débloqués à la tête du client.
Quant au 20 millions d'euros attribués au ministère de l'Intérieur et au ministère du budget, personne ne sait exactement comment ces crédits sont utilisés et attribués aux élus locaux.
Selon le Canard Enchaîné, ce sont ces 20 millions d'euros attribués aux deux ministères qui vont être récupérés par l'Elysée. Dans le projet de budget 2009, une ligne budgétaire d'ordinaire attribuée aux ministères de l'Intérieur et des Finances a discrètement basculé dans le budget de l'Elysée. Les 20 millions d'euros issus de la réserve parlementaire et gérés jusqu'à présent par les deux ministères relèvent désormais de la gestion de l'Elysée. Si le ministre des comptes publics, Eric Woerth, conserve tout de même une petite enveloppe de 4 millions d'euros, le ministère de l'Intérieur n'a plus le droit au moindre crédit de la cagnotte parlementaire.
Interrogé par le Canard Enchaîné, un fonctionnaire de la place Beauvau dénonce "le fait du prince". A Bercy, on dénonce "un changement de régime" sous couvert d'anonymat puisque des fonds attribués au pouvoir législatif vont être gérés par le pouvoir exécutif. Sans raison officielle, Nicolas Sarkozy va donc lui-même attribuer ces 20 millions d'euros aux élus locaux pour leurs projets, afin d'alimenter discrètement un clientélisme et entretenir des amitiés.
L'argent du pouvoir
- Le Sénat gère une cagnotte de 1,5 milliard d'euros
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- Un élu local d'une commune de 6 000 habitants peut toucher 7 000 euros par mois
- Anciens élus, anciens collaborateurs : la pratique coûteuse du replacement
Budget 2009 de l'Elysée
- Hausse du budget de l'Elysée en temps de crise : bataille de chiffres et de communiqués
- Loyers, télécommunications, frais de fonctionnement : les dépenses de l'Elysée explosent
- Les salaires des collaborateurs de l'Elysée ont augmenté de 50% en deux ans
- Les voyages de Nicolas Sarkozy coûtent 20 millions d'euros par an
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Politique : En 2007, Nicolas Sarkozy percevait toujours son salaire de ministre de l'Intérieur après avoir été élu