Manuel Valls, fidèle lieutenant surprise de Ségolène Royal

Enquête · 2 déc. 2008 à 21:30

Manuel Valls et Ségolène Royal

Au soir du second tour des législatives de juin 2007, Manuel Valls s'était emporté sur France 3 en déclarant en avoir marre "que la vie politique tourne autour de la vie d'un couple". Il faisait allusion à l'annonce la séparation de Ségolène Royal et François Hollande. Moins d'un an après cette attaque en règle contre l'ex-candidate à la présidentielle, Manuel Valls avait rejoint contre toute attente l'équipe de la présidente de la région Poitou-Charentes en vue du congrès de Reims. Mieux, il est devenu en l'espace de quelques semaines le porte-parole officiel de Ségolène Royal en allant au devant des caméras dans les situations les plus tendues.


Retour sur le revirement spectaculaire d'un responsable qui n'a pas que des amis au Parti Socialiste.

Origines et formation

Manuel Valls est né le 14 Août 1962 à Barcelone en Espagne. Fils d'un artiste peintre espagnol réfugié en France, Manuel Valls obtient la nationalité française grâce à une procédure de naturalisation. En 1980, à l'âge de 17 ans, il adhère au Parti Socialiste pour soutenir Michel Rocard. Au sein du PS, il appartient à la deuxième gauche, celle de Rocard, pragmatique, contre celle de Mitterrand, plus à gauche. Pendant ses études d'histoire à l'université Paris 1-Tolbiac, il entre au syndicat étudiant socialiste, l'UNEF-ID. Mais c'est surtout au sein des réseaux rocardiens que Manuel Valls va trouver sa place.

Une ascension politique très rapide

En 1986, alors qu'il n'a que 24 ans, il est élu au conseil régional d'Ile de France. Deux ans plus tard, il entre au cabinet du Premier ministre, Michel Rocard, en charge des relations avec le parlement. Après la démission de Rocard en 1992, il retrouve son poste au conseil régional d'Ile de France, qu'il ne quittera qu'en 2002.
En 1997, il échoue au premier tour des élections législatives dans la 5ème circonscription du Val-d'Oise. Mais sa carrière politique rebondit aussitôt grâce à une nouvelle nomination dans un cabinet ministériel. Il devient conseiller pour la communication et la presse auprès du Premier ministre, Lionel Jospin. C'est notamment à ce poste qu'il noue des liens avec des membres du New Labor de Tony Blair.

Député-maire d'Evry (2001-2007)

En mars 2001, Manuel Valls est élu maire d'Evry dans l'Essonne. L'année suivante, il devient député de la 1ère circonscription de l'Essonne. Cinq ans plus tard, il est réélu très confortablement avec 60,12% des voix. Sa gestion de la mairie d'Evry est particulièrement remarquée. Homme de gauche, il défend les couches populaires mais refuse l'angélisme sur les questions sécurité. Lors des émeutes de l'automne 2005, il est le seul socialiste à s'abstenir de critiquer l'instauration du couvre-feu. Pour refuser la ghettoïsation d'un quartier d'Evry, il n'a pas hésité à s'opposer à l'installation d'un supermarché halal dans sa commune.
Ainsi, sur les questions de justice, d'immigration ou à propos de la lutte contre la criminalité, Manuel Valls défend souvent des positions assez éloignées de la ligne officielle du PS.

Un social-libéral qui agace au PS

Au Parti Socialiste, ses adversaires le désignent comme un homme à droite de la gauche ou de centre-gauche. Lui préfère se présenter comme un partisan d'un social-libéralisme à la française. Selon lui, la société de marché, le travail, la lutte contre l'insécurité, la refonte de la loi de 1905 sur la laïcité ne doivent plus être des questions taboues à gauche. Après la défaite de Ségolène Royal lors de la présidentielle de 2007, il s'en est pris violemment à François Hollande, qu'il accuse d'immobilisme et d'être à l'origine de tous les échecs du PS faute d'avoir fait évolué le parti.
Partisan d'une profonde rénovation de la gauche, il multiplie les coups d'éclat depuis la fin de la séquence électorale de 2007. Il se considère comme un pragmatique, qui veut expérimenter ce qui marche, au risque de bousculer les orthodoxes du PS. Ainsi, lorsqu'un journaliste l'interroge sur l'omniprésence de Sarkozy dans les médias, il rétorque que cela ne le choque pas. Au contraire, il préfère insister sur l'incapacité des socialistes à créer le débat, à innover. Sa stratégie du coup d'éclat médiatique lui permet de sortir du lot. Dernièrement, il a même évoqué publiquement la possibilité de changer le nom du Parti Socialiste pour entériner la modernisation de la gauche.

Après l'échec de la présidentielle 2007, Manuel Valls lance son propre club de réflexion

Après le double échec socialiste présidentielle/législatives, Manuel Valls a eu des propos assez durs à l'égard du Parti Socialiste. Même Arnaud Montebourg, pourtant spécialiste des provocations et ami de Manuel Valls, a déploré la stratégie de ce dernier. Fort de sa réélection dans sa circonscription avec 60% des voix, Manuel Valls est persuadé que son positionnement au centre-gauche correspond le mieux à l'évolution de la société. Si Nicolas Sarkozy a été largement élu, c'est parce qu'il a réussi à attirer à lui les couches populaires qui votaient à gauche mais qui ont été sensibles à un discours sur l'ordre et la sécurité. Sur ces questions, comme sur d'autres, Manuel Valls veut faire évoluer le PS. Selon lui, le parti doit actualiser sa doctrine pour devenir un parti social-démocrate acceptant de gouverner avec le centre. Isolé au sein du PS, il a lancé son propre club de réflexion "Cercle 21, Gauche et modernité", fin octobre 2007.

En 2008, Manuel Valls devient le premier lieutenant de Ségolène Royal

Au Parti Socialiste, le jeu des courants et des rapports de force entre éléphants rend très complexe une stratégie d'autonomie. Manuel Valls l'a très bien compris en renonçant à présenter sa propre motion au congrès de Reims. Contre toute attente, alors qu'il avait eu des propos assez durs sur Ségolène Royal, notamment au soir du second tour des législatives lorsqu'elle avait annoncé sa séparation avec François Hollande, Manuel Valls s'est rallié à l'ex-candidate à la présidentielle. Avec Vincent Peillon, il est venu renforcer son staff.
Jusqu'à présent, la présidente de la région Poitou-Charentes n'avait pas réussi à s'entourer de personnalités charismatiques au sein du PS (seuls Jean-Louis Bianco et François Rebsamen lui étaient restés fidèles après la présidentielle), ce double ralliement a donc constitué un atout non négligeable pour la candidate au poste de Premier secrétaire afin d'incarner le renouveau. A la différence de Bertrand Delanoë qui est apparu comme le candidat de la continuité, Ségolène Royal s'est présentée comme la candidate du changement.
Manuel Valls a joué un rôle clé au congrès de Reims. C'est lui qui a été son porte-parole dans les moments les plus tendus : lors de la nuit des résolutions, entre les deux tours de l'élection pour le poste de Premier secrétaire. A chaque fois, il s'est présenté devant les caméras pour commenter les résultats à chaud. Il était même partisan de déposer un recours en justice suite aux décomptes approximatifs des bulletins départageant Martine Aubry de Ségolène Royal. Il s'est donc particulièrement exposé, à la différence de Vincent Peillon, qui était plus en retrait pour incarner le consensus et le cas échéant, se poser en possible recours. A l'issue du congrès de Reims, Manuel Valls a donc une nouvelle fois radicalisé son image et multiplié les inimitiés au sein du Parti.

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