Revue de presse · 4 déc. 2008 à 20:26
En janvier 2008, Nicolas Sarkozy avait pris tout le monde par surprise, à commencer par la ministre de la Culture qui n'était pas au courant, en annonçant la suppression de la publicité sur les chaînes de télévision publiques. A l'origine, c'était une idée de la gauche, pour mettre un terme à la course à l'audimat de la télévision publique. Un an après l'annonce de cette réforme, le projet de loi est débattu à l'Assemblée nationale. A gauche, on dénonce la fin du service public et le cadeau fait aux groupes privés. A droite, certains députés UMP s'inquiètent également d'un projet de loi élaboré dans la précipitation, la suppression de la publicité devant entrée partiellement en vigueur dès le 5 janvier 2009. Mais pourquoi la réforme de l'audiovisuel suscite-t-elle autant de craintes ?
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- Arrêt Sur Images : En direct du "Vietnam parlementaire"
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En supprimant la publicité sur France Télévisions, l'Etat se prive volontairement de recettes indispensables au bon fonctionnement du service public. La suppression de la publicité doit se faire en deux étapes : suppression partielle après 19h dès janvier 2009, et suppression totale en 2011. L'Etat doit donc trouver des ressources alternatives. Le projet de loi prévoit d'abord d'indexer la redevance (impôt destiné au financement de la télévision publique) sur l'inflation. Actuellement, la redevance est de 116 euros. Elle devrait donc augmenter avec l'inflation et avoisiner les 130 euros. Toutefois, l'Etat s'est refusé d'augmenter considérablement cette redevance alors que le montant de celle-ci est l'un des plus faibles d'Europe. En Allemagne, la redevance est de 204 euros, au Royaume-Uni de 195 euros. Dans certains pays d'Europe, la redevance dépasse les 300 euros, comme en Autriche ou au Danemark (chiffres 2008).
En refusant d'augmenter considérablement la redevance, comment l'Etat va-t-il garantir le financement de France Télévisions ? En supprimant la publicité, il manque entre 800 millions d'euros (coût de fonctionnement) et 1 milliard d'euros (si l'on inclut le coût supplémentaire des programmes qui remplaceront la publicité) à France Télévisions pour boucler son budget. L'Etat s'est engagé à couvrir entièrement ces sommes pour 2009, 2010 et 2011. Pour compenser le manque à gagner de la suppression de la publicité, l'Etat a prévu de taxer les recettes publicitaires des chaînes privées (entre 1,5% et 3%) mais aussi les services fournis par les opérateurs de communications (mobile et internet).
Mais ce financement pose deux questions : les nouvelles taxes vont-elles couvrir totalement le manque à gagner ? L'Etat va-t-il garantir des moyens identiques à France Télévisions après 2011 ? Rien n'est moins sûr.
Le financement de France Télévisions n'est pas le seul point de friction du projet de loi. La nomination du président de France Télévisions par le président de la République pose également problème. Pour déminer le terrain d'un projet de loi sensible, Nicolas Sarkozy avait créé une commission présidée par Jean-François Copé. Dans son rapport remis en juin dernier, la commission proposait que le président de France Télévisions soit nommé par le conseil d'administration de France Télévisions et non plus par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), ce dernier se contentant de fournir le nom des 3 candidats à ce poste. Or, Nicolas Sarkozy n'a pas tenu compte des recommandations de la commission et a annoncé que le président de France Télévisions serait nommé en conseil des ministres. En clair, le président de la République va directement nommer le président de la télévision publique. Ce changement marque un véritable retour en arrière, comme au temps de l'ORTF, avec le ministre de l'Information en moins.
Certes, deux garde-fous symboliques sont prévus dans le projet de loi : le CSA émettra un avis, et la nomination pourra être bloquée par une majorité de députés. Mais dans les faits, c'est bien une perte d'indépendance qui se profile. Même si l'Elysée affirme que cette nomination relève du bon sens puisque l'Etat est l'unique actionnaire de France Télévisions et que le conseil des ministres nomme tous les présidents des grandes entreprises publiques (SNCF, EDF), le secteur de France Télévisions est bien particulier. Comment un directeur d'information fera-t-il pour résister aux pressions de ses supérieurs suite à la diffusion d'un reportage trop critique contre le gouvernement ? Si les termes de "censure" sont totalement anachroniques, les "petites pressions amicales" seront facilitées.
La suppression de la publicité sur France Télévisions fait des heureux : les chaînes privées vont récupérer les recettes publicitaires du secteur public. Pour absorber ce volume de publicité supplémentaire, l'Etat va autoriser les chaînes privées à procéder à une deuxième coupure de publicité au milieu d'un film en première partie de soirée. En outre, un décret prévoit le passage de 6 à 9 minutes de publicité autorisée par heure. Même si les chaînes privées vont devoir s'acquitter d'une taxe supplémentaire (entre 1,5% et 3%), elles resteront largement gagnantes, d'autant plus que le gouvernement est tenté d'imposer de nouvelles contraintes aux chaînes publiques. Ainsi, la majorité parlementaire souhaiterait imposer à France Télévisions de diffuser, en remplacement de la publicité, des formats courts sur la citoyenneté et l'environnement. L'objectif est d'empêcher France Télévisions d'avancer l'heure du Prime Time (20h35 au lieu de 21h00) et ainsi faire de l'ombre à TF1 qui doit débuter ses programmes plus tard, couloir publicitaire d'avant soirée oblige. En imposant des formats courts sur des sujets peu susceptibles de faire de l'audience, l'Etat ferait donc une nouvelle fleur à TF1.
Quoi qu'il en soit, la réforme de l'audiovisuel public est un véritable cadeau financier fait aux chaînes privées, au moment où elles subissent une érosion de leur audience face à la concurrence de la TNT. C'est d'ailleurs le principal objectif de ce projet de loi, suggéré par Alain Minc comme le révélait le Canard Enchaîné en janvier dernier.
Sans garantie de financement pour France Télévisions, avec un président directement nommé par le pouvoir, la réforme de l'audiovisuel s'apparente à la première étape d'un démantèlement progressif de la télévision publique, au profit du pouvoir et des chaînes privées.
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