Revue de presse · 16 déc. 2008 à 20:40
Jean-François Copé aurait voulu être ministre. Nicolas Sarkozy l'a écarté au nom du renouvellement et de la rupture. Après plusieurs mois de flottement, le maire de Meaux s'est ressaisi en se projetant déjà dans l'après-Sarkozy, en se positionnant pour la présidentielle... 2017. D'ici là, le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale compte bien s'installer dans un rapport de force permanent avec le président pour pouvoir exister politiquement.
- Le Point : Quand Copé énerve Sarkozy
- Le Figaro : Bertrand et Copé ont déjeuné en tête à tête
- Le Monde : Travail du dimanche : comment M. Sarkozy et sa majorité ont trouvé un "compromis"
Depuis des mois, Nicolas Sarkozy avait fait de cette réforme le symbole de son pragmatisme. Travailler le dimanche, c'était assouplir le code du travail, donner du pouvoir d'achat pour ceux qui voulaient travailler plus, montrer que des réformes tant de fois évoquées par son camp pouvaient être appliquées grâce à son volontarisme.
Las, une partie des députés UMP était contre la généralisation du travail le dimanche. Cinquante-huit d'entre eux avaient même publié une tribune dans le Journal Le Monde en date du 27 novembre pour contester la réforme défendue par Nicolas Sarkozy. Finalement, le président de la République a dû céder et accepter un compromis : la généralisation du travail le dimanche n'aura pas lieu, les magasins pourront ouvrir 10 Dimanches par an, contre 5 actuellement.
Ce compromis a été négocié directement à l'Elysée entre Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé. Sur cette réforme, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale n'a cessé de jouer un double-jeu : à la fois porte-parole de la volonté élyséenne et garant de la liberté de ton des députés frondeurs. Nicolas Sarkozy reproche à Jean-François Copé de ne pas avoir tout fait pour convaincre les députés UMP de voter la réforme en l'état. Le président du groupe UMP s'en est défendu en expliquant qu'il fallait davantage associer les députés de la majorité à l'élaboration des réformes. Derrière ces tensions se cache une rivalité toujours plus vive entre les deux hommes.
Ecarté du gouvernement Fillon car trop marqué par ses passages successifs dans les gouvernements Raffarin et Villepin, Jean-François Copé s'est consolé en 2007 en prenant la présidence du groupe UMP à l'Assemblée nationale. Après quelques mois de flottement et une polémique sur le cumul de ses mandats, Jean-François Copé a pris la mesure du pouvoir qu'il pouvait retirer de sa fonction de président de groupe. Face à l'interventionnisme incessant de Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé est apparu comme le garant de l'indépendance des députés UMP vis-à-vis d'un pouvoir exécutif qui aimerait les mettre au pas. En instaurant ce rapport de force, Jean-François Copé espère ainsi être incontournable, le cas échéant devenir ministre, et surtout, apparaître comme le successeur de Nicolas Sarkozy pour la présidentielle 2017.
Preuve que les tensions sont palpables entre les deux hommes, le Canard Enchaîné fait écho chaque semaine des échanges souvent musclés entre les deux hommes. A chaque fois, Nicolas Sarkozy apparaît excédé par les attaques insidieuses de Jean-François Copé, lui-même toujours aussi meurtri d'être écarté des décisions. Ainsi, dans son édition du 3 décembre, l'hebdomadaire satirique raconte que le mardi 25 novembre 2008, lors du petit déjeuner de la majorité, les deux hommes se sont livrés à une nouvelle joute verbale.
Alors que Jean-François Copé vante les mérites de la "coproduction législative", c'est-à-dire le fait d'associer les députés UMP à la réforme pour éviter les couacs, le président de la République ne peut s'empêcher de répliquer. Extraits :
- "La première des ambitions de Jean-François Copé est de faire une grande carrière parlementaire.
- Toi, tu n'as pas eu cette chance, répond Copé.
- C'est vrai. Mais je n'ai jamais eu la chance d'avoir un président de la République qui m'a fait président de groupe.
- Oui, mais toi, tu as connu un président de la République (Chirac) qui t'a proposé un ministère.
- Oui, mais seulement à son deuxième quinquennat".
Voilà Jean-François Copé prévenu, il pourrait bien attendre 2012 avant d'entrer au gouvernement.
Paradoxalement, c'est Nicolas Sarkozy lui-même qui s'apprête à renforcer les pouvoirs de Jean-François Copé suite au vote de la réforme institutionnelle votée en juillet dernier. Au cours de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait suggéré une réforme des institutions pour donner plus de pouvoirs au parlement. Votée en juillet, la réforme des institutions entrera pleinement en vigueur en mars 2009. Parmi les nouveaux pouvoirs des députés, il y a notamment le partage de l'ordre du jour entre le gouvernement et le parlement, le travail renforcé des commissions parlementaires. Désormais, le pouvoir exécutif aura moins d'espace pour imposer ses textes aux députés de la majorité. Jean-François Copé a donné un nom à cette évolution : "la coproduction législative".
A partir de mars 2009, il estime que la réforme des institutions permettra aux députés UMP de mener les réformes et de ne plus être à la traîne d'un gouvernement qui prend trop souvent l'Assemblée nationale pour une simple chambre d'enregistrement. Evidemment, dans ce nouveau dispositif, Jean-François Copé espère jouer un rôle central en négociant directement avec le président de la République et le Premier ministre la feuille de route de la majorité parlementaire. La coproduction législative, c'est au fond, l'institutionnalisation du rapport de force permanent.
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