Election présidentielle : l'entrée des femmes sur la scène politique

En 1944, les femmes obtiennent enfin le droit de vote pourtant, contrairement à ce qu'elles pensaient, leurs réclamations et leurs préoccupations ne sont guère entendues par les politiques. Ce droit de vote n'incluait en aucun cas leur émancipation politique puisqu'à cette époque, le Parlement, qui élit le président de la République, est très majoritairement masculin. Or, en 1965, grâce à l'élection présidentielle au suffrage universel, les femmes entrent enfin dans la sphère politique, sont entendues et obtiennent une pleine légitimité. C'est du moins la thèse que soutient Mariette Sineau dans La Force du nombre - Femmes et démocratie présidentielle (aux éditions de l'Aube). Selon la politologue, grâce à cette nouvelle Constitution, les femmes à présent majoritaires en nombre, ont pu faire évoluer la société et obtenir d'elle de nouveaux droits jusqu'alors occultés.

Série : Le rôle des femmes dans la présidentielle 1965

Election présidentielle au Suffrage universel direct : le changement de 1962

En 1962, Charles de Gaulle décide de réformer les institutions afin de moderniser la France. Il propose aux électeurs un référendum sur l'élection présidentielle pour qu'elle se déroule au suffrage universel direct. Avec la victoire de ce nouveau mode d'élection, les femmes vont véritablement enter sur la scène politique. Pour commencer, les femmes pourront aller voter, ne laissant plus les élus (essentiellement masculins) décider pour elles. Jusqu'alors, les partis politiques et les députés envisageaient entre eux les éléments importants à traiter, les réformes à mettre en oeuvre, en laissant de côté la question des femmes.
Grâce au suffrage universel, les règles du jeu changent et les candidats à l'élection présidentielle sont désormais obligés, s'ils veulent obtenir les voix - majoritaires en nombre - des femmes, d'écouter leurs revendications et d'en tenir compte dans leur programme présidentiel. Par là même, selon Mariette Sineau, « c'est l'institution présidentielle qui permet aux Françaises d'être reconnues comme sujets politiques ayant des revendications « légitimes » ».

Les revendications « légitimes » des femmes

Mariette Sineau montre dans son livre que les femmes ne sont guère considérées jusqu'en 1965 : leurs revendications ne seraient guère importantes, futiles. Autrefois, on leur refusait le droit de vote sous prétexte qu'il aurait été « sous influence cléricale ». La politologue montre que les femmes n'ont aucun droit en matière sociale, familiale ou politique.
Mais grâce à l'instauration de la nouvelle Constitution, elles peuvent espérer faire évoluer une société faite par et pour les hommes. Mariette Sineau détaille quelques exemples concrets pour illustrer les inégalités juridiques. Il est inscrit dans la loi notamment que les femmes sont punies d'adultère, qu'elles perdent leurs biens au profit des maris ou des pères... Toute forme de contrôle des naissances est interdite. Les femmes, majoritaires, ne peuvent donc faire valoir leurs revendications que grâce aux associations féministes.
Parce que les candidats à l'élection présidentielle ne peuvent se couper de plus de 50% de l'électorat, ils sont désormais obligés de tenir compte de la parole féminine, d'intégrer dans leur programme ces différentes requêtes.

Présidentielle 1965 : à la conquête du vote des femmes

Selon Mariette Sineau, « l'élection présidentielle, la première au suffrage universel, a joué un rôle moteur pour précipiter le réveil de la conscience féministe ». Pendant cette période, les femmes vont profiter de leur nouveau droit qui leur est offert pour s'exprimer publiquement et faire des propositions concernant l'évolution des moeurs et de leurs conditions.
Aussi, dès le printemps et l'été 1965, en pleine campagne présidentielle, l'Assemblée nationale vote pour la réforme des régimes matrimoniaux, accordant quelques droits aux femmes mariées.
Les différents partis, de droite comme de gauche, se mettent également au pas et font également des propositions. Ils encouragent la création du Centre féminin d'étude et d'information qui se réunit mensuellement et compte notamment de grandes figures féminines du gaullisme comme Nicole Groselin-Granville ou Marcelle Devaud. D'autre part, le ministre du Travail crée un Centre d'étude et de liaison des problèmes du travail féminin. L'objectif est avant tout de faire un état des lieux et d'encourager les femmes à travailler. De nombreux clubs et associations féministes se mettent à l'oeuvre à gauche pour soutenir le candidat François Mitterrand. Ils proposeront un certain nombre d'idées à la Convention des institutions républicaines créée par le socialiste. François Mitterrand est le candidat le plus attentif aux réclamations des femmes : il annonce, en novembre 1965, qu'il souhaite abroger la loi de 1920 sur la régulation des naissances.


Finalement, Charles de Gaulle est réélu président de la République. Comme son rival politique François Mitterrand, il comprend qu'il a intérêt à faire des propositions sur la régulation des naissances, en commençant par le droit à la contraception. Il se sera donc écoulé 21 ans entre le moment où les femmes ont obtenu le droit de vote et celui où elles ont pu faire entendre légitimement leurs réclamations.




Mariette Sineau, La force du nombre - Femmes et démocratie présidentielle, éditions de l'Aube, 2008, 203 p.

*** Liens

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