Livres politiques · 30 déc. 2008 à 23:42
En 1965, pour la première fois dans l'histoire de France, les femmes ont le droit de se rendre aux urnes pour voter à l'élection présidentielle, au scrutin direct. Dans son ouvrage intitulé La force du nombre - Femmes et démocratie présidentielle, Mariette Sineau analyse l'évolution des politiques face aux différentes revendications féministes. Si l'auteur constate que dans l'ensemble les candidats ont su les écouter au cours des années 1970 et 1980, ils se sont peu à peu détournés de ces problèmes pour se concentrer sur d'autres plus globaux. D'autre part, les féministes ont également changé de stratégie : refusant dans un premier temps de s'engager d'un côté comme de l'autre de l'échiquier politique, elles ont fini par rallier la gauche. Enfin, force est de constater que les différents présidents se sont montrés plus ou moins concernés par la cause des femmes.
Série 2/5 : Les revendications féministes dans les campagnes présidentielles
Entre 1974 et 1995, les femmes ont pu profiter des campagnes présidentielles pour faire entendre leurs revendications et tenter d'obtenir de nouveaux droits. Parce que les candidats savent quel poids forme cet électorat spécifique, ils introduisent dans leur programme présidentiel des mesures à la hauteur des attentes féministes : en 1974, par exemple, c'est le droit à l'avortement qui est au coeur du débat, en 1995, la parité. Au cours de ces vingt années, les politiques se montrent donc assez attentifs à ces femmes qui n'hésitent plus à utiliser les médias pour se faire entendre.
En 1974, les féministes demandent aux candidats à la présidentielle le droit à l'avortement. Pour se faire entendre, elles publient un manifeste dans le Nouvel Observateur écrit par 343 femmes célèbres qui affirment avoir avorté. Ce genre d'action fait scandale à l'époque mais le débat est désormais ouvert. Finalement, elles sont entendues puisque Simone Veil est nommée au ministère de la Santé : elle est la première femme ministre en France, et c'est elle qui va faire voter la loi sur la dépénalisation de l'avortement.
En 1988, la cause féministe semble être reléguée au second plan. Les candidats Mitterrand et Chirac se soucient davantage de la crise que des problèmes liés aux droits des femmes.
En 2002, les féministes tentent de se faire entendre concernant des revendications non encore prises en compte mais elles ne parviennent pas à avoir un discours fédérateur si bien que la campagne présidentielle se passe sans elles.
Au cours de ces vingt années, les féministes ont donc obtenu certains droits mais ont perdu de leur aura : les candidats à la présidentielle se sont détournés peu à peu d'elles comme si, après avoir appliqué des réformes phares, tout le travail était définitivement accompli.
En 1974, les féministes décident de se soustraire à la politique et de revendiquer leurs droits de façon neutre sans prendre parti pour un candidat au détriment d'un autre. Leur objectif est de se faire entendre auprès des politiques quelles que soient leurs idéologies. Au cours de la campagne de 1974, les féministes insistent sur le fait que les femmes jusqu'à présent ne peuvent disposer de leur corps comme elles le souhaitent puisque le droit à l'avortement leur est interdit. De même, le viol, n'est pas considéré comme un crime. Elles demandent donc aux candidats d'agir pour réformer ces lois qui ne respectent pas les femmes.
A partir de 1981, contrairement à leur stratégie de 1974, les féministes décident de ne plus rester en dehors du politique. Suivant le modèle des mouvements américains, elles organisent des débats avec les hommes politiques et décident de prendre parti pour le candidat de gauche : François Mitterrand, au détriment même de la candidate PSU, Huguette Bouchardeau, au nom du vote utile.
En 1988, le féminisme s'institutionnalise en devenant un « féminisme d'Etat », « marqué tout à la fois par la participation des féministes à certaines instances du pouvoir, par l'instauration d'un grand ministère des Droits de la femme, la reconnaissance et le financement par l'Etat des associations »... Mais le féminisme en tant que mouvement se délite et l'intérêt pour la cause des femmes s'amoindrit très fortement : lorsque Michel Rocard est nommé à la tête du gouvernement, il supprime le ministère consacré aux droits des femmes.
En 1995, toutefois, un regain d'intérêt pour la cause féminine fait surface avec la question de la parité politique. Une nouvelle loi sur la parité est votée le 6 juin 2000.
En 1974, deux candidats s'affrontent au second tour : François Mitterrand et Valéry Giscard d'Estaing. Pour remporter l'élection, tous deux font des propositions sur le droit à l'avortement et la contraception ; ils promettent également, s'ils sont élus, de prendre quelques femmes au gouvernement. Cependant, en 1974, les Français ne sont pas encore prêts à un tel bouleversement. François Mitterrand comme Valéry Giscard d'Estaing se montrent donc très prudents dans leurs promesses et affichent clairement leur attachement aux valeurs familiales.
Finalement, c'est Valéry Giscard d'Estaing qui est élu Président de la République et contre toute attente, il va mettre en oeuvre un certain nombre de promesses féministes qu'il avait faites au cours de sa campagne : il nomme une femme au ministère de la Santé, fait voter une loi sur le divorce par consentement mutuel, fait voter la loi sur l'IVG...
Au cours de la campagne de 1981, il semble pourtant se détourner de cet électorat. En effet, le mouvement féministe, Choisir, organise un grand meeting entre les deux tours de la présidentielle avec les deux principaux candidats. Tandis que François Mitterrand y voit une tribune pour développer son programme, Valéry Giscard d'Estaing refuse l'invitation, laissant le champ libre à son adversaire.
En 1981, l'intérêt pour la cause féministe est encore important : Valéry Giscard d'Estaing, en faisant appliquer de nombreuses promesses pour le droit des femmes, a fait perdre du terrain à François Mitterrand qui doit trouver une nouvelle stratégie politique pour séduire cet électorat. Dans ses 110 propositions, il en fait six concernant directement les femmes comme l'égalité des chances devant l'emploi, l'égalité de rémunération... Une fois élu, François Mitterrand qui avait pourtant le soutien des féministes, n'applique pas ses promesses se retranchant derrière la crise économique. Lors de la campagne de 1988, il ne montre guère plus d'enthousiasme pour la cause féministe. Il réitère ses propositions de 1981, tout en insistant sur les valeurs de la famille et la natalité.
De son côté, Jacques Chirac ne s'est jamais senti concerné par la cause féministe. Lorsqu'il est nommé Premier ministre en 1974, il s'oppose à la proposition de Simone Veil visant à dépénaliser l'avortement. Lorsqu'il se présente en 1988, il n'envisage aucune réforme féministe. Il exprime sa préférence pour la famille et les valeurs traditionnelles. Lorsqu'il se présente en 1995, face au débat sur la parité politique qui fait l'unanimité, à droite comme à gauche, il est obligé de prendre parti. Dans un premier temps, il essaie de contourner le problème en proposant d'instituer un Observatoire de la parité et demande à Alain Juppé de nommer plusieurs femmes dans son gouvernement. Cette innovation, mal préparée et non désirée, se solde par un échec.
En 2002, Jacques Chirac profite de l'accalmie concernant les revendications féministes pour se concentrer sur des sujets sociaux comme l'insécurité. Dans son programme, aucune allusion n'est faite aux droits des femmes. Il évoque simplement quelques propositions concernant les mères de famille. Jacques Chirac est donc toujours parvenu à se faire élire en mettant en avant la famille.
Femmes et démocratie présidentielle
- Election présidentielle : l'entrée des femmes sur la scène politique
- Campagnes présidentielles et féminisme : avancées et reculs
- Le vote des femmes aux élections présidentielles : de la droite vers la gauche
- Le rôle des femmes dans la vie politique : ministres et candidates
- Les femmes et la présidentielle : une candidate au deuxième tour en 2007
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