Revue de presse · 5 jan. 2009 à 12:12
On connaît les liens qui unissent Nicolas Sarkozy à de grands patrons du CAC 40. Croisière sur le yacht de Vincent Bolloré, utilisation d'avion privé, la proximité du président de la République avec les milieux d'affaire n'est plus à démontrer. Et qu'en est-il à gauche ? La situation n'est pas forcément moins ambigüe. Au détour d'articles publiés dans la presse, on lit régulièrement que "Pierre Bergé est le mécène de Ségolène Royal". En clair, Pierre Bergé finance les activités politiques de l'ex-candidate à la présidentielle. Il compte même renforcer ce soutien. Décryptage.
Quelques articles de presse :
- Le Point : Pierre Bergé investit sur Ségolène Royal
- Politis : Le mécène de Ségolène Royal est prêt à la financer plus
- NouvelObs : Soutien de Pierre Bergé : Royal refuse tout amalgame avec Sarkozy
L'information est régulièrement publiée dans la presse. Le milliardaire Pierre Bergé, fondateur notamment de la maison Yves Saint Laurent, finance les activités politiques de Ségolène Royal, à commencer par les locaux de l'association de l'ex-candidate, "Désirs d'avenir", situés au 95, boulevard Raspail à Paris. Selon le Monde daté du 4 décembre 2007, le "très chic appartement aux murs blancs [est] mis à disposition par Pierre Bergé, le mécène de la gauche socialiste". Selon le Nouvelobs, "ces locaux [sont] loués par l'association "les amis de Ségolène Royal" présidée par l'homme d'affaires Pierre Bergé".
Avec 150m² en plein coeur de Paris, le siège de Désirs d'avenir est le principal QG de Ségolène Royal. Pour information, un appartement de cette surface dans le sixième arrondissement de Paris est évalué à environ 1,5 million d'euros. A la location, les prix sont également très élevés puisqu'il s'agit de l'arrondissement le plus cher de Paris.
Ce soutien financier n'est pas un secret. L'homme d'affaires le revendique ouvertement. Dans un entretien accordé à l'AFP le 28 novembre 2008, il jugeait lamentable les conditions de l'élection de Martine Aubry à la tête du PS et estimait que la vraie gagnante était Ségolène Royal. A cette occasion, il réaffirmait son rôle de mécène : "Je la soutiens complètement depuis des années et je continuerai. J'irai plus loin s'il le faut dans l'aide (financière) que j'apporte à (son mouvement) Désirs d'avenir".
Non seulement Pierre Bergé revendique cette aide, mais il compte donc l'amplifier. De quelle manière ? C'est lui qui préside l'association "Les amis de Ségolène" qui avait soutenu la candidate lors de la présidentielle de 2007 et qui continue de soutenir financièrement Désirs d'avenir. Selon le blog de Politis, c'est par exemple Pierre Bergé qui "avait réservé un joli restaurant pour que l'équipe royaliste se retrouve au soir du premier tour de l'élection pour le poste de Premier secrétaire du PS" le 20 novembre 2008. Il figurait également en bonne place sur le podium lors de la fête de la fraternité au Zénith de Paris. La fête avait coûté 25 000 euros et n'était pas totalement couverte par les dons de militants. Le budget devait être rendu public, mais on attend encore...
Le financement de la vie politique est très encadré. Selon le site service-public.fr, dans le cadre de l'élection présidentielle, un candidat peut recevoir jusqu'à 4 600 euros pour une seule personne physique. Un parti politique peut recevoir jusqu'à 7 500 euros. Tous les dons sont donc plafonnés. Une personne morale, c'est-à-dire une entreprise ou une association, ne peut financer une campagne électorale.
En revanche, une association de loi 1901 n'est pas soumise à ces mêmes restrictions. Les dons ne sont pas limités, ni pour les personnes physiques, ni pour les personnes morales (comme d'autres associations). Seules les déductions d'impôts liées à ces dons sont plafonnées. Or, "Désirs d'avenir", l'association de Ségolène Royal, est une association de loi 1901, tout comme "les amis de Ségolène", présidée par Pierre Bergé. Autrement dit, le financement des "activités politiques" de Ségolène Royal n'entrent pas dans le cadre du financement des partis politiques ou des campagnes électorales.
Le soutien financier de Pierre Bergé est parfaitement légal. Comme le soulignait Ségolène Royal sur Europe 1 le 14 janvier 2008 : il y a "des règles, des lois qui permettent à des associations de fonctionner, à des dons de se faire, à des structures de réfléchir et c'est tant mieux". Mais ce financement légal est-il légitime ? Un responsable politique peut-il avoir un mécène ?
Les règles de financement de la vie publique obéissent à deux principes : égalité et transparence. Chaque parti reçoit des subventions pour vivre en fonction de sa représentativité (proportionnellement au nombre de voix obtenues lors des législatives). Les dons à des partis politiques ou à des candidats lors des campagnes électorales sont plafonnés pour éviter tout risque de corruption.
D'une manière générale, dans une démocratie, l'argent ne doit pas être un critère de sélection de candidats. Pourtant, le fait que Ségolène Royal sollicite un mécène pour financer ses activités politiques montre les limites d'un système où l'argent constitue manifestement une condition indispensable pour construire une carrière politique. Mais quand il s'agit de responsables politiques qui se revendiquent "proches du peuple" et au côté des "milieux populaires", la question d'un mécénat de la part d'un milliardaire pose problème.