Livres politiques · 5 jan. 2009 à 19:40
Dans La Force du nombre - Femmes et démocratie présidentielle, Mariette Sineau observe le rôle qu'ont eu les femmes dans l'élection des présidents. Son analyse de l'évolution des mentalités comme de la société française permet de comprendre comment et pourquoi les femmes sont passées majoritairement de la droite vers la gauche de l'échiquier politique.
Série 3/5 : Les femmes n'ont pas toujours voté comme les hommes
Pendant plusieurs années, on observera que l'élection présidentielle est sexuée : tandis que les hommes votent majoritairement à gauche, notamment pour le parti communiste, les femmes préfèrent la droite au point qu'un journaliste du Nouvel Observateur, le 10 octobre 1974, affirmera, en constatant les résultats d'un sondage, que Valéry Giscard d'Estaing est l' « élu des femmes ». Ce penchant pour la droite date de la première élection au suffrage universel de 1965 : au premier tour, les femmes confirment à 55% des suffrages leur confiance en Charles de Gaulle tandis que les hommes n'ont voté pour lui qu'à 40%. Au second tour, c'est le soutien massif du général par les femmes qui permet son élection : elles sont 61% à avoir voté pour lui et les hommes 49%. Cet écart énorme a pesé très favorablement en faveur de Charles de Gaulle : sans le vote des femmes, c'est François Mitterrand qui aurait remporté l'élection avec 51% des suffrages masculins. Les femmes soutiennent pour de nombreuses raisons le général et Mariette Sineau énumère les différentes hypothèses : choix politique, position éthique, personnage charismatique... En revanche, elles apprécient moins l'image que renvoie François Mitterrand qui incarne celui qui veut « tuer le père » de Gaulle.
C'est également grâce au soutien des femmes que les candidats de droite, Georges Pompidou et Valéry Giscard d'Estaing se font élire présidents de la République. Cependant, dès les élections législatives de 1973, la distinction dans le choix du candidat entre les hommes et les femmes est moins précise : de plus en plus de femmes commencent à se tourner vers le socialisme. François Mitterrand perd de quelques milliers de voix l'élection de 1974 mais les femmes, elles, ont été 46% à soutenir sa candidature. En 1981, elles sont 49% à voter pour François Mitterrand, montrant ainsi un revirement des mentalités. Mais ce sont les élections législatives de 1981 qui marquent une véritable révolution dans les mentalités : pour la première fois, les femmes ont voté majoritairement à gauche à 54%. En 1988, François Mitterrand réussit son pari : remporter la victoire grâce au vote des femmes. Il est en effet élu avec 55% de leurs suffrages contre 53% pour les hommes.
En 1965, lors de la première élection présidentielle au suffrage universel, les femmes montrent d'emblée un certain penchant pour le conservatisme de droite et surtout une méfiance à l'égard de la gauche, et en particulier des communistes car ces derniers remettraient non seulement en cause la religion mais également l'autorité de l'Etat. D'ailleurs, la droite se sert de cette peur pour le parti pour garder les femmes dans son camp, se voulant en effet une « arme anticommuniste ». François Mitterrand suscite également une certaine méfiance : il pourrait s'allier aux communistes pour prendre le pouvoir. Les conseillers du candidat lui suggèrent d'avoir une attitude plus empathique pour apaiser les électrices.
Pendant la campagne présidentielle de 1974, François Mitterrand essaie de se faire plus rassurant auprès des femmes. Après avoir fait des promesses concernant leurs revendications, il montre une certaine distance vis-à-vis des communistes même si les différents partis de gauche ont signé un programme commun. Finalement, elles sont 46% à voter pour le candidat socialiste, soit une progression de 7 points par rapport à 1965.
Peu à peu, les femmes montrent une hostilité moins forte à l'égard des communistes au point de voter assez massivement pour le PC lors des élections législatives de 1981 : elles sont 13% à leur accorder leur voix tandis que les hommes sont 15%. L'écart entre les hommes et les femmes se réduit donc sensiblement au fil des ans.
En revanche, les femmes ont toujours montré une hostilité durable envers Jean-Marie Le Pen car le Front national incarne la violence, l'antiféminisme avec un refus au droit à l'avortement, la remise en cause du statut de la femme et de sa place dans la société. Pour toutes ces raisons, les femmes ne plébiscitent pas ce candidat qui est parvenu à arriver au second tour à l'élection présidentielle de 2002 face à Jacques Chirac. Elles sont 15% à avoir voté pour Jean-Marie Le Pen au premier tour tandis que les hommes sont 22% ce qui signifie, selon Mariette Sineau, que sans le vote des hommes, c'est Lionel Jospin qui serait passé au second tour.
Les femmes ont donc, dès la première élection présidentielle au suffrage universel, joué un rôle de premier rang puisqu'elles ont fait basculer à droite puis à gauche les résultats. Dans son document, Mariette Sineau explique pourquoi les femmes sont passées de la droite conservatrice à la gauche : en prenant leur indépendance, en obtenant de nouveaux droits, elles se sont peu à peu rapprochées du parti qui, selon elles, défend le mieux leur condition.
Mariette Sineau, La force du nombre - Femmes et démocratie présidentielle, éditions de l'Aube, 2008, 203 p.
Femmes et démocratie présidentielle
- Election présidentielle : l'entrée des femmes sur la scène politique
- Campagnes présidentielles et féminisme : avancées et reculs
- Le vote des femmes aux élections présidentielles : de la droite vers la gauche
- Le rôle des femmes dans la vie politique : ministres et candidates
- Les femmes et la présidentielle : une candidate au deuxième tour en 2007
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