Le RSA va-t-il faire augmenter les statistiques du chômage ?

Le Canard enchaîné · 8 jan. 2009 à 20:07

RSA et chômage

En ces temps de crise, tous les voyants sont au rouge. Chômage en hausse, croissance en berne, investissements à l'arrêt, les économistes prévoient une économie en récession en 2009. Pour faire face à cette cascade de mauvaise nouvelle, le gouvernement a préparé un plan de relance de 26 milliards d'euros (dont 5 milliards de dépenses supplémentaires réelles). L'absence d'une dimension sociale (aides aux personnes en difficulté) de ce plan avait été vivement critiquée par la gauche. A l'Elysée, on répondait que le Revenu de Solidarité Active était déjà une initiative destinée à aider les plus démunis. Sauf que le RSA pourrait entraîner une hausse des chiffres du chômage en 2009, comme l'a révélé le Canard Enchaîné dans son édition du 31 décembre 2008.


Source : "Le cauchemar du RSA", Le Canard Enchaîné n°4601, 31 décembre 2008, page 2

Un Revenu de Solidarité Active qui encourage les petits boulots

Le RSA est un dispositif qui va inciter les chômeurs à retrouver un emploi en leur permettant de cumuler les aides sociales avec leurs salaires. Jusqu'à présent, lorsqu'un RMIste reprenait un emploi, il perdait tous les minima sociaux. Dans certains cas, la reprise d'une activité se traduisait alors par une baisse de pouvoir d'achat ou par une trop faible augmentation de salaire. La différence entre un salaire à temps partiel et les indemnités chômage étant souvent trop faible, les RMIstes n'étaient pas incités à retravailler. Le RSA va permettre de cumuler les aides et le salaire. Selon Martin Hirsch, ce nouveau dispositif va avoir un double impact immédiat : il va permettre à 100 000 RMIstes de retrouver un emploi d'ici 18 mois, et il va sortir 700 000 personnes de la précarité puisqu'en cumulant salaire à mi-temps et aides sociales, elles passeront au-dessus du seuil de pauvreté (fixé à 880 euros par mois).
Seul inconvénient, le RSA pourrait encourager les petits boulots, c'est-à-dire des emplois à temps très partiels, les employeurs n'hésitant plus à les proposer en sachant que le RSA assure un complément de revenus.

Les bénéficiaires du RSA sont-ils des chômeurs ?

A compter du 1er juillet, le RSA va donc remplacer le RMI. Aujourd'hui, le calcul du chômage est simple : par définition, un RMIste est une personne au chômage. Mais avec le RSA, la situation sera plus compliquée car le revenu de solidarité active est à la fois une allocation pour chômeurs (il remplace à ce titre le RMI) et un complément de salaire pour ceux qui ont un emploi à temps partiel et qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Autrement dit, le nombre de bénéficiaires du RSA va être plus élevé que le nombre de bénéficiaires actuels du RMI. Il s'agit donc incontestablement d'un effort financier de la part de l'Etat. Mais paradoxalement, cette mesure pourrait se retourner contre le gouvernement Fillon et faire augmenter les statistiques du chômage. A partir du moment où les bénéficiaires du RSA sont à la fois des chômeurs et des travailleurs précaires (à temps partiel), comment calculer le taux de chômage ? Tout dépend du temps de travail. Un salarié qui n'exerce que 8h de travail par mois peut être considéré en "recherche d'emplois" et donc comptabilisé dans les chiffres du chômage.

Une évaluation au cas par cas qui dépend des conseils généraux

Pour savoir si un bénéficiaire du RSA doit être considéré comme chômeur ou comme travailleur, il faut donc faire du cas par cas et vérifier à chaque fois si le temps travaillé est suffisamment conséquent pour être assimilé à un vrai emploi. Ce sont les organismes gestionnaires du RSA qui vont s'occuper de cette comptabilité et de l'étude au cas par cas. Or, comme le souligne le Canard Enchaîné, ces organismes "dépendent en majorité des conseils généraux, qui sont majoritairement à gauche". De fait, les conseils généraux de gauche pourraient estimer que tous les bénéficiaires du RSA, qui ont un petit boulot qui ne leur permette pas de vivre, sont à la recherche d'un emploi à temps plein. Ces évaluations ont une importance capitale car ce sont près de 450 000 titulaires du RSA ayant un petit job qui pourraient faire exploser les statistiques du chômage.

L'Elysée pourrait créer un nouveau taux de chômage, hors RSA

A l'Elysée, on prend la menace très au sérieux car les chiffres du chômage pourraient littéralement s'envoler avec le nouveau mode de calcul incluant les travailleurs précaires bénéficiant du RSA. Une parade aurait donc été trouvée si les conseils généraux de gauche font exploser les chiffres des demandeurs d'emplois : les services du ministère de l'Economie travaillent à la mise en place d'un double chiffrage du chômage. Un taux de chômage serait publié sans comptabiliser les bénéficiaires du RSA et un autre taux de chômage, incluant une partie des bénéficiaires du RSA, serait également calculé. Deux taux de chômage pour le prix d'un !

*** Liens

- Qu'est-ce que le Revenu de Solidarité Active ?
- La face cachée de la taxe du RSA, ou comment l'Etat va récupérer 1 milliard d'euros
- Adoption du RSA : les médias oublient encore d'évoquer que l'Etat va récupérer 1 milliard
- Le gouvernement finance une campagne de pub de 3 millions d'euros pour le RSA

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