Revue de presse · 19 jan. 2009 à 19:38
Depuis le début de l'année, le site d'information Backchich.info fait une fixation sur le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Déjà quatre articles ont été publiés sur le ministre d'ouverture. Le premier révèle que le ministre est encore gérant d'une société, ce qui est contraire à la Constitution. Le deuxième article révèle que des sociétés pour lesquelles Bernard Kouchner a travaillé ont reçu 817 000 euros en 2008 du Gabon pour des prestations non payées et effectuées dans les années 2000. Dans le troisième article, Bakchich en remet une couche en recoupant les premières informations avec le contexte politique de l'époque. Entre temps, le site complète sa démonstration en titrant que Bernard Kouchner et sa femme sont devenus fous. Quatre articles donc, entrecoupés de dessins, tableaux, captures d'écran, documents scannés. Au-delà du manque de clarté des articles, Bakchich mélange informations intéressantes et conclusions hâtives. Décryptage.
- Bakchich : Bernard Kouchner, ministre hors-la-loi
- Bakchich : Kouchner, ministre des factures étrangères
- Bakchich : Kouchner-Ockrent, ils sont devenus fous... et personne ne les soigne
- Bakchich : Bongo paie, Bockel est viré
Dans un article publié le 10 janvier 2009, Bakchich.info révèle que le ministre des Affaires étrangères "est toujours patron de sa boîte de conseils, BK consultants". Cette société spécialisée dans le conseil en développement durable en santé avait notamment travaillé pour Total en Birmanie ou au Gabon pour le gouvernement. Lorsque Bernard Kouchner a créé cette société et BK Conseil (encore une autre), il n'avait aucun mandat. Or, aujourd'hui, en tant que ministre, il lui est interdit de faire partie d'une quelconque société. L'article 23 de la Constitution précise bien que "Les fonctions de membre du Gouvernement sont incompatibles avec (...) toute activité professionnelle".
Suite à ces révélations, le ministre a publié un communiqué pour préciser que "depuis sa prise de fonction en tant que ministre des Affaires étrangères et européennes, [il] a cessé toute activité au sein des sociétés BK Conseil et BK Consultants. La société BK Conseil a été dissoute le 18 mai 2007. Depuis la nomination du Ministre, BK Consultants n'a plus aucune activité commerciale et ne saurait avoir perçu quelque rémunération que ce soit".
En clair, Bernard Kouchner a dissout une société et a mis "en sommeil" l'autre société, reconnaissant implicitement les informations de Bakchich. Un ministre dont la situation professionnelle n'est pas en conformité avec la Constitution, cela fait un peu désordre.
Cinq jours après ces premières révélations, Bakchich s'intéresse à deux sociétés de consulting pour lesquelles Bernard Kouchner a fait quelques piges. Ces deux sociétés ont travaillé pour le ministère de la Santé du Gabon entre 2003 et 2005. Un premier contrat prévoyait "un audit complet du système gabonais et proposition de réforme", le deuxième contrat stipulait "l'élaboration d'un nouveau plan national de développement sanitaire". Selon Bakchich, Bernard Kouchner a travaillé dans le cadre de ces contrats. Comme souvent dans ce type de travail entre une société de consulting et un Etat, les sociétés de conseil ont quelques difficultés pour se faire payer par l'Etat gabonais. C'est le cas dans cette affaire puisqu'un reliquat de 817 000 euros n'a été versé par le Gabon qu'en 2008, trois ans après la fin du dernier contrat.
Ces informations n'ont aucun intérêt en soi, si ce n'est que Bernard Kouchner est ministre des Affaires étrangères et que les deux principaux gérants des deux sociétés qui ont passé les contrats avec le Gabon sont aujourd'hui respectivement diplomate pour le Quai d'Orsay et conseiller presse et communication du ministère des Affaires Etrangères.
Résumons : Kouchner est gérant d'une société en sommeil, deux de ses proches ont obtenu le paiement, en 2008, d'une partie de la facture de contrats passés avec le Gabon. Le site d'information dénonce un mélange des genres incongru dans le cadre d'une démocratie qui se veut moderne et transparente. Jusqu'ici, l'agacement est compréhensible.
Mais dans un troisième article publié quatre jours plus tard, Bakchich va plus loin et fait le lien entre le paiement du Gabon et la mise à l'écart de Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat à la Coopération qui voulait mettre un terme à la Françafrique, c'est-à-dire mettre fin à une politique de clientélisme entre des élites politiques et économiques. Jean-Marie Bockel voulait assainir les relations entre la France et certains pays africains et mettre un terme aux magouilles traditionnelles. Le dirigeant du Gabon était notamment visé. Or, Bakchich relève que Jean-Marie Bockel a été sanctionné quelques jours après que le Gabon a payé la facture de 817 000 euros. Et le dirigeant de l'une des sociétés ayant reçu une partie des 817 000 euros a également été mis au placard par le Quai d'Orsay.
Bakchich fait le lien de tous ces événements : le Gabon a réglé la facture de 817 000 euros et l'Etat français a sanctionné un adversaire du président gabonais (Bockel partant en croisade contre la Françafrique) et l'un de ceux qui a bénéficié du chèque. Le tout est un peu tiré par les cheveux et Bakchich n'a aucune preuve, tout juste peut-il ironiser sur "une simple cascade de coïncidences de dates".
Après deux articles un peu brouillons, le site d'information s'étonne du peu d'échos de ces informations dans la presse, à l'exception de Marianne et du Monde. Pour enfoncer le clou, un nouvel article est donc mis en ligne. Il s'agit d'une synthèse des informations déjà publiées. Intitulé "Kouchner-Ockrent, ils sont devenus fous... et personne ne les soigne", l'article revient également sur les multiples casseroles de Christine Ockrent qui co-dirige la holding "France-Monde".
A la différence des deux autres articles, celui-ci n'apporte aucune information nouvelle mais rappelle toutes les casseroles de Kouchner et d'Ockrent. Après deux articles sur le ministre des Affaires étrangères et vingt-quatre heures avant la publication du dernier article de la série sur la mise à l'écart de Jean-Marie Bockel, ce "Best of" vient confirmer la charge de Bakchich contre le ministre des Affaires étrangères.
A l'issue de la lecture de ces quatre articles, il en ressort que Bernard Kouchner n'est pas en conformité avec la constitution car il est encore gérant d'une société de conseils. Pour le reste, si le mélange des genres est troublant, la charge de Bakchich semble disproportionnée par rapport aux réelles informations dont dispose le site d'information. Or, en mélangeant de vraies révélations et des remarques sans fondement, Bakchich brouille les pistes et finit par convaincre le lecteur qu'en tirant un petit fil, le site d'information avait surtout envie de se payer Bernard Kouchner. C'est fait, mais dans la douleur. Publier les quelques informations vérifiées auraient suffi.
A ceux qui pensent que cette lecture forcément subjective des articles de Bakchich est complaisante avec le ministre des Affaires étrangères, il est utile de rappeler que Politique.net ne travaille pas pour Bernard Kouchner, comme en témoigne les différents articles que nous avons publiés sur le ministre (voir plus bas). Mais à vouloir trop en faire, le site Bakchich a sans doute désamorcé lui-même ses révélations. Dommage.
- Bernard Kouchner, un ministre des affaires étrangères souvent embarrassé
- Bernard Kouchner a-t-il mis à l'écart une journaliste du Monde ?
- Crise à France 24 après la colère de Bernard Kouchner
- Quatre mois après un clash avec Bernard Kouchner, un journaliste de France 24 a été limogé
- Le Canard Enchaîné a décrit une soirée très spéciale au ministère des Affaires étrangères
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