Jean-Marc Ayrault, portrait du premier opposant socialiste à l'Assemblée nationale

Enquête · 21 jan. 2009 à 22:57

Jean-Marc Ayrault, président du groupe PS

Le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale a pris la tête depuis quelques jours d'une fronde des socialistes dans le cadre de la réforme du travail parlementaire. Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, l'opposition a refusé de siéger lors des questions d'actualité au gouvernement. Jean-Marc Ayrault accuse la majorité de vouloir museler l'opposition en diminuant la durée des débats dans l'hémicycle. Président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale depuis 1997, il a survécu à l'après-hollande en affichant sa neutralité face au duel Royal/Aubry.


Retour sur le parcours politique du président du groupe socialiste à l'Assemblée.

Origines et formation

Jean-Marc Ayrault est né le 25 janvier 1950 à Maulévrier dans le Maine-et-Loire. Son père était ouvrier dans une industrie textile, qui a été reprise plus tard par l'un de ses frères. Aîné des 5 enfants, Jean-Marc Ayrault est issu d'une famille catholique où le travail et la rigueur constituent les principales vertus. Il vient donc d'un milieu progressiste mais plutôt conservateur sur le plan des valeurs.
Très tôt, Jean-Marc Ayrault s'engage : d'abord au sein du Mouvement rural de la jeunesse chrétienne (MRJC) à Maulévrier, sa ville natale qui s'étend entre Nantes, Angers et Cholet. Par la suite, il rejoint la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), puis l'Action catholique ouvrière (ACO) avant d'adhérer au Parti Socialiste au lendemain du congrès d'Epinay en 1972.
C'est lors de ses années de militant qu'il rencontre sa femme, originaire de Maulévrier, qui deviendra enseignante comme lui. Après des études secondaires au lycée de Cholet, il obtient une licence d'Allemand à la faculté de Nantes. L'année suivante, il passe le concours du CAPES pour devenir enseignant d'allemand. Sa carrière d'enseignant débute en 1973, au lycée de Rezé puis de Saint-Herblain.

Maire à 27 ans, député à 36 ans

Parallèlement à sa carrière d'enseignant, Jean-Marc Ayrault milite au Parti Socialiste. Cinq ans après son entrée au PS, il parvient à se faire élire maire de la ville de Saint-Herblain, jusque là détenu par le RPR. En 1977, à 27 ans, il devient donc le plus jeune maire de France d'une commune de plus de 30 000 habitants.
Neuf ans plus tard, lors des législatives de 1986 qui voient la victoire de la droite de Jacques Chirac, Jean-Marc Ayrault parvient à se faire élire député.
Trois ans plus tard, il poursuit son ascension politique en renonçant à la mairie de Saint-Herblain pour se présenter aux municipales à Nantes, ville détenue par la droite. Il remporte ses élections et va faire de la mairie de Nantes sa carte de visite pour un destin national. Après la fermeture des chantiers navals en 1986, Nantes cherchait un nouveau souffle. Depuis 1989, Jean-Marc Ayrault a considérablement changé le profil de la ville. Réélu trois fois à la tête de cette métropole régionale, il peut se vanter d'avoir un bilan local très positif au point d'étouffer toute opposition. La droite peine à attaquer le bilan du maire. En 2001, il a même été réélu dès le premier tour, événement très rare pour une agglomération de cette taille.

Président de groupe et maire : une organisation méthodique

Parallèlement à sa légitimité locale, il entame une carrière nationale en intégrant le bureau exécutif du Parti Socialiste. En 1997, brillamment réélu dans sa circonscription, Jean-Marc Ayrault est nommé président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale en raison de son sérieux et de son enracinement local. A ce poste, il se montre exemplaire : travailleur, à l'écoute, il fait l'unanimité au sein du groupe des députés socialistes même si on lui reproche son caractère trop lisse.
Entre la mairie de Nantes, la présidence du groupe socialiste à l'Assemblée et le travail au bureau politique du PS, il faut une organisation millimétrée. Ainsi, il partage son temps entre Nantes et Paris et travaille en équipe. Tous les mardis matin, à bord du TGV Nantes-Paris, il travaille avec ses collaborateurs sur les dossiers de la mairie. Une fois arrivés à Paris, ces derniers repartent aussitôt vers la Loire-Atlantique.
A force de cumuler les fonctions, Jean-Marc Ayrault doit cumuler les équipes : il compte une vingtaine de collaborateurs pour la gestion de la mairie, une dizaine pour la gestion de la communauté de commune "Nantes Métropole" et une quarantaine pour la politique nationale à Paris. Autrement dit, Jean-Marc Ayrault dispose de près de 70 fidèles collaborateurs travaillant pour lui.

Une timidité et une distance qui l'handicapent sur la scène nationale

Bourreau de travail, le maire doit également sa réussite à une gestion de proximité : dans la ville de Nantes, il se tient au courant de tout et ses équipes sont chargées de prendre en compte toutes les demandes et les réclamations des habitants. Jean-Marc Ayrault est donc un notable local reconnu.
Sur la scène nationale, c'est plus compliqué. Après 10 ans de présidence du groupe socialiste et alors que les députés souhaitaient un renouvellement des cadres pour traduire le besoin de rénovation, Jean-Marc Ayrault a finalement réussi à se faire réélire pour cinq ans à la tête des députés socialistes en juin 2007. En échange, il a promis de mener une profonde rénovation politique du PS, à commencer par la formation d'un cabinet fantôme, l'équivalent d'un gouvernement fictif chargé de faire des contre-propositions au gouvernement Fillon. L'objectif est de bâtir une opposition active et constructive à l'Assemblée nationale.
Malgré cela, il a de sérieux handicaps pour prétendre à un destin national de grande envergure. Bosseur, Jean-Marc Ayrault est aussi très austère, voire distant. Il est plus à l'aise dans les réunions de travail que dans les manifestations publiques ou dans les meetings. Ces partisans relèvent une timidité de caractère, d'autres, plus acerbes, parlent plutôt d'un manque de charisme. Et six mois après sa constitution, le contre-gouvernement est mort-né.

L'après-présidentielle : un soutien à géométrie variable

Préférant ignorer les critiques, Jean-Marc Ayrault poursuit sa trajectoire politique. Il a brigué un nouveau mandat de maire de Nantes en 2008 et compte bien participer activement à la rénovation du Parti Socialiste. Proche de François Hollande, il avait apporté très tôt son soutien à Ségolène Royal au point qu'on évoquait sa nomination au poste de Premier ministre en cas de victoire de la candidate à la présidentielle. Jean-Marc Ayrault lui est resté fidèle en ne participant pas au lynchage de la candidate au lendemain de sa défaite. Mais au congrès de Reims, retournement de situation, il décide de soutenir la motion de Bertrand Delanoë avant d'appeler à l'élection d'un Premier secrétaire neutre, qui ne soit pas un présidentiable, à l'issue du vote des motions.

Une forme de cohabitation avec Martine Aubry

Après avoir soutenu Ségolène Royal, puis la motion Delanoë, et souhaité, au final, un Premier secrétaire neutre, Jean-Marc Ayrault a conservé toutes ses chances pour travailler avec la nouvelle Première secrétaire. Dans le duel fratricide Aubry/Royal, le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale n'a apporté son soutien à aucune d'entre elle. La victoire de Martine Aubry n'a donc pas entamé son crédit auprès des députés et il compte bien rester président de groupe jusqu'en 2012. Toutefois, la volonté de Martine Aubry de reconstruire un parti socialiste fort pourrait aboutir à une cohabitation difficile entre les deux leaders socialistes car la Première secrétaire, qui s'invite désormais chaque semaine à la réunion du groupe socialiste à l'Assemblée, pourrait empiéter sur les prérogatives de Jean-Marc Ayrault.


Le télescopage entre la présentation, aujourd'hui même, du contre-plan de relance socialiste par Martine Aubry et le buzz médiatique déclenché par les députés socialistes à propos de la réforme du travail parlementaire montre que la cohabitation ne sera pas facile. Dans cette bataille d'influence, le buzz de Jean-Marc Ayrault a éclipsé la présentation de Martine Aubry. 1-0.

*** Liens

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