Enquête · 29 jan. 2009 à 20:05
Ami de plus de trente ans de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux est le principal bénéficiaire du remaniement de janvier 2009. Après un an et demi passé au ministère très controversé de l'Immigration, Brice Hortefeux a été nommé à la tête d'un ministère élargi comprenant le travail, les affaires sociales, la famille, la solidarité mais aussi, et c'est nouveau, la politique de la ville. Même si Brice Hortefeux rêvait plutôt du ministère de l'Intérieur, son changement d'affectation doit lui permettre de quitter le registre du répressif pour celui de l'ouverture et du dialogue avec les syndicats. Mission délicate dans un contexte où la grogne sociale, comme en témoigne la grande grève du 29 janvier 2009, est de plus en plus forte.
Portrait.
Brice Hortefeux est né le 11 mai 1958, à Neuilly-sur-Seine. Il est issu d'une famille aisée. Son père était banquier et sa mère professeur d'histoire-géographie. Il fait des études de droit privé et obtient en 1984 une maîtrise. Il entre à l'Institut d'études politiques de Paris. Avant de finir ce cursus, il est reçu au concours externe d'Administrateur territorial en 1986.
Il s'implante depuis 1986 en Auvergne où il exerce la fonction d'administrateur régional jusqu'en 1993. En 1992, il débute sa carrière politique et devient membre du Conseil régional d'Auvergne. Il a été conseiller régional, président de la commission des finances et rapporteur du budget du Conseil régional. En 2004, aux élections européennes, il est chef de la liste obtenant le meilleur score national de l'UMP (20% des suffrages). Il espère ainsi aux prochaines élections municipales briguer la mairie de Clermont-Ferrand, bastion de la gauche.
Dès 1976, il fait la connaissance de Nicolas Sarkozy, lors d'une réunion publique, au Palais des congrès à la porte Maillot. Depuis, leur amitié semble indéfectible. Brice Hortefeux fut le témoin du premier mariage du président de la République et parrain de l'un de ses fils. Seul bémol à ce lien : Cécilia Sarkozy qui ne semble pas l'apprécier autant que son mari.
Depuis le début, Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, que l'on dit travailleur, méthodique et très rigoureux, préparent ensemble toutes les campagnes électorales et surmontent les échecs. Entre 1993 et 1995, quand il est ministre du Budget et porte-parole du gouvernement, Nicolas Sarkozy propose le poste de chef de cabinet à son ami. Ensemble, ils essuient la défaite de leur candidat à l'élection présidentielle, Edouard Balladur.
En 1995, Brice Hortefeux est nommé préfet, chargé d'une mission de service public relevant du gouvernement. Par la suite, il est chargé de mission au cabinet du président du Sénat entre 1998 et 1999. Quand Nicolas Sarkozy revient de nouveau au gouvernement en 2002, en tant que ministre de l'Intérieur, il collabore avec Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. En 2003, celui-ci publie un livre, Jardin à la française, dans lequel il propose différentes mesures pour réformer l'Etat, notamment en simplifiant l'administration et en réduisant à 12 le nombre de ministères. Nicolas Sarkozy semble avoir entendu ce conseil puisque le gouvernement de François Fillon est constitué de 15 ministères.
Tandis que Brice Hortefeux était persuadé d'accéder au ministère de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy préfère lui donner un poste à hauts risques et qui a créé de vives polémiques au cours de la campagne électorale : celui de ministre de l'Immigration. Le président de la République, selon son ami Jean-François Copé, « compte sur lui pour incarner la dimension nouvelle et originale de son gouvernement ». Les débuts ont été particulièrement houleux. Le ministre a dû faire face à plusieurs résistances : les historiens de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration ont démissionné de façon collective, certains membres du personnel d'Air France ont refusé l'embarquement de sans-papiers. Pour mener à bien une politique ambitieuse, Nicolas Sarkozy lui a demandé de communiquer davantage sur les projets notamment ceux relevant du co-développement.
Comme le président le lui a demandé, Brice Hortefeux a donc fait en sorte de développer l'immigration économique au détriment de l'immigration familiale. Tandis que l'immigration de travail représente 14% des entrées dans le pays, l'immigration familiale a baissé de 10% en 2007. Toutefois, ces chiffres ne tiennent pas compte du fait que les travailleurs issus des pays de l'Est sont jusqu'en 2008 considérés comme des immigrés mais seront ensuite soumis au même règlement que les ressortissants de l'Union européenne et pourront donc circuler et travailler librement sans carte de séjour.
En terme d'expulsions, le ministre a dépassé les objectifs qu'il s'était fixés : en 2008, 29 796 immigrés clandestins ont été reconduits à la frontière au lieu des 28 000 prévus. Il a aussi encouragé les retours volontaires qui s'élèvent en 2008 à 10 072, soit plus du tiers des retours vers le pays d'origine. Pour permettre ces retours volontaires, Brice Hortefeux a signé avec huit pays d'Afrique des accords de gestion concertée : la France fixe un quota de visas tandis que les pays d'origine s'engagent à faciliter le retour de leurs ressortissants en situation irrégulière.
Son action à la tête de ce ministère a soulevé de nombreuses polémiques : certains critiquent la manière dont les immigrés clandestins sont reconduits à la frontière, d'autres dénoncent la réalité des chiffres avancés par le ministre.
Le 15 janvier 2009, Brice Hortefeux est nommé ministre du Travail à la place de Xavier Bertrand. Parallèlement, il est élu vice-président de l'UMP. Ce changement d'affectation va permettre à ce proche de Nicolas Sarkozy d'élargir ses compétences et de changer de registre. Coincée dans son costume répressif de ministre de l'Immigration, Brice Hortefeux compte au contraire appliquer une politique d'ouverture et de dialogue avec les syndicats. Telles sont ses promesses le jour de son arrivée dans son nouveau ministère. Toutefois, sa mission ne sera pas facile à défaut d'un changement de politique économique. La journée de grève du 29 janvier 2009 apporte un aperçu de l'ampleur de la tâche de Brice Hortefeux pour rétablir le dialogue social avec les syndicats.
Quand Hortefeux était ministre de l'immigration...
- L'autre bilan de Brice Hortefeux : des chiffres gonflés, une politique à 500 millions d'euros
- Immigration : Brice Hortefeux s'arrange avec les statistiques pour faire du chiffre
- Quand Hortefeux et Amara se retrouvent chez un employeur de clandestins
- Brice Hortefeux régularise en priorité les domestiques du XVIe arrondissement de Paris
- Politique d'immigration : du quota de travailleurs au quota d'expulsés
- En 2007, la classe politique se déchirait sur l'usage des tests ADN
- Identité nationale, préférence nationale : un vocabulaire d'extrême droite
- Le difficile redécoupage ministériel entre Kouchner, Hortefeux et Alliot-Marie
_____________________________________________________
Quiz : Où sont passés les électeurs du Front National ?