Revue de presse · 19 fév. 2009 à 18:16
Jeudi 5 février 2009, Nicolas Sarkozy avait détaillé les mesures prises par son gouvernement pour faire face à la crise financière. L'émission, intitulée "Face à la crise", avait été retransmise sur trois chaînes hertziennes (TF1, France 2 et M6) et suivie par près de 15 millions de téléspectateurs. A l'issue d'un exercice toujours difficile, le président de la République semblait satisfait de sa prestation jusqu'à ce que sa côte de popularité connaisse un nouveau dévissage 48 heures après. Moins de deux semaines après l'émission "Face à la crise", Nicolas Sarkozy a donc décidé de s'exprimer à nouveau à la télévision à l'issue de la table-ronde avec les syndicats. Deux interventions télévisées en moins de semaines, de nouvelles mesures annoncées quasiment quotidiennement, la communication de Nicolas Sarkozy n'est-elle pas en train de s'emballer ?
- Bakchich : Sarkozy joue à l'Euromillion
- Rue89 : Nicolas Sarkozy impose son plan social aux syndicats
- Le Monde : 2,6 milliards d'euros ciblés sur les ménages modestes et les victimes du chômage
Retransmise sur trois chaînes de télévision le 5 février 2009, l'interview du président de la République, en direct de l'Elysée, a été suivie par près de 15 millions de téléspectateurs. Au cours de l'émission, le chef de l'Etat a usé de son arme favorite : le bon sens. Etre capable de convaincre le téléspectateur qu'il fait simplement preuve de pragmatisme. Plusieurs mesures ont ainsi été annoncées :
- L'Etat n'a donné qu'aux banques ? Le président de la République répond que ça n'a pas coûté un seul centime aux contribuables et que cela va même rapporter environ 1,5 milliard d'euros en 2009, somme qui sera intégralement consacrée à des dépenses sociales, a-t-il promis.
- Les autres entreprises sont également en difficulté ? Il propose la suppression de la taxe professionnelle qui est une charge sur la production.
- La mondialisation a abouti à un déséquilibre entre les revenus du capital et ceux du travail ? Le président de la République propose la règle des trois tiers dans les entreprises pour la répartition des profits : 1/3 pour l'actionnaire, 1/3 pour les investissements, 1/3 pour le salarié, réglant ainsi une partie du problème du pouvoir d'achat des ménages.
- Les classes moyennes sont les plus touchées ? Il propose de supprimer la première tranche de l'impôt sur le revenu.
Quinze jours après l'émission qui était censée être une réponse à la grève générale du 29 janvier 2009, Nicolas Sarkozy a reçu les syndicats pour faire de nouvelles propositions. Avant même la réunion, le journal Le Monde avait détaillé les mesures, laissant penser que tout était décidé d'avance. Quatre mesures principales ont été annoncées, venant compléter les annonces faites le 5 février 2009 :
- Meilleure indemnisation du chômage partiel : Le taux d'indemnisation du chômage partiel va être porté de 60% à 75% du salaire brut.
- Aides pour ceux qui ont des CDD qui n'ont pas été reconduits : Les chômeurs qui auront travaillé au moins deux mois (et non plus quatre) au cours des vingt-huit derniers mois bénéficieront d'une prime exceptionnelle de 500 euros.
- Réduction provisoire de l'Impôt sur le revenu pour les ménages les plus modestes. Les deuxième et troisième tiers provisionnels de l'impôt sur le revenu sont supprimés en 2009 pour les ménages figurant dans la première tranche d'imposition.
Quatre millions de ménages sont ainsi concernés. Par ailleurs, sera versée dès juin une prime exceptionnelle de 150 euros aux trois millions familles qui bénéficient de l'allocation de rentrée scolaire.
- Partage des richesses au sein de l'entreprise : Nicolas Sarkozy avait proposé d'appliquer la règle des trois tiers : 1/3 pour l'actionnaire, 1/3 pour les investissements, 1/3 pour le salarié. Il renvoie la discussion aux partenaires sociaux. Aucun engagement n'a été pris.
En intervenant à deux reprises à la télévision, Nicolas Sarkozy montre qu'il est très réactif face à la crise et attentif aux craintes sociales qui s'expriment depuis plusieurs semaines. Dans le même temps, l'improvisation de sa deuxième intervention télévisée reflète une certaine fébrilité du pouvoir. Le plan de relance de 26 milliards d'euros consacré aux entreprises (et dont nous avons relevé la part de bluff) a été mal perçu par une opinion publique qui a le sentiment d'être délaissée, le pouvoir rejetant toute relance par la consommation. L'émission du 5 février 2009 avait pour but de rectifier le tir. Nicolas Sarkozy avait annoncé 1,4 milliard d'euros de dépenses sociales. Finalement, lors de son allocution du 18 février 2009, il a annoncé 2,6 milliards d'euros d'effort supplémentaire.
Cette hyperactivité médiatique pose deux problèmes. Tout d'abord, en multipliant les annonces, le chef de l'Etat brouille une partie de son message. Comment l'opinion peut-elle intégrer les mesures évoquées quand moins de deux semaines après, le chef de l'Etat en évoque d'autres sur le même thème ? Mais surtout, cette hyperactivité pose un problème aux journalistes : comment prendre le temps d'enquêter sur la réalité des annonces quand le pouvoir présente autant de mesures en si peu de temps ?
Comme souvent avec Nicolas Sarkozy, le diable se cache dans les détails. Entre la présentation d'une mesure et la réalité de la réforme, il y a souvent un décalage. Difficile pour la presse de faire ce travail d'analyse si elle compte suivre le rythme de ces annonces.
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A Politique.net, nous avons donc décidé d'analyser dans le détail toutes les annonces faites par Nicolas Sarkozy à la télévision le 5 février 2009 et le 18 février 2009 pour analyser le décalage (ou pas) entre l'annonce et la réalisation. Nous l'avons déjà fait en expliquant comment le chef de l'Etat avait menti sur la nomination du PDG de France Télévisions. Demain, nous publierons un nouveau volet de cette mini-série à propos de la règle des trois tiers dans le partage des richesses. Une promesse faite par Nicolas Sarkozy, mais qui est intenable.