Revue de presse · 25 fév. 2009 à 17:38
L'affaire est complexe et paraît éloignée des inquiétudes sociales de l'opinion. Après un plan de relance de 26 milliards d'euros à destination des entreprises et un plan de sauvetage des banques de 360 milliards d'euros, l'Etat va procéder à la fusion de deux banques privées - les Caisses d'épargne et les Banques populaires - et s'apprête à nommer un proche conseiller de Nicolas Sarkozy à la tête de ce qui deviendra la deuxième banque du pays, derrière BNP-Paribas. Dans son édition du 25 février 2009, le Canard Enchaîné raconte les coulisses de ce coup de force.
- Le Canard Enchaîné : L'histoire du coup de force de l'Elysée (voir la Une)
- Mediapart : L'Ecureuil et les Banques populaires sombrent
- Arrêt Sur Images : La polémique Pérol dans la presse internationale
Depuis plusieurs mois, les Caisses d'épargne et les Banques populaires négocient afin d'aboutir à une fusion. Celle-ci apparaît nécessaire car les deux banques sont dans une situation difficile. Comme l'a révélé le site d'information Mediapart, "les deux grands établissements que sont les Caisses d'épargne et les Banques populaires, ainsi que la banque d'investissement Natixis, qui est leur filiale commune, vont annoncer pour 2008 des pertes historiques. Celles-ci approcheront 2 milliards d'euros dans le premier cas; environ 300 millions d'euros dans le deuxième cas, et elles atteindront un montant faramineux compris entre 2,5 et 3 milliards d'euros dans le troisième cas".
Pour masquer ces pertes colossales, l'Etat a donc cherché à faciliter une fusion qui donnera naissance à la deuxième banque du pays en estimant que cette annonce valait mieux que l'annonce de pertes colossales de deux banques françaises. L'effet sur l'opinion de ces deux informations n'est pas le même.
Dans son édition du 25 février, le Canard Enchaîné raconte les coulisses de ce coup de force. Alors que les discussions sur la fusion entre les Banques populaires et les Caisses d'épargne s'éternisaient, le conseil d'administration de l'écureuil s'est opposé à l'entrée de l'Etat dans le capital de la banque au cours d'une réunion, jeudi 19 février. Aussitôt, le secrétaire général adjoint de l'Elysée, François Pérol, convoque les dirigeants des deux banques pour leur annoncer que l'Etat va bien entrer dans le capital de la nouvelle entité, à hauteur de 20%.
Interrogé par le Canard Enchaîné, Claude Guéant a expliqué les raisons de ce coup d'accélérateur : "C'était l'horreur : depuis des mois, les deux établissements affirmaient vouloir se marier mais n'arrêtaient pas de se tirer dans les pattes et de se faire des coups bas. On leur a fait comprendre qu'il fallait maintenant un management fiable qui ne mette pas en danger le nouveau groupe".
Au cours de la réunion, les dirigeants des deux banques ont eu le droit à un scoop de la part de François Pérol en personne : "Désormais, le patron, c'est moi !". Un témoin de la réunion raconte que les deux dirigeants "étaient estomaqués et livides en sortant de l'Elysée".
Au passage, l'Etat, qui a imposé une fusion au forceps, compte réaliser une bonne opération financière. Son entrée dans le capital va s'élever à 5 milliards d'euros, "qui seront rémunérés par un dividende garanti d'environ 10%, payables quels que soient les résultats de l'entreprise (...) et si la maison mère ne peut pas payer ces intérêts faramineux, ce sont les caisses régionales qui devront mettre la main à la poche".
L'affaire est étonnante à plus d'un titre. Car non seulement l'Etat a forcé la main pour que deux banques privées fusionnent, mais il va imposer comme directeur de ce nouvel ensemble, François Pérol, le secrétaire général adjoint de l'Elysée. De là à y voir une mainmise de l'Elysée sur la future deuxième banque du pays...
Cette nomination est d'autant plus surprenante qu'elle frise l'illégalité. Le site d'information Mediapart a expliqué que cette nomination était contraire au décret du 26 avril 2007 et à l'article 433-13 du code pénal qui interdisent, durant un délai de trois ans, à tous "fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé leurs fonctions" de travailler dans une entreprise qu'ils contrôlaient. Pour couper court à cette polémique, Nicolas Sarkozy a affirmé que la commission de déontologie avait donné son accord. Or, aux dernières nouvelles, cette commission n'a rendu aucun avis puisque la prochaine réunion n'est prévue que le 11 mars 2009. Pour réparer la bourde du président, l'Elysée a fait savoir que les membres de la commission avaient été contactés de manière informelle et avaient donné leur accord de principe. Quoi qu'il en soit, ce mélange des genres entre politique et milieu bancaire fait la Une des journaux, et notamment de la presse internationale, comme l'a relevé Arrêt Sur Images.
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