Annonce de la suppression de la taxe professionnelle : Nicolas Sarkozy est allé un peu vite

Télévision · 6 mar. 2009 à 17:03

Taxe professionnelle

Au cours de l'émission du 5 février 2009, Nicolas Sarkozy a fait une proposition très concrète pour aider les entreprises en difficulté à cause de la crise financière. Il a promis la suppression de la taxe professionnelle. Cette taxe est calculée en fonction du montant des investissements matériels des entreprises, de la valeur des locaux de l'entreprise et de la valeur ajoutée de sa production. Elle est considérée comme un frein au développement économique puisqu'elle taxe la production. Nicolas Sarkozy a donc annoncé sa suppression, dès 2010. Selon le président de la République, il y aura un manque à gagner de 8 milliards d'euros pour les collectivités locales qui perçoivent en grande partie cette taxe. L'Etat s'est engagé à trouver une recette de substitution.


La démonstration de Nicolas Sarkozy est donc limpide. Les entreprises sont en difficulté, il leur supprime donc un impôt, celui qui pèse sur la production. L'Etat va aider les collectivités locales qui percevaient cet impôt en créant un autre, dont les modalités de prélèvement restent à déterminer. Le principe est clair. Sauf que cette annonce faite devant 15 millions de téléspectateurs a été un peu prématurée. Non seulement le chiffre de 8 milliards d'euros n'est pas le bon, mais la taxe professionnelle ne va pas vraiment être supprimée.



Lors de l'émission du 5 février 2009, Nicolas Sarkozy a utilisé son arme favorite : le bon sens. Etre capable de convaincre le téléspectateur qu'il fait simplement preuve de pragmatisme, que tout va de soi. La logique est imparable, la mécanique du raisonnement est bien huilée. Le discours est cohérent et les arguments de « bon sens » s'enchaînent. Mais comme souvent avec Nicolas Sarkozy, le diable se cache dans les détails. Entre la présentation d'une mesure et la réalité de la réforme, il y a souvent un décalage. Décryptage en 6 volets.

Mini-Série 4/6 : La taxe professionnelle va être supprimée... enfin pas tout à fait

Sarkozy, le 5 février 2009

L'annonce de la suppression de la taxe professionnelle

Annonce faite par Nicolas Sarkozy au cours de l'émission du 5 février 2009 :

Sarko Taxe

"Je veux qu'on arrête les délocalisations, et que si possible on relocalise. Les dirigeants de ces grands groupes [de l'automobile], ce sont des gens compétents et honnêtes, et des industriels, moi je suis passionné par l'industrie et je trouve que c'est extrêmement noble. Ils me disent : "mais vous comprenez, pour construire la même voiture, en Tchéquie (l'Union Européenne) et en France, c'est 1000 euros de différence et dans ces 1000 euros, il y en a un tiers qui est représenté par la taxe professionnelle, qui est un impôt qui n'existe nulle part ailleurs en Europe. Je vous l'annonce : On supprimera la taxe professionnelle en 2010 parce que je veux qu'on garde des usines en France".


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Laurence Ferrari

"Monsieur le président, comment est-ce que vous allez compenser le manque à gagner à propos de cette taxe professionnelle ?"


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Sarko Taxe

"Je vais engager un ensemble de discussions, puisqu'on a le temps, c'est en 2010, avec les associations d'élus locaux, il y a des possibilités, autour de la taxe carbone, notamment, nous verrons".


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David Pujadas

"Vous avez chiffré le coup de la mesure ?"


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Sarko Taxe

"Oui, c'est 8 milliards. C'est 8 milliards d'euros."

Qu'est-ce que la taxe professionnelle ?

La taxe professionnelle a été créée en juillet 1975. Elle est perçue dans toutes les communes où l'entreprise dispose de locaux, ou de terrains, et est calculée à partir de l'investissement, du parc foncier et de la valeur ajoutée des entreprises.
La taxe concerne les personnes physiques ou morales qui exercent une activité professionnelle non salariée en France même s'il existe de nombreuses exonérations : certains artisans ou professionnels de la culture (auteurs, peintres, photographes) n'ont pas à la payer.

La réalité des chiffres, la suppression n'aura pas vraiment lieu

En 2008, la taxe professionnelle a rapporté 29,7 milliards d'euros. Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il énoncé le chiffre de 8 milliards ?
En réalité, l'application de la mesure va être beaucoup plus compliquée que ce que le président de la République a énoncé. Seule la part des équipements et des biens matériels sera supprimée, ce qui constitue 80% de la taxe. Le reste de la taxe, c'est-à-dire la partie foncière, sera maintenu. La taxe professionnelle ne va donc pas être supprimée totalement.
Par ailleurs, sur les 30 milliards d'euros, 7 milliards sont financés par des cotisations minimales. La ministre de l'économie, Christine Lagarde, a annoncé que ces cotisations seront maintenues. Sur les 22 milliards d'euros restant, l'Etat prend à sa charge 12 milliards d'euros en raison des multiplies exonérations. Quand l'Etat décide que les peintres n'ont pas à payer cette taxe, l'Etat compense lui-même le manque à gagner en versant l'équivalent aux collectivités locales.
Dans les faits, il reste donc 11 milliards d'euros à compenser si l'Etat décide de supprimer l'impôt. Et sur ces 11 milliards d'euros, selon l'Express, l'Etat va récupérer 3 milliards d'euros en raison de la hausse automatique de l'impôt sur les sociétés (puisqu'elles auront moins de charges à déduire). Il resterait donc 8 milliards d'euros, ceux annoncés par le président de la République. Mais l'association des maires de France conteste ces chiffres et considère que le manque à gagner sera beaucoup plus élevé.

Une nouvelle fois, la mesure annoncée était censée relever du bon sens mais la réalité de son application est quelque peu différente.

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