breve · 7 mar. 2009 à 18:08
Si on nous avait dit qu'un jour, nous serions amenés à rédiger un article à propos de Sophie Marceau sur Politique.net... Nous vous en parlions le 5 mars 2008.
L'actrice Sophie Marceau était invitée du journal de TF1 lundi 03 mars 2008 pour parler de son film "Les femmes de l'ombre" qui se déroulait pendant la seconde guerre mondiale. Dans les coulisses du journal, elle avait appris qu'elle devait passer après Jean-Marie Le Pen, invité dans le cadre des élections municipales. La réaction de la comédienne avait été immédiate : elle avait quitté le plateau, refusant de participer à une même émission que le leader d'extrême droite.
Sophie Marceau ne s'était pas exprimée après son départ précipité. Elle avait simplement fait savoir qu'elle ne se voyait pas participer à ce journal pour parler de la Seconde guerre mondiale, après l'intervention de Jean-Marie Le Pen.
Robert Namias, le directeur de l'information de TF1, avait réagi en expliquant que Le Pen était un responsable politique comme les autres et que PPDA n'avait pas à prévenir l'actrice de la venue du leader d'extrême droite. Dans une vidéomise en ligne sur le site de TF1, il s'était justifié : "Au nom de quoi, nous aurions prévenu Sophie Marceau de la venue de Jean-Marie Le Pen ? Honnêtement, imaginons que ce soit avec François Bayrou ou demain avec François Hollande, est-ce que vous me poseriez la même question ? D'abord, est-ce qu'elle serait partie ? Or, encore une fois, c'est son choix mais nous, nous n'avons pas de suspicion particulière à l'égard de tel ou tel invité fut-il Jean-Marie Le Pen. Pourquoi voulez-vous qu'on fasse une différence entre Jean-Marie Le Pen et les autres invités ?"
Jean-Marie Le Pen avait lui aussi réagit, au micro d'Europe 1 : "Moi, j'ai été un grand résistant au contraire de beaucoup et je n'ai pas de leçons à recevoir venant de cette dame. Ce sont toujours ceux et celles qui en font des tonnes qui ont quelque chose à cacher. C'est pour cela que je vais chercher dans les antécédents de Mme Marceau et voir si elle a le nez si propre que ça".
A l'époque, les commentateurs avaient ironisé sur le départ précipité de l'actrice, mettant cette péripétie sur le compte de son excentricité habituelle. En réalité, derrière cette petit polémique médiatique se posait une question essentielle : Jean-Marie Le Pen est-il un responsable politique comme les autres ?
Depuis son accession au deuxième tour de la présidentielle de 2002, Jean-Marie Le Pen jouit d'une nouvelle respectabilité. Il est considéré comme un homme politique comme les autres. Il est donc invité dans toutes les émissions. La plupart des journalistes ont donc tranché : Jean-Marie Le Pen est un homme politique comme les autres.
Revenons au cas de Sophie Marceau. La présence de Jean-Marie Le Pen était-elle légitime ? Assurément oui, la chaine TF1 a le droit d'inviter qui elle veut. Jean-Marie Le Pen est arrivé quatrième à l'élection présidentielle, il fait partie de la vie politique depuis plus de trente ans. Etait-il normal d'inviter Le Pen et Sophie Marceau dans un même journal ? Là encore, la réponse est oui. Un journal est composé de différentes séquences : politique, économie, international, société, cinéma, etc. Les sujets défilent, tous très différents, c'est la règle de n'importe quel journal, télévisé, radio, papier ou internet.
Seulement voilà, vous êtes sur le point de parler d'un film sur la Seconde Guerre mondiale. Peu importe la qualité de ce film plus grand public qu'historique (les critiques avaient été très mitigées), vous allez forcément évoquer sur le plateau de TF1 la Seconde guerre mondiale, la résistance, le nazisme, l'occupation. Et puis soudain, vous réalisez que vous allez prendre la parole juste après Jean-Marie Le Pen, leader d'extrême droite dont les dérapages sur la Seconde Guerre mondiale lui ont valu plusieurs condamnations.
Sophie Marceau a eu la délicatesse de partir. C'est son choix, et c'était le bon.
1. "Durafour crématoire", "Chambre à gaz, détail de l'histoire".
Condamnation pour incitation à la haine raciale : amende de 150 millions de centimes de francs.
> Extrait de l'article "Le Pen et les médias"
2. Le Pen et le lobby juif.
En mars 2007, l'ancien Premier ministre Raymond Barre, au cours d'une interview surréaliste, avait défendu Maurice Papon et dénoncé le lobby juif. Jean-Marie Le Pen en a ensuite rajouté : il a déclaré qu'il partageait son avis sur le lobby juif. Maurice Papon ne serait qu' « un bouc émissaire » puisqu'il n'était que « sous-préfet ». Ainsi, selon Le Pen, « juger toute la politique de l'occupation française en la personne d'un sous-préfet, ça (...) paraît un peu léger ». Pour rappel, Maurice Papon a été condamné pour complicité de crimes contre l'humanité.
> Extrait de l'article "Le Pen et les médias"
3. En 1996, Le Pen croit en l'inégalité des races.
Septembre 1996, Jean-Marie Le Pen s'exprime lors d'un meeting : « à la question d'un journaliste : « croyez-vous en l'inégalité des races ? », j'ai répondu oui parce que cela me paraissait évident, comme d'ailleurs cela paraît évident à l'immense majorité des Français ».
> Extrait de l'article "Le Pen dans le texte : retour sur un reportage, 10 ans après"
4. Quand Le Pen reprend la politique de Pétain en 1940.
Etre naturalisé français, selon lui, n'est pas synonyme d'être français, il ne s'agit que d'être « français de papier ». Le meilleur exemple à ses yeux est l'abondance de joueurs noirs dans l'équipe française : ceux-ci auraient obtenu une « naturalisation de complaisance ». Et ceux qui se disent français comme Desailly ou Djorkaeff par exemple, ils ont des origines étrangères. Ce ne sont donc pas de « vrais français ». Pour Le Pen, l'essentiel est donc le sang. Il propose donc « de réexaminer les conditions de naturalisation accordées depuis 1974 ».
Il n'y a qu'un précédent dans l'histoire de France : en 1940, Pétain s'est chargé, de sa propre initiative, de réexaminer les nationalités françaises accordées entre 1927 et 1940.
> Extrait de l'article "Le Pen dans le texte : retour sur un reportage, 10 ans après"
5. Le Pen et la torture en Algérie (1954-1962)
Jean-Marie Le Pen a fait l'objet de plusieurs enquêtes sur son passé en tant que chef d'armée en Algérie. Dans les années 1960 déjà, l'historien Pierre Vidal-Naquet a démontré qu'il était impliqué dans des actes de torture. Jean-Marie Le Pen a attaqué en justice ceux qui ont dénoncé ses actes de torture et a été débouté à chaque fois. En 2001 notamment, la Cour de cassation a relaxé Michel Rocard qui avait accusé à la télévision, en 1992, Jean-Marie Le Pen d'avoir torturé des Algériens, estimant qu'il s'en était simplement tenu à informer les téléspectateurs. Quelques mois plus tard, la Cour de Cassation a relaxé Pierre Vidal-Naquet considérant qu'un travail de fond avait été mené et que Jean-Marie Le Pen n'était en aucun cas victime de diffamation. Enfin, le président du Front national a attaqué Le Monde suite à la publication de deux articles parus en 2002 sur le même sujet. La Cour a relaxé le journal reconnaissant que certains faits établis paraissent crédibles.
Ainsi, il a été prouvé par la journaliste du Monde, Florence Beaugé, que Jean-Marie Le Pen a pratiqué la torture entre 1954 et 1962 quand il était engagé dans l'armée française pendant la guerre d'Algérie. Tandis qu'il est député poujadiste, le lieutenant Le Pen s'est engagé volontairement en Algérie en janvier 1957. Il devient alors chef de section d'une compagnie d'appui au 1er régiment étranger de parachutistes. Au cours de son enquête, Florence Beaugé a recueilli des témoignages de victimes de la torture et des tortionnaires prouvant l'implication de Jean-Marie Le Pen dans les actes de torture. Au tribunal, Le Monde a présenté un poignard, sur le fourreau était écrit : « J.M. Le Pen 1er REP ». Le journal était en possession de ce poignard grâce à Mohammed Cherif Moulay, le fils d'Ahmed Moulay, haut responsable politico-militaire du FLN. Il aurait trouvé l'arme dans la maison où son père avait été torturé à mort en présence de Jean-Marie Le Pen, dans la nuit du 2 au 3 mars 1957. Lors de son audience, Mohammed Cherif Moulay a raconté comment son père avait été torturé puis criblé de balles.
Contrairement à ce qu'il essaie de dire à présent, Jean-Marie Le Pen lui-même a avoué avoir eu recours à la torture. En 1957, à la tribune de l'Assemblée nationale et en 1962 dans un entretien accordé au journal Combat, il a justifié cette pratique en déclarant : « J'ai torturé parce qu'il fallait le faire ».
> Extrait de l'article "Lepen2007.com est redirigé vers un site sur la torture pendant la guerre d'Algérie"
_____________________________________________________
Retrouvez chaque semaine notre rubrique "Il y a un an" dans notre hebdo "La Semaine Politique"