Enquête · 20 mar. 2009 à 23:14
Tous les matins, à 8h30, se tient une réunion dans le salon vert, à l'Elysée, autour de Nicolas Sarkozy. C'est la réunion la plus importante de la journée, là où se prennent toutes les décisions. Nicolas Sarkozy y définit la stratégie du pouvoir à l'aide de douze conseillers. C'est le gouvernement bis. Autour de la table, on trouve Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, Henri Guaino, la plume du président, Catherine Pégard, l'ancienne rédactrice en chef du Point, conseillère politique, Emmanuelle Mignon, la conseillère spéciale, Jean-David Levitte, conseiller diplomatique, Cédric Goubet, chef de cabinet, Raymond Soubie, conseiller social, Jérôme Peyrat, conseiller politique, Patrick Ouart, conseiller à la justice et Franck Louvrier, conseiller en communication. Il y avait également François Pérol, remplacé depuis deux semaines par Xavier Musca. Certains s'expriment dans les médias, d'autres restent dans l'ombre. Tous ont la confiance du président. Portraits de ce gouvernement de l'ombre.
Série 5/12 : Jean-David Levitte, le véritable ministre des Affaires étrangères
Jean-David Levitte est né le 14 juin 1946 à Moissac dans le Tarn. De ses deux parents, il a des origines douloureuses. Son père est un immigré juif russe. Sous Vichy, il connaît de nouveau la terreur antisémite et pour conjurer le sort, dès 1940, il s'occupe d'un foyer d'enfants juifs abandonnés. Il tente de les faire passer clandestinement en zone libre. Il est également professeur d'hébreu et de religion. Ses grands-parents, eux, sont morts dans les camps, à Auschwitz. Du côté maternel, la famille afrikaner s'est installée au Mozambique. Après avoir fait du droit, il intègre l'Institut d'études politiques de Paris et étudie parallèlement le chinois, le malais et l'indonésien, à l'École nationale des langues orientales vivantes. En 1970, il obtient le concours de recrutement de Secrétaire des affaires étrangères.
Dans les années 1970, Jean-David Levitte se spécialise dans les questions orientales. Il est alors ambassadeur à Pékin et travaille au bureau Asie-Océanie du Quai d'Orsay. Par la suite, il devient représentant permanent de la France auprès des Nations unies à Genève puis devient conseiller diplomatique et sherpa du président de la République, Jacques Chirac entre 1995 à 2000.
Pendant cinq ans, il est ambassadeur à Washington, poste clé puisqu'il joue un rôle très important dans les relations entre la France et les Etats-Unis au moment de la guerre en Irak. Prenant à coeur les attaques des Américains à l'égard de son pays parce qu'il refuse de les soutenir dans le conflit qui les oppose aux Irakiens, Jean-David Levitte multiplie les communiqués pour dénoncer les insultes antifrançaises. Le Monde rapporte qu'il s'est souvent servi de l'histoire de son père pour montrer aux Américains combien les Français ont su sauver des vies pendant l'Occupation, refusant d'obéir pour certains aux injonctions du Maréchal Pétain. Il va plus loin en publiant le 17 mars 2003 une lettre ouverte où il dénonce « la campagne de désinformation » contre la France », le Washington Times ayant annoncé que le France avait donné des passeports à Saddam Hussein. Depuis cette lettre qui a fait grand bruit, les rumeurs et insultes ont peu à peu cessé. Jean-David Levitte est respecté aux Affaires étrangères.
Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy compte bien nommer Jean-David Levitte à l'Elysée pour devenir son conseiller diplomatique comme il le fut jadis pour Jacques Chirac. Le Monde rapporte qu'il est parvenu à « devenir la figure emblématique de la diplomatie française. Le diplomate des diplomates », au point d'être surnommé « Diplomator ». Diplomate, il le serait dans tous les sens du terme, attirant la critique de ceux qui n'apprécient guère celui qui collabore pour différents personnages depuis si longtemps (voir le JDD).
Nicolas Sarkozy et Jean-David Levitte veulent rompre avec la politique trop immobiliste du couple Chirac-Villepin. Pour commencer, ils veulent rapprocher la France des Etats-Unis et d'Israël. Ils veulent également revenir dans les structures intégrées de l'OTAN...
Toutes ces orientations élaborées par Jean-David Levitte laissent dès lors peu de place au ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Les deux hommes ne s'entendent pas, et pour cause : par son influence, Jean-David Levitte est souvent considéré comme le véritable ministre des Affaires étrangères.