Nathalie Kosciusko-Morizet "sait comment faire" pour contourner la loi sur le téléchargement illégal

breve · 24 mar. 2009 à 16:57

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Les jours de Nathalie Kosciusko-Morizet au gouvernement sont-ils comptés ? La question peut surprendre mais l'affaire des deux versions de son interview au Figaro.fr pourrait bien lui coûter chère. Le 20 mars dernier, la secrétaire d'Etat à l'économie numérique accordait une interview au Figaro.fr dans laquelle elle donnait son point de vue sur le projet de loi "Création & Internet" qui prévoit la création d'une haute autorité "Hadopi" chargée de sanctionner le téléchargement illégal.


Très critiquée, cette loi défendue par Christine Albanel s'appuie sur le principe de la riposte graduée : détecter les internautes qui téléchargent illégalement, leur envoyer un mail d'avertissement une première fois, puis couper leur accès à internet s'ils continuent.


Ce projet de loi a été préparé par le ministère de la Culture. Curieusement, la secrétaire d'Etat à l'économie numérique n'y a pas été associée. La semaine dernière, Nathalie Kosciusko-Morizet s'est donc exprimée sur ce projet de loi en faisant preuve de beaucoup de prudence. Mais l'interview mise en ligne sur leFigaro.fr avait été relue et modifiée. Le journaliste du Figaro a remis l'interview au cabinet de la secrétaire d'Etat, le texte définitif n'est revenu que 5 heures plus tard. Entre-temps, selon Arrêt Sur Images, le texte est passé par Matignon.

On sait aujourd'hui que la deuxième version est sensiblement différente de la version originale car le site d'information Electronlibre.info, dont le rédacteur en chef est un ancien du Figaro, a pu se procurer la première version de l'interview.

Deux versions de l'Interview

La version publiée sur LeFigaro.fr / La version originale

Interview de NKM

NKM est beaucoup plus critique dans la version originale

Dans cette version originale, NKM est plus critique vis-à-vis du projet de loi de Christine Albanel. Elle souligne d'abord qu'elle n'a pas du tout participé à son élaboration, manière de prendre ses distances avec ce texte : "Cette loi a été préparée avant que j'arrive à ce poste. Mon ministère n'a à aucun moment été associé à sa conception. Depuis, on m'a dit de manière constante qu'elle relevait exclusivement du ministère de la Culture, qui peut avoir une très grande susceptibilité quant à son champ d'action. Il faut comprendre que les arbitrages de la loi ont lieu dans des réunions auxquelles je ne suis pas invitée".

Mais surtout, Nathalie Kosciusko-Morizet a reconnu les limites de cette loi. A la question : "cette loi est-elle applicable ? Sera-t-elle efficace ?, voici ce qu'elle a répondu :
"Comme dans toute loi, et en particulier dans toute loi qui a sa complexité technique, il y a des gens qui passeront aux travers des mailles du filet. Pour l'essentiel, c'est la partie pédagogique de la loi qui s'appliquera. Beaucoup de gens s'arrêteront de télécharger après avoir reçu un premier avertissement par mail. Cela étant, il y aura évidemment des gens assez forts pour masquer leur adresse IP et échapper aux contrôles. Moi-même je sais comment faire !"

Comparaison des deux versions effectuée par Arrêt Sur Images

@si - NKM et LeFigaro

Qui a organisé les fuites ?

Les interviews des responsables politiques sont souvent "relues et amendées". Mais un accord tacite unit le journaliste et le responsable politique : seule la version modifiée doit être publiée. Cette fois-ci, un site d'information s'est procuré la première version.
Qui a organisé les fuites ? Selon le journaliste du Figaro qui a accordé une interview au Post.fr, la fuite vient probablement du cabinet de la secrétaire d'Etat. NKM était déterminée à prendre ses distances avec le texte sur l'Hadopi qu'elle n'avait pas préparé. Mais le texte relu par son cabinet et par Matignon ne faisait plus mention de ses réserves. La secrétaire d'Etat avait donc tout intérêt à ce que la première version, non édulcorée, soit connue.

Si elle est effectivement à l'origine de la fuite, il s'agit d'un geste de défiance à l'égard du Premier ministre, François Fillon. Celui-ci surveille de près sa secrétaire d'Etat depuis ses critiques contre Jean-Louis Borloo et Jean-François Copé lors de l'examen du projet de loi sur les OGM l'année dernière. A l'époque, NKM avait été contrainte de s'excuser et son départ du ministère de l'écologie, quelques mois après, avait été perçue comme une sanction. Visiblement attachée à sa liberté de parole et à son indépendance, NKM est-elle allée trop loin en organisant les fuites de la version originale de l'interview du Figaro.fr ? Réponse au prochain remaniement.

*** Liens

- OGM : comment les députés UMP ont "flingué" Nathalie Kosciusko-Morizet ?
- Ajustement ou vrai remaniement : les changements du gouvernement Fillon 4
- Téléchargement illégal : le gouvernement s'appuie sur des chiffres très approximatifs
- Christine Albanel, portrait d'une ministre de la culture sous les feux des critiques avec le projet de loi Création et Internet

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