Le Canard enchaîné · 31 mar. 2009 à 23:05
La ville de Nice n'organisera pas les Jeux Olympiques d'hiver en 2018. Plusieurs villes étaient sur les rangs et c'est finalement Annecy qui a été retenue pour représenter la France. L'annonce a été faite le 18 mars 2009. Le maire de Nice, Christian Estrosi, a tout tenté pour faire gagner sa ville et n'a pas lésiné sur les moyens. Depuis plusieurs mois, le Canard Enchaîné suit l'histoire de cette candidature.
Retour sur le feuilleton des JO d'hiver à Nice.
[credit photo : www.letuyo.info]
- Christophe Nobili, "Adieu Chamonice", Le Canard Enchaîné n°4613, 25 mars 2009
- C.N, "Chamonice ou l'évocation graphique d'Estrosi", Le Canard Enchaîné n°4604, 21 janvier 2009
- Christophe Nobili, "Estrosi invente la ville de Chamonice", Le Canard Enchaîné n°4603, 14 janvier 2009
Combien coûte une candidature à la candidature pour les Jeux Olympiques ? Le Canard Enchaîné révèle la somme dépensée par le maire de Nice : "Christian Estrosi est vite redescendu de la montagne après la sanction du comité olympique français. Le 18 mars, à peine sa ville était-elle écartée des JO d'hiver 2018 que le député-maire UMP annonçait "réfléchir" aux JO d'été 2024. Mais en attendant ces jours heureux l'heure est au règlement de facture. "808 975 euros précisément"; c'est la douloureuse de la com' olympique d'Estrosi. (...) Le contribuable niçois, qui vient d'essuyer une hausse de 15% des impôts locaux, n'a pas fini de digérer l'aventure Nice 2018".
Si la note paraît salée, c'est tout simplement parce que Christian Estrosi était convaincu que sa ville allait être retenue, la municipalité a donc dépensé en conséquence. Pour s'assurer d'un succès à portée de mains, le maire de Nice a confié la campagne de communication à Havas, dirigé par Vincent Bolloré, à travers l'agence Euro RSCG (Jacques Séguéla aurait aidé la mairie gratuitement). La collaboration avec Vincent Bolloré a même été plus loin, révèle le Canard Enchaîné, puisque la mairie de Nice a payé de nombreux encarts publicitaires dans "DirectNice" lancé le 22 janvier dernier et détenu par... Vincent Bolloré.
Pour bouclier le budget de communication, la ville de Nice a bénéficié du soutien du conseil général des Alpes-Maritimes qui a déboursé, selon l'hebdomadaire, 982 441 euros. Cette somme colossale s'explique certainement par les liens qui unissent le président du conseil général des Alpes-Maritimes et l'actuel maire de Nice.
Les deux hommes se connaissent bien puisque l'actuel président du conseil général était l'ancien bras droit de Christian Estrosi. Et ce dernier a tout fait pour que son numéro 2 lui succède au conseil général comme l'avait raconté le Canard Enchaîné en décembre 2008. Depuis son départ du gouvernement, Christian Estrosi avait prévu de confier la présidence du conseil général des Alpes-Maritimes à son fidèle-lieutenant, le député-maire Eric Ciotti. Sauf que pour prendre la succession de Christian Estrosi, il fallait bien évidemment être membre du conseil général. Le poulain du maire de Nice s'est donc présenté aux cantonales en mars 2008... et a perdu. Mais le maire de Nice a convaincu un conseiller général d'un autre canton de démissionner six mois plus tard pour que son poulain retente sa chance. La deuxième tentative a été la bonne. L'UMP étant majoritaire au conseil général, le bras droit de Christian Estrosi n'a eu aucun mal à être élu président du conseil général.
C'est dans ce contexte que le conseil général a donc consenti à faire un chèque de plus de 900 000 euros pour la candidature de Nice aux Jeux Olympiques d'hiver en 2018.
La mairie de Nice a tout tenté pour obtenir les JO d'hiver, quitte à rajouter quelques montagnes sur une photographie qui figurait en page d'accueil du site Internet de la mairie. C'est le Canard Enchaîné (encore lui) qui avait repéré la supercherie dans son numéro du 14 janvier 2009 : la différence entre les deux photos "est simple comme un coup de Photoshop du maire Christian Estrosi. Ses services, des as de la retouche, n'ont pas lésiné sur le montage grossier. Ils ont utilisé plusieurs photos panoramiques de la ville, prises en hiver et sous des angles différents, qu'ils ont ensuite agrandies, coupées, copiées et collées les unes à côté des autres. Résultat : le massif du Mont-Blanc n'a qu'à bien se tenir !"
La semaine suivante, alors que l'anecdote n'avait été relayée par aucun média, Christian Estrosi a contre-attaqué en faisant une déclaration à l'AFP : "Je suis franchement mécontent. Autant je comprends l'esprit du Canard dans la vie publique, autant là ce n'est pas à une personne mais à une population et à un territoire de près d'un million d'habitants que s'attaque le Canard pour les discréditer". La charge est violente, on comprend alors que l'hebdomadaire satirique a été malveillant et que tout est faux. Pourtant, deux phrases plus tard, le maire de Nice va reconnaître implicitement le trucage : "Nice bénéficie d'une situation exceptionnelle alliant mer et montagne (...) Le photomontage publié sur le site Internet de la ville n'était qu'une évocation graphique de cette proximité réelle ville-montagne". Le maire de Nice a donc inventé le synonyme de "retouche Photoshop" : "évocation graphique".
Au total, la candidature de Nice a quasiment coûté deux millions d'euros... pour rien.
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