Revue de presse · 3 avr. 2009 à 23:09
Quand Nicolas Sarkozy participe au G20 à Londres et au sommet de l'OTAN à Strasbourg, que fait François Fillon ? Il s'est exprimé le 2 avril, lors du 63e congrès de la FNSEA à Poitiers, pour évoquer les enjeux agricoles. Nicolas Sarkozy s'occupe de la crise mondiale, François Fillon des agriculteurs. Rien n'est comparable et l'ironie est facile, mais la différence entre l'agenda du président et celui du Premier ministre illustre l'effacement de François Fillon.
Dans son édition du 02 avril 2009, l'Express titre "Fillon le muet du sérail" et raconte comment le Premier ministre accepte de jouer les seconds rôles. Dans la presse, les semaines se suivent et ne se ressemblent pas puisque le 19 mars, François Fillon faisait la Une de Valeurs Actuelles et était présenté comme une "carte maîtresse" pour l'Elysée.
Qui croire ? A quoi sert François Fillon ?
En lisant Valeurs Actuelles, François Fillon a dû jubiler. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas fait la Une d'un hebdomadaire sous le titre "La revanche de Fillon" avec un sous-titre aussi dithyrambique : "Sarkozy ne peut plus s'en passer". On s'attend alors à un scoop. Comment l'hebdomadaire Valeurs Actuelles peut-il faire de François Fillon un homme influent alors que la presse quotidienne passe son temps à rappeler le peu de cas de Nicolas Sarkozy pour son Premier ministre ? L'hebdomadaire avance cinq idées fortes :
1. Fin du G7 des ministres : "François Fillon en a, paraît-il, rosi de plaisir. Lui qui avait été profondément humilié par la création du "G7" - les sept ministres "chouchous" de Sarkozy, réunis chaque semaine, hors sa présence, par le chef de l'Etat, ne peut que savourer comme une douce revanche la fin programmée de cette structure qui sapait son autorité".
2. Pas de conseiller en com : "Pour être aujourd'hui entendu - et surtout écouté - par Sarkozy, le Premier ministre a-t-il changé ? Tout au contraire. Tandis que Bertrand, Copé, Dati, MAM, Yade, Darcos et la quasi-totalité des poids lourds de l'UMP et du gouvernement s'offrent les services de conseillers privés en communication, Fillon est l'un des seuls - malgré les pressions de Sarkozy - à s'y être toujours refusé".
3. Alarmiste face à la crise, une qualité : "Champion du parler vrai, le Premier ministre avait dénoncé l'état de faillite de la France dès la fin de 2007. Il est celui qui est le plus alarmiste toujours au nom de la vérité sur la situation actuelle". D'ailleurs, l'écart dans les sondages entre lui et Sarkozy s'expliquerait par ce parler vrai : Sarkozy annonce la fin de la crise, Fillon est alarmiste, on aurait donc tendance à croire François Fillon.
4. Fillon, véritable chef d'orchestre ? "C'est lui, et lui seul, qui a pris la décision de rappeler à Paris Yves Jégo, le secrétaire d'Etat à l'Outre-mer, lorsque celui-ci menaçait de capituler sans condition aux folles exigences financières des grévistes de Guadeloupe (...) Lui encore qui a convaincu Valérie Pécresse, la ministre de l'Enseignement supérieur, de lâcher du lest sur les enseignants-chercheurs, afin de préserver les objectifs de la réforme universitaire (...) Idem avec celle des lycées conduite par Xavier Darcos". En réalité, le reste de la presse dit exactement le contraire. Nicolas Sarkozy a lui-même lâché du lest sur la Guadeloupe qui s'enfonçait dans la crise et s'agissant de l'Education, c'est le président de la République en personne qui a décidé de reculer sur tout : réécriture du décret des enseignants-chercheurs, rétablissement des postes dans certaines universités, ajournement de la réforme des lycées.
5. La théorie du retrait comme atout. Pour conclure ce papier très élogieux à l'égard du Premier ministre, le magazine Valeurs Actuelles va encore plus loin puisqu'il fait de François Fillon un quasi président : "Plus en retrait, mais plus influent : Fillon inaugure un nouveau poste. Celui de vice-président". Rien que ça.
L'Express est beaucoup moins tendre avec le Premier ministre et s'inscrit dans la moyenne des articles écrits sur François Fillon ces derniers mois : "Au Conseil des ministres du 25 mars, François Fillon a raconté son déplacement aux Etats-Unis. L'exception qui confirme la règle : "Le plus frappant autour de la table, le mercredi, c'est le silence du Premier ministre, raconte un membre du gouvernement. Il ne dit jamais rien, sauf, parfois, une ou deux phrases. Quand Nicolas Sarkozy est là, lui se tait".
Et pour démontrer que le Premier ministre est vraiment effacé, l'Express a un baromètre infaillible, Paris-Match : "Il est le premier chef de gouvernement de ces vingt-cinq dernières années à n'avoir jamais fait la Une de Paris Match depuis son arrivée à Matignon".
En apparence, les deux articles sont contradictoires. Mais à y regarder de plus près, on retrouve une constance : un Premier ministre, effacé, en retrait. Comme Nicolas Sarkozy s'expose, son Premier ministre est plus populaire. Pour le reste, l'hebdomadaire Valeurs Actuelles a sur-interprété une série de détails pour redorer l'image du Premier ministre. Nicolas Sarkozy contrôle tous ses ministres et se réserve toutes les annonces, il a lui-même orchestré les reculs pour alléger le climat social. Enfin, la suppression du G7 vise avant tout à éviter les fuites des annonces prévues, les ministres chouchous avaient trop tendance à s'épancher dans la presse. Le G7 avait fini par gêner Nicolas Sarkozy. François Fillon, lui, reste cantonné à un second rôle.
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