Revue de presse · 7 avr. 2009 à 18:52
Régulièrement, Nicolas Sarkozy vante les statistiques de la délinquance et martèle un chiffre imparable : entre 1997 et 2002, les chiffres de la délinquance ont augmenté de 15%. Depuis 2002, la délinquance a diminué de 13,5%. En janvier 2009, lors de ses voeux, Nicolas Sarkozy expliquait que "c'est 1,5 million de crimes et délits qui ont été évités aux Français".
L'insécurité a reculé. Nicolas Sarkozy a été élu à la présidence de la République pour appliquer sa culture du résultat et son volontarisme à tous les sujets. Pourtant, il y a un décalage entre les statistiques avancées et les nombreux faits de violence qui font régulièrement la Une de la presse. Le sentiment d'insécurité a diminué mais la délinquance a-t-elle reculé ?
Les statistiques officielles sont formelles. Mais pour obtenir ces résultats, le volontarisme n'a pas suffi, il a fallu parfois s'arranger avec les chiffres pour construire des statistiques flamboyantes. Par exemple, 50% des statistiques de la délinquance prennent en compte des vols qui diminuent avant tout grâce aux innovations technologiques. Sans ce petit coup de pouce des constructeurs, la délinquance aurait augmenté en 2008. Par ailleurs, les statistiques recensent les faits constatés par la police nationale et la gendarmerie. Or, les polices municipales ne cessent de se développer. Aujourd'hui, elles comprennent près de 20 000 hommes dans les grandes villes. De nombreux délits sont désormais gérés par les polices municipales et sont ainsi oubliés des statistiques officielles.
L'hebdomadaire Marianne a interrogé un spécialiste des statistiques de la délinquance, Alain Bauer. Taxé régulièrement de "sarkozyste", il reconnaît pourtant que certaines formes de délinquance sont désormais hors de contrôle.
Grâce au renforcement de la sécurité des banques, les braquages des établissements bancaires ont diminué mais les vols à main armée visant des commerces de proximité ont littéralement explosé. Les braquages de ces petits commerces ont augmenté de 15% en une année. Le président de l'observatoire national de la délinquance le reconnaît :
"En matière de crime organisé et de vols à main armée, on assiste à une véritable perte de contrôle de la situation", admet Alain Bauer, le "M. Statistiques" du gouvernement. Après un mois de décembre 2008 catastrophique, tous les indicateurs sont au rouge pour 2009. Armés de pistolets à grenaille pour limiter la peine encourue ou d'armes de guerre dont ils ne savent pas se servir, ces braqueurs "nouvelle génération" sont prêts à tout pour quelques centaines d'euros. (...)
Les agressions à domicile - ou "saucissonnages" -, une des spécialités du milieu manouche, sont elles aussi en progression. Des équipes sillonnent la France à la recherche de la villa isolée, loin des villes trop "fliquées". (...) Le phénomène est aggravé par la crise : en effet depuis quelques mois, de nombreux épargnants ont retiré leurs économies de banques auxquelles elles ne font plus confiance. Ainsi, un habitant de l'Essonne a récemment retiré en deux fois 1,2 million d'euros de son compte. Les "saucissonneurs" l'ont suivi jusqu'à son domicile depuis le magasin où il avait acheté son coffre - les fabricants seraient d'ailleurs au bord de la rupture de stock -, avant de le dépouiller".
Ce type de sujet prête toujours à caution. Décrire un fait de délinquance revient souvent à jouer sur l'émotion pour illustrer le sentiment d'insécurité. Donner des statistiques rationnalise l'approche mais chacun s'arrange avec les chiffres pour étayer sa propre démonstration : un chiffre global de crimes et délits en baisse, un nombre de braquages en forte progression. Mettre l'accent sur tel ou tel point n'est pas neutre : entre l'angélisme de la gauche et l'exagération qui profite à l'extrême-droite, le chemin de l'information est étroit. Mais contrairement à ce qui est répété en boucle depuis 2002, les "chiffres" de la délinquance ne reflètent pas un recul significatif mais illustrent une situation très contrastée sur le terrain.