Livres politiques · 10 avr. 2009 à 22:00
Dans Profession : Elkabbach, Vincent Quivy retrace le parcours du « meilleur interviewer de France », et remonte le temps en rappelant son passé gaulliste. Selon l'auteur du livre, Jean-Pierre Elkabbach a toujours été du bon côté du manche, opportuniste et arriviste. Ce serait par ses accointances, donc, avec Valéry Giscard d'Estaing et non par ses compétences, qu'il serait arrivé à la tête de l'information d'Antenne 2.
Série 3/7 : Elkabbach, le giscardien
Quand Valéry Giscard d'Estaing arrive au pouvoir, comme à chaque fois, on fait le ménage dans les médias. Jean-Pierre Elkabbach est remercié : il quitte donc sa place sur Antenne 2 pour rejoindre France Inter où il présente une émission entre 12 et 14 heures. Malgré son éviction de la télévision, Jean-Pierre Elkabbach continue ses interviews politiques. Il suit le Président dans ses différents déplacements et parvient finalement à nouer des liens avec lui et son bras droit, Michel Poniatowski, alors ministre de l'Intérieur. Il se montre, selon l'auteur du livre, un journaliste zélé, prêt à dénoncer ses collègues, en cas de dérapage, comme ce fut le cas par exemple avec Christian Guy. Celui-ci avait cru bon de faire une plaisanterie - douteuse - sur une manifestation à organiser à Moscou. Aussitôt, Jean-Pierre Elkabbach a contacté Michel Poniatowski pour lui rapporter les faits... Ces différents petits services et les liens privilégiés avec le Président lui ont permis de non seulement retourner à la télévision mais surtout d'être nommé à la direction de l'information.
Dès son arrivée au pouvoir, Valéry Giscard d'Estaing a l'idée de réformer la télévision qui est devenu le média le plus puissant en France. Malgré tout, il compte garder une certaine part de sa mainmise sur elle.
En 1977, il nomme Jean-Pierre Elkabbach directeur de l'information d'Antenne 2. Selon Vincent Quivy, ce choix ne serait pas sans rapport avec les élections à venir. On aurait donc choisi un journaliste « sûr » d'un point de vue politique et « innovant » sur le plan professionnel, sans consulter au préalable le PDG de la chaîne, Marcel Jullian. Or, cette nomination « symbolis[e] parfaitement le lien, le « cordon ombilical », existant alors entre l'information télévisée et l'Elysée ». Pour Vincent Quivy, il n'est donc pas possible que Jean-Pierre Elkabbach clame haut et fort qu'il est un journaliste indépendant, d'autant plus qu'il est à la fois directeur de l'information et présentateur du journal et d'émissions politiques.
Contrairement à tout journaliste « indépendant », au lendemain du premier tour des élections municipales, Jean-Pierre Elkabbach ne cache pas sa déception. Au lieu de traiter objectivement le sujet : la victoire de la gauche, il passe outre cette information pour se focaliser sur l'avenir.
Selon Vincent Quivy, au lendemain de l'élection de François Mitterrand à la tête de l'Etat, Jean-Pierre est un homme mort car il représente les « années Giscard, la figure visible de l'information audiovisuelle guère soucieuse de pluralité et d'ouverture, avec laquelle bon nombre d'électeurs et de téléspectateurs voulaient rompre ». On reste encore dans l'ère gaullienne où le journaliste qui souhaite faire de la télévision, doit se mettre au service de l'Etat. Même si Valéry Giscard d'Estaing a su réformer le service public que constitue la télévision, il veut garder sa mainmise sur la télévision.
Les témoins de l'époque rapportent que Jean-Pierre Elkabbach a souvent dérapé dans sa manière de vouloir traiter l'information. Ainsi, trop proche des puissants, en période électorale, il est sous pression. A l'Elysée, on n'hésite pas à le contacter pour le menacer de le virer en cas d'échec de la droite. En 1981, au soir du premier tour, Jean-Pierre Elkabbach qui sait que François Mitterrand a besoin du report des voix de Georges Marchais pour remporter l'élection, décide de le piéger en bravant le spectre des révolutionnaires russes. Ainsi, le journaliste insiste auprès du représentant socialiste Pierre Mauroy pour savoir comment la gauche au pouvoir compte s'organiser si François Mitterrand l'emporte. Quelques jours plus tard, il reprend la même stratégie que Valéry Giscard d'Estaing en demandant à Georges Marchais quel rôle aura le PC dans le gouvernement à venir. Cette interview crée le mécontentement de la gauche qui estime que le journaliste s'est montré outrancier et a laissé croire aux Français que l'anarchie serait possible en cas de victoire de la gauche.
Ce n'est pas le seul dérapage : Vincent Quivy rapporte plusieurs exemples montrant que Jean-Pierre Elkabbach, malgré l'agacement de sa rédaction, entend bien continuer de se mettre au service du président, au détriment de l'information objective. Il ne demanderait pas par exemple aux journalistes de vérifier des informations, d'approfondir certaines affirmations... Son objectif est de défendre et de promouvoir la droite en cette période électorale. Evidemment, au lendemain des élections législatives de 1981, le PDG, Maurice Ulrich comme le directeur de l'information sont obligés de donner leur démission.
Selon Vincent Quivy, Jean-Pierre Elkabbach pour accéder aux plus hauts postes est prêt à faire toutes les compromissions, quitte à mettre en péril la crédibilité de sa rédaction. Pis, pour être dans les petits papiers des puissants, il n'hésiterait pas à trahir ses confrères en rapportant les méfaits ou leurs dires afin de les mettre à mal. Or, pour l'auteur du livre, toutes ces anecdotes prouvent que Jean-Pierre Elkabbach n'est pas le journaliste que l'on croit- un homme libre et indépendant - mais un arriviste soumis au pouvoir.
Vincent Quivy, Profession : Elkabbach, Editions du Moment, février 2009, 219 pages