breve · 23 mai 2009 à 19:35
Nous vous en parlions le 23 mai 2008. Nicolas Sarkozy venait de déclarer que les grutiers de Barcelone et d'Anvers travaillaient 4 000 heures par an, contre "seulement" 2000 heures pour les dockers marseillais.
En pleine crise des marins pêcheurs, le chef de l'Etat avait donc tenté d'expliquer le malaise de la profession en posant le problème de la productivité : les espagnols et les belges travailleraient deux fois plus que leurs homologues marseillais. Sauf que mathématiquement, l'argument avancé par le chef de l'Etat ne tenait pas. Si les grutiers de Barcelone travaillaient 4 000 heures par an, cela signifierait qu'ils travailleraient 10,95 heures par jour, 7j/7j, soit l'équivalent de 77 heures par semaine. Pour information, l'Organisation Internationale du Travail interdit les cadences de plus de 48 heures par semaine. C'est pourtant bien ce qu'il avait déclaré le 20 mai 2008 à Orléans :
Après enquête, Arrêt Sur Images avait découvert que Nicolas Sarkozy avait transformé les grues en grutier. Dans un rapport de 2007, il était indiqué que les ports autonomes fonctionnaient 2000 heures par an à Marseille contre 4000 heures à Anvers. Dans ce rapport, on pouvait aussi lire que les chiffres n'étaient pas très fiables : "La mission, n'ayant pu réaliser d'enquête approfondie sur ce point, a collecté certaines informations communiquées par des professionnels et cabinets d'étude. Nonobstant le caractère partiel de ces informations et, selon leur origine, leur manque de cohérence, ces données montrent que les ports français sont mal situés".
Difficile de savoir pourquoi Nicolas Sarkozy a confondu le travail d'une grue avec celui du docker. Mais on peut supposer qu'il est plus marquant pour l'opinion d'insister sur le faible temps de travail des dockers marseillais que d'entrer dans les détails du fonctionnement d'un port autonome. Fidèle au principe du "storytelling" - une histoire marquante pour justifier une politique - Nicolas Sarkozy a donc légèrement modifié la réalité.
Et quelle a été la réaction de l'Elysée quand des sites d'information ont repéré l'erreur ? Les services de Nicolas Sarkozy ont remplacé "grue" par "grutier" dans le verbatim du discours de Nicolas Sarkozy mis en ligne sur le site internet de l'Elysée. Ni vu, ni connu, enfin presque. Le Canard Enchaîné et Arrêt Sur Images avaient repéré le couper/coller :
Un an après, le storytelling continue. Pour justifier le travail le dimanche, Nicolas Sarkozy racontait l'absurdité de la fermeture des magasins sur les Champs Elysées avec une règle différente selon le trottoir de droite ou de gauche. En novembre 2008, plusieurs médias avaient démontré que c'était faux. Mais cela n'a pas empêché le ministre du travail, Brice Hortefeux, de reprendre la même anecdote en mai dernier sur Europe 1.
Sur Internet, tout s'efface
- Jacques Chirac a disparu du premier discours officiel de Sarkozy
- Sur le site internet de l'Elysée, le service de presse efface les erreurs du président
- La Jaguar de Martinon : Le Point efface sa brève sur son site et ne publie pas de démenti
- Le dîner du siècle, le rendez-vous des élites que le blogueur Alain Lambert ne pouvait pas filmer
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La rubrique "Il y a un an" est publiée chaque Dimanche notre hebdo "La Semaine politique"