Livres politiques · 9 juin 2009 à 23:19
Depuis son arrivée dans le gouvernement Raffarin, Nicolas Sarkozy s'est distingué par sa capacité à être partout, tout de suite. Président, il ne change pas sa pratique, très astucieuse pour passer d'un dossier à l'autre sans laisser le temps aux partenaires sociaux comme aux parlementaires de réagir. Les Français ont ainsi l'impression que Nicolas Sarkozy est parvenu à faire, en un temps record, ce que d'autres n'ont pas réussi à faire en deux mandats...
Le slogan présidentiel de Nicolas Sarkozy, « Ensemble, tout devient possible » laissait entendre qu'il privilégierait le dialogue avec les différents partenaires sociaux avant de faire appliquer une réforme. Mais ce désir de dialogue menant à une réforme ferme, désirée par les Français, est un leurre selon les économistes Pierre Cahuc et André Zylberberg, auteurs de l'essai Les Réformes ratées du président Sarkozy (éditions Flammarion).
Pour les auteurs du livre, c'est la méthode du Président qui est à remettre en cause : négocier pour faire taire les mouvements de protestation puis faire étouffer l'affaire en laissant croire aux Français que la réforme est passée. Ces procédés, voués à l'échec, n'ont pas échappé à l'enquête menée par ces deux économistes qui ont repris point par point les différents grands projets de Nicolas Sarkozy concernant les réformes promises pendant la campagne. Si certaines sont passées, c'est moins pour faire des économies ou moderniser le pays que pour annoncer leur succès.
L'une des réformes les plus symboliques est celle des régimes spéciaux des retraites attribuées aux employés de la RATP, SNCF, EDF et GDF. Dès le départ, en octobre 2007, le Premier ministre semble montrer des réserves : le gouvernement souhaite réformer les régimes spéciaux, certes, mais « en harmonisant, pour le présent et pour l'avenir, leurs principaux paramètres avec ceux applicables au régime de retraite de la fonction publique » sous-entendu : leur régime de retraite ne sera pas encore exactement le même que les autres... L'objectif pour l'Etat est de faire des économies. Pourtant, Pierre Cahuc et André Zylberberg montrent que des aménagements, pour l'heure actuelle, vont être mis en place comme des primes, des accords de préretraites, si bien qu'il n'est pas certains selon eux que l'Etat soit en mesure de réaliser de réelles économies. Pour étayer davantage leurs arguments, les économistes ont cherché des documents que Bercy aurait publié afin de rendre compte de l'impact de cette réforme sur les finances publiques, mais il n'y en a pas. Les documents demeurent secrets... Cette question a été soulevée au Sénat mais aucune réponse concrète n'a été fournie si bien que l'on ne sait si cette réforme ne coûtera finalement pas plus chère au contribuable que l'octroi de régimes spéciaux aux agents actuellement en poste...
Sur ce projet dont on ne connaît guère les résultats, Pierre Cahuc et André Zylberberg en concluent que le gouvernement a commis de nombreux impairs : en changeant les paramètres concernant l'harmonisation des régimes de retraite, il n'a pas dans le même temps fait d'évaluations chiffrées. Résultat : Bercy comme le Sénat ne peuvent savoir véritablement si cette réforme permettra de faire des économies substantielles ou si elle n'est qu'une réforme de façade. En effet, au final, les Français ont l'impression que Nicolas Sarkozy est parvenu à faire accepter, sans trop de difficultés une réforme. De leur côté, les salariés sont satisfaits d'avoir obtenus des compensations... Mais, les contribuables, eux, ignorent qu'ils n'ont rien gagné dans cette affaire...
Pierre Cahuc et André Zylberberg, Les réformes ratées du Président Sarkozy, Flammarion, 2009, 243 p.