Le Canard enchaîné · 12 oct. 2009 à 14:44
La grippe A, appelée officiellement "Grippe H1N1", est véritablement la star de la rentrée 2009. Pas une journée dans la presse sans un nouveau cas détecté, les recommandations et autres mesures de précaution à suivre, le plan très réactif du gouvernement, le niveau d'alerte fluctuant de l'OMS. La presse se délecte du grand feuilleton de l'automne qui va certainement se poursuivre cet hiver.
Après le fiasco de Tchernobyl, du sang contaminé ou plus récemment de la canicule de 2003, le gouvernement se veut très prudent et ne veut pas être pris en défaut et être accusé d'avoir minimisé les risques. A une surmédiatisation, le gouvernement répond par une politique préventive très réactive. Trop réactive ? Le Canard enchaîné du 7 octobre raconte comment le gouvernement n'a pas réellement négocié avec les labos pour s'approvisionner en vaccin contre la grippe A. Et la note est salée : près de 1,5 milliard d'euros.
Retour sur une information qui ne s'est pas bien transmise dans le reste de la presse...
Tous les médias parlent de la grippe A depuis des mois. La médiatrice du Monde a fait les comptes pour son journal : "Il est vrai que Le Monde a beaucoup écrit sur la grippe A. Plus de 300 articles depuis la fin du mois d'avril, soit, en moyenne, deux par jour. Et au total quinze titres de première page, plus trois éditoriaux. C'est beaucoup". De nombreux lecteurs s'agacent de cette place jugée trop importante par rapport à d'autres maladies autrement plus meurtrières : ""Ne trouvez-vous pas que votre focalisation sur ce virus H1N1, probablement beaucoup moins mortifère que la grippe saisonnière, a quelque chose d'indécent face à tant d'autres morts de maladies dont l'Occident se fiche éperdument ?", demande Maryvonne Wetsch (Paris). "Il y a 5 000 morts par jour dus à la tuberculose. Heureusement, ils sont loin, pauvres, silencieux", remarque Philippe Rémy (Clichy, Hauts-de-Seine)".
Sur Arrêt Sur Images, un dossier complet est consacré au traitement médiatique de la grippe A. Entre l'invention des fausses "Grippes parties" (une rumeur avait circulé sur l'organisation de soirée destinée à se transmettre la grippe A) aux alertes à répition des 20h, sans oublier la définition changeante du concept de pandémie par l'OMS, l'emballement médiatique est réelle. Le gouvernement s'est donc senti obligé d'anticiper en commandant un nombre impressionnant de doses de vaccins. Montant de la facture ? 1,5 milliard selon le Canard enchaîné.
Pour faire face à la grippe A, le gouvernement a sorti l'artillerie lourde en commandant d'importantes doses de vaccin. Pour acquérir ces millions de doses, le gouvernement a même dû faire appel à plusieurs laboratoires pharmaceutiques, aucun n'ayant de stock suffisant pour satisfaire la demande de l'Etat français. Quatre labos ont été mis à contribution : le français Sanofi, l'anglo-saxon GSK, le suisse Novartis et l'américain Baxter. Au total, l'Etat a commandé plus de 100 millions de doses de vaccin. Montant de la facture rien que l'acquisition des doses ? 800 millions d'euros. Le chiffre est connu, mais les conditions dans lesquelles les prix ont été négociés le sont moins.
Selon le Canard enchaîné qui a interrogé des hauts fonctionnaires du ministère de la santé, contrairement à ce qu'a affirmé Roselyne Bachelot, l'Etat n'a quasiment pas négocié avec les labos : "Les labos ont proposé un prix. Et il n'y a pas vraiment eu de discussion. On a bien parlé calendrier, quantités, essais cliniques, mais on était sur un marché de pénurie" confesse un interlocuteur des industriels. "Forcément, notre marge de manoeuvre a été faible" confirme un autre. Sachant que tous les pays piaffent pour être servis, si vous faites la fine bouche, ils vous envoient bouler sur le thème : ce ne sont pas les cliens qui manquent".
Le laboratoire français, Sanofi, était le moins cher en proposant la dose à 6,25 euros mais il ne peut fournir "que" 28 millions de doses. L'Etat s'est alors tourné vers GSK à hauteur de 50 millions de dose, pour un prix un peu plus élevé selon le Canard enchaîné : 7 euros. Mais ça ne suffisait pas. Alors, l'Etat a commandé à Novartis 20 millions de doses à 9,34 euros l'unité. Enfin, pour en avoir 500 000 de plus, l'Etat a payé au labo américain Baxter 10 euros l'unité. Ces chiffres fournis par le Canard enchaîné démontrent bien que le gouvernement n'était pas en position de force pour négocier les prix.
A ces 800 millions d'euros s'ajoutent deux autres postes de dépenses, comme la reconnu Roselyne Bachelot le 29 septemnbre 2009 lors de son audition au Sénat. L'Etat va devoir se fournir en matériel médical (seringues, aiguilles, compresses, masques) et dépenser 240 millions d'euros supplémentaires pour "la prise en charge des professionnels de santé réquisitionnés pendant la campagne de vaccination". Sans oublier 53 millions d'euros de frais de gestion : "conception des bases informatiques", "frais d'acheminement des courriers aux personnes vacciner".
Total provisoire : 1,5 milliard d'euros.
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