Le Canard enchaîné · 19 oct. 2009 à 13:23
C'est le genre d'affaire qui ne risque pas de faire la Une de l'actualité : un système de coaching complexe, un financement alambiqué, des dispositions tordues. Le tout dans un plan "Espoir banlieue", que chacun s'accorde à dire qu'il est à l'arrêt. Il est plus facile d'évoquer l'inefficacité de la politique de Fadela Amara que de rentrer dans le détail de son plan et de ces conséquences un an après.
Pourtant, l'histoire n'est pas anodine. C'est le Canard enchaîné qui a révélé l'information dans son édition du 7 octobre 2009 : dans son plan "Espoir Banlieue", Fadela Amara a prévu un dispositif de coaching qui consiste à payer des boîtes privées de placement pour qu'elles trouvent un emploi ou une formation à des jeunes issus des quartiers défavorisés. Mais le système mis en place est contre-productif et favorise davantage les boîtes de placement que les jeunes concernés. Le résultat est à la hauteur du fiasco : l'Etat a déboursé jusqu'à présent 34 millions d'euros pour l'embauche ou la formation de seulement 1 160 jeunes. Comment est-ce possible ?
Décryptage.
A l'origine, l'idée était intéressante. Pour aider les jeunes en difficulté, l'Etat proposait de les "coacher" pendant six mois afin qu'ils trouvent un emploi ou une formation. Ces contrats d'insertion concernent les 16-25 ans dans les quartiers les plus défavorisés. Objectif affiché : faire signer 45 000 contrats d'autonomie d'ici 2012. Mais au lieu de confier ce travail de coaching et d'insertion aux missions locales de l'emploi dont c'est le métier, Fadela Amara a eu l'idée de faire appel à des boîtes d'intérim et des agences de placement.
La secrétaire d'Etat en charge des banlieues a lancé un appel d'offre pour sélectionner les boîtes de placement qui feront signer les contrats d'insertion. Selon le Canard enchaîné, 71% du marché a été récupéré par des boîtes d'intérim et des agences de placement. Les associations d'insertion et organismes de formation se sont partagés le reste.
L'accord entre l'Etat et ces boîtes privées est le suivant : pour chaque jeune coaché, l'Etat verse à ces boîtes de placement 7 500 euros : 3 000 euros sont versés dès la signature du contrat d'insertion, et 4 500 euros sont versés une fois que le jeune a décroché un emploi ou une formation. Autrement dit, le système est très rentable pour ces boîtes de com' qui n'ont pas d'obligations de résultats puisque, quoi qu'il arrive, elles gardent 40% de la somme versée par l'Etat.
Le partenariat avec ces boîtes privées a été mal encadré. Pour valider un contrat, elles ont comme simple formalité administrative de recevoir le jeune en entretien une fois par semaine. Parfois, comme l'a raconté un conseiller parisien au Canard, les entretiens peuvent se dérouler "par mail ou téléphone".
Avec ce système visiblement mal conçu, le premier bilan apparaît catastrophique : depuis un an, 13 000 contrats d'autonomie ont été signés, mais seulement 1 160 ont débouché sur une formation ou une embauche.
A 34 millions d'euros les 1 160 emplois ou formations, la note est particulièrement salée. Cela fait 29 310 euros dépensés par emploi ou formation trouvée, soit 2 442 euros par mois. Pour cette somme, il faut espérer que ces jeunes soient devenus des cadres supérieurs...
La fabuleuse histoire des plans banlieues...
- Plan Banlieue de Fadela Amara : 600 000 euros rien que pour la communication en 2008
- Plan Borloo 2003 pour la banlieue : seulement 8% des crédits prévus ont été débloqués à ce jour
Dans la série "La face cachée"...
- La face cachée des heures sup' : le gouvernement compte faire des économies
- La face cachée de la taxe du RSA, ou comment l'Etat va récupérer 1 milliard d'euros
- Prime RSA du plan de relance : et revoilà les 760 millions d'euros que l'Etat voulait économiser discrètement
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