Enquête · 7 juin 2010 à 22:36
Ancien président d'Emmaüs, Martin Hirsch a quitté le gouvernement Fillon en début d'année, fier de son bilan. Symbole de la politique d'ouverture à gauche, Hirsch a mis en place le RSA, censé sortir de la pauvreté plusieurs millions de personnes. Même si ce bilan positif a été survendu par l'intéressé, Nicolas Sarkozy compte bien se servir de lui pour contrebalancer l'effet désastreux du bouclier fiscal dans l'opinion. Portrait de la caution sociale de Sarkozy en vue de la présidentielle de 2012.
Série 1/6 : Portrait de Martin Hirsch
Martin Hirsch est né le 6 décembre 1963 à Suresnes dans les Hauts-de-Seine. Issu d'une lignée de hauts fonctionnaires, il vit dans un milieu privilégié. Son grand-père, Etienne Hirsch, fut commissaire général au Plan mais a refusé, en 1958, le poste proposé par de Gaulle de ministre des Finances. Son père, Bernard Hirsch, fut directeur de l'Ecole nationale des Ponts et Chaussées et chef du chantier de la ville nouvelle de Cergy. À l'instar de ses parents, Martin Hirsch fait de longues études qui le mènent de l'Ecole normale supérieure à la fac pour passer un DEA en neurobiologie pour arriver à l'ENA.
Il débute sa carrière professionnelle en travaillant à la Caisse nationale d'assurance maladie en tant que conseiller juridique pendant deux ans. Il poursuit cette mission au ministère de la Santé et de l'Action humanitaire entre 1992 et 1993. Il change de poste pour devenir secrétaire général adjoint du Conseil d'Etat. Enfin, il accède à la direction de la Pharmacie centrale des hôpitaux de Paris à l'Assistance publique. Poursuivant son engagement pour les causes humanitaires et sociales et après avoir milité pour Emmaüs, il en devient le président de l'Union centrale des communautés en 1995. Il est alors chargé de contrôler et de gérer plus de trente communautés Emmaüs en France. En 2002, il succède à l'abbé Pierre comme président bénévole d'Emmaüs France. C'est en 2005 déjà, qu'il remet au ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, un rapport sur la Famille et la pauvreté, dans lequel il développe son projet du RSA. À cette époque, l'idée passe presque inaperçue et le ministre ne fait pas cas du rapport. Pourtant, Hirsch décide de mettre en oeuvre son projet à petite échelle. Il crée l'Agence nouvelle des solidarités actives (Ansa). Il propose à seize départements de participer au projet. L'expérience attire alors l'attention des candidats à la présidentielle, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, qui veulent tous deux récupérer le projet. C'est ainsi qu'une fois élu président, Sarkozy offre le poste de Haut commissaire aux solidarités actives dans le Gouvernement Fillon.
C'est en 1997 qu'il fait ses premiers pas en politique : Bernard Kouchner fait appel à lui pour devenir son directeur de cabinet. Parallèlement, Martine Aubry le nomme conseiller à son propre cabinet. Il continue à gravir les échelons et prend la direction en tant que premier directeur général de l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments). Il occupe cette fonction jusqu'en 2005.
De gauche, Hirsch affirme pourtant n'être attaché à aucun parti politique. En tant que président d'Emmaüs, il affirmait déjà au Point qu'il faut "sortir de la dichotomie entre une gauche qui défendrait l'assistanat et une droite qui se serait arrogé le monopole de l'effort".
C'est ainsi qu'il justifie son passage dans le Gouvernement Fillon : ni de droite ni de gauche, il accepte de participer à ce gouvernement pour accomplir son projet puis partir une fois sa tâche accomplie. Toutefois, avant d'accepter, Hirsch demande des garanties : il veut avoir de réels moyens pour réduire de 7 à 5 millions le nombre de pauvres d'ici 2012 et être rattaché directement au Premier ministre. Toutes ses conditions ont été accordées, la prise était trop belle...
Parce qu'il sait que la tâche ne sera pas simple et surtout qu'il a beaucoup à perdre en acceptant d'entrer dans le Gouvernement de François Fillon, Martin Hirsch se donne dix-huit mois pour réussir à réformer le RMI et mettre en place le Revenu de Solidarité Active. C'est donc pour une mission très précise qu'il accepte l'offre du président de la République. Nicolas Sarkozy l'a chargé d'organiser un Grenelle de l'insertion pour remettre à plat la politique sociale. Parmi les pistes de réflexion figure l'instauration d'un contrat unique d'insertion et la fusion de tous les contrats aidés dans un souci de clarté et d'efficacité. Le président de la République souhaiterait également la fusion des minima-sociaux. En attendant l'organisation d'un « Grenelle de l'insertion » au contour encore incertain, Martin Hirsch poursuit l'expérimentation du RSA (Revenu de Solidarité Active) qui permet à un individu de retrouver du travail tout en continuant à toucher des aides sociales. Tout l'enjeu est d'inciter un chômeur à reprendre un emploi.
Dans Le Monde, Martin Hirsch affirme ainsi que Le RSA, c'est le meilleur allié des classes moyennes car en incitant les allocataires de minima sociaux à reprendre une activité, les impôts des classes moyennes devraient diminuer. Mais pour parvenir à cette économie, l'État doit dans un premier temps débourser 1,5 milliard d'euros pour généraliser le RSA en juin 2009.
Comme l'a noté le site Arrêt sur images, le bilan est plutôt mitigé. En effet, "quand le gouvernement évoque une hausse du nombre de bénéficiaires du RSA, il avance un chiffre trompeur, qui laisse croire que ce dispositif est efficace. Or, le RSA se compose en réalité de deux parties : le RSA socle (qui correspond à l'ex-RMI) et le RSA activité (qui correspond à la somme versée en plus à ceux qui ont retrouvé une activité). Et justement, la partie du RSA qui augmente le plus, ce n'est pas le RSA activité, mais le RSA socle (ex-RMI), ce qui n'est pas le signe de l'efficacité du dispositif, mais plutôt le reflet d'une précarisation accrue (...) quand le RSA socle augmente, l'Etat ne débourse pas un centime de plus, puisque c'est à la charge du Conseil général.
Pourtant, depuis la loi de décentralisation de 2003, l'État aurait dû couvrir les dépenses du RMI mais cela ne fut jamais le cas : ce sont les conseils généraux qui paient l'ensemble. Dans le même temps, l'Etat a diminué son enveloppe consacrée au financement du RSA activité : la commission des Finances du Sénat, considérant avoir surestimé les dépenses prévues au titre de 2010, a voté un amendement au projet de loi de finances réduisant de 500 millions d'euros les crédits affectés au RSA ! Pire, les allocataires du RSA participent également au financement de l'aide. En effet, sont pris en compte dans le calcul du RSA les différents placements du bénéficiaire (livret A par exemple) ainsi que l'argent déposé sur le compte bancaire. Sur cette somme, au nom de la « solidarité nationale », l'État récupère 3%. Ainsi, pour financer le RSA, l'État compte sur le soutien des classes moyennes comme des allocataires mêmes.
Comme il l'avait annoncé, Martin Hirsch a quitté le Gouvernement une fois la mise en place du RSA. Nommé président de l'Agence du service civique, il doit mettre en place le service civique volontaire. Ce service vise près de 10 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans et remplace le service civil mis en place en 2006 pour remplacer le service militaire supprimé en 1996.
Ce nouveau service se veut plus simple que le précédent. Désormais, les jeunes qui le souhaitent peuvent faire un service de 6 à 24 mois au sein d'une association, d'une ONG ou d'une collectivité locale, en France comme à l'étranger. Leurs missions sont variées et peuvent relever de la préservation de l'environnement ou de la défense ou bien encore de l'enseignement.
L'objectif de ce nouveau service est de "renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale" en permettant aux jeunes de s'investir dans la mission de leur choix. Pour leur permettre de réaliser ce projet, l'État devrait débloquer 40 millions d'euros.
Par Anne-Sophie Demonchy