Enquête · 21 juin 2010 à 23:18
Ancien membre du Parti Socialiste, l'ancien maire de Mulhouse, Jean-Marie Bockel, était l'un des symboles de la politique d'ouverture de Nicolas Sarkozy. Après trois au gouvernement et trois secrétariats d'Etat successifs, Bockel n'a plus aucun rôle politique au sein du gouvernement.
Série 4/6 : Portrait de Jean-Marie Bockel
Jean-Marie Bockel est né le 22 juin 1950, à Strasbourg au sein d'une famille catholique et pratiquante. Il fait des études de droit et obtient le certificat d'aptitude lui permettant d'exercer le métier d'avocat. Dès 1976, il ouvre son propre cabinet à Mulhouse, ville où il fera en grande partie sa carrière politique. Alors qu'il est étudiant, il prend sa carte au Parti socialiste en 1973 et accède l'année suivante au secrétariat des Jeunesses socialistes du Haut-Rhin.
En 1981, il se présente aux élections législatives et est élu député du Haut-Rhin. Il parvient à conserver son siège jusqu'en 1993 mais le retrouve en 1997 pour un nouveau mandat. Depuis 1989, Bockel est maire de Mulhouse. Sur certaines thématiques, comme la lutte contre la délinquance, il se rapproche de la droite. En 2002, il soutient même certaines propositions du ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, se mettant dès lors dans une position délicate vis-à-vis de son parti.
Dès 1984, il entre dans le gouvernement Fabius en tant que secrétaire d'État auprès du ministère du Commerce Michel Crépeau. Deux ans plus tard, il est nommé à ce même poste. En 1987, Jean-Pierre Chevènement le nomme porte-parole de son courant « Socialisme et République ». Cette alliance ne dure pas. En 1991, Bockel affirme la volonté de voir la France engagée dans la guerre du Golfe aux côtés des Américains : Chevènement n'apprécie pas cette sortie. C'est la rupture définitive entre les deux hommes. D'ailleurs, Bockel cherche une nouvelle voie pour le Socialisme, plus moderne. En 2001, il crée donc le club de la « Gauche moderne ». Au congrès de Dijon, en 2003, il présente une contribution « Pour un socialisme moderne ».
C'est en 2002 que Bockel perd son siège de député, battu par la candidate UMP Arlette Grosskost. Pourtant, il parvient en 2004 à se faire élire sénateur du Haut-Rhin. Parallèlement, il poursuit son travail de modernisation du parti. En 2005, il crée le courant Réformisme et Rénovation. Proche des idées de Tony Blair, il se définit comme social libéral où respect des acquis sociaux et responsabilité individuelle se réuniraient.
Lors des primaires, Bockel soutient la candidature de Dominique Strauss-Kahn à l'élection présidentielle française de 2007 mais, après l'investiture de Ségolène Royal, il dirige le comité de soutien de la candidate socialiste dans le Haut-Rhin.
Après la défaite de la gauche à la présidentielle, il accepte la proposition d'ouverture de Nicolas Sarkozy. Il entre dans le gouvernement Fillon en tant que secrétaire d'État chargé de la Coopération et de la Francophonie auprès du ministre des Affaires étrangères. Il est bien sûr immédiatement exclu de son parti d'origine et transforme son club en parti politique : « La Gauche moderne », qui se définit comme un mouvement libéral de centre-gauche. Plus à droite qu'à gauche, ce courant s'allie avec l'UMP et le Modem lors des élections municipales de 2008. La liste de Bockel à Mulhouse l'emporte de justesse, avec 168 voix d'avance, sur la liste PS.
Toutefois, son alliance avec l'UMP ne lui permettra pas de développer ses idées comme il l'espérait. En tant que secrétaire d'État à la Coopération, il entame une tournée à travers l'Afrique et décide de recevoir, Omar Bongo, président du Gabon depuis 1967 et symbole de la Françafrique. Quelques mois plus tard, Bockel remet en cause la façon dont le président gère l'aide offerte par la France à son pays et réclame une meilleure gouvernance de l'aide publique. Ces propos font aussitôt bondir le président du Gabon qui dénonce un certaint mépris à l'égard des pays africains. Les relations entre la France et le Gabon ne vont cesser de se dégrader.
Hasard de l'agenda médiatique, au même moment, un reportage de France 2 dénonce le patrimoine des chefs d'États africains et notamment celui d'Omar Bongo qui s'élève à plusieurs milliards d'euros. Aussitôt après la diffusion, l'ambassadeur français est convoqué au Gabon. Le conseiller sur l'Afrique à l'Élysée, Robert Bourgi, raconte au micro de RTL comment le président Bongo est entré en contact avec Nicolas Sarkozy pour lui demander le renvoi de Bockel. Sa demande a été entendue : celui-ci est rapidement mis de côté, au profit d'Alain Joyandet.
François Fillon lui trouve un autre poste, celui de secrétaire d'État à la Défense et aux Anciens combattants. Quoique Bockel puisse dire sur sa passion pour la défense et sa situation d'officier de réserve de l'armée de l'air, le Premier ministre le rétrograde et lui cède un poste fort peu gratifiant.
Quelques mois plus tard, Bockel change de ministère pour intégrer celui de la Justice et des Libertés sous la tutelle de Michèle Alliot-Marie. Secrétaire d'État de l'ouverture, Bockel peine à trouver sa place dans le gouvernement Fillon et est mis au placard. On lui avait promis la gestion du dossier des prisons, mais Alliot-Marie a refusé. Il n'a donc aucune attribution officielle. Les missions de Bockel se font rares. Il se rend de temps en temps dans des centres éducatifs fermés.
Sur le plan électoral, l'affaiblissement de Bockel est également perceptible : dans sa propre région, les parlementaires de l'UMP se sont montrés particulièrement virulents à l'égard des politiques de l'ouverture, empêchant Bockel de remporter la victoire avec sa Gauche moderne, pourtant proche de la majorité.
Résigné ou entérinant un deal avec Nicolas Sarkozy avant son entrée au gouvernement, Bockel a cédé la mairie de Mulhouse en mai 2010 à l'UMP. Que ce soit au PS ou dans la majorité de droite, Bockel semble être prédestiné pour rester à la marge de la vie politique. Jusqu'à son effacement total après sa sortie du gouvernement ?
Par Anne-Sophie Demonchy