Enquête · 24 juin 2010 à 23:55
Membre du gouvernement Fillon depuis 2008, Christian Blanc s'était fait plutôt discret jusqu'à présent. Secrétaire d'Etat en charge du "développement de la région capitale", Blanc n'occupe pas un poste de premier plan dans le gouvernement. Mais ces deux dernières semaines, le secrétaire d'Etat a été mis en cause à deux reprises par Le Canard enchaîné pour sa déclaration de revenus, et pour le paiement par le gouvernement de plus de 12 000 euros pour sa consommation personnelle. Dans les deux cas, le secrétaire d'Etat a minimisé ses événements en considérant qu'il n'avait rien à se rapprocher. François Fillon a tout de même exigé le remboursement de l'intégralité de la facture des cigares.
Au-delà de ces deux affaires récentes, qui est vraiment Christian Blanc ? Portrait.
Originaire de Gironde, Christian Blanc (né le 17 mai 1942) fait des études politiques (il intègre l'IEP de Bordeaux) tout en s'investissant dans la vie associative. À 22 ans, il devient président de la Mutuelle nationale des étudiants de France (la MNEF). Par la suite, il se rapproche de Michel Rocard et de son équipe de rénovation de la vie politique. Cette étape marque le début de son engagement politique.
Au cours des années 1980, il gravit les échelons de la haute fonction publique. Il commence sa carrière en tant que directeur de cabinet d'Edgard Pisani, fondateur du Mouvement pour la réforme. Il est nommé préfet de Seine-et-Marne en 1985.
Toujours proche de Rocard, celui-ci devenu Premier ministre, lui confie une mission en Nouvelle-Calédonie. En effet, suite aux violences sur l'île, Christian Blanc est chargé de se rendre sur place pour trouver un accord sur l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie. C'est ainsi que sont signés les accords de Matignon qui donnent le droit au peuple à disposer de lui-même.
Après cette expérience auprès de Rocard, Christian Blanc décide de changer de voie. Il est élu président de la RATP mais démissionne au bout de trois ans quand le gouvernement ne le suit pas dans sa volonté d'instaurer un service minimum. Il prend alors la tête d'Air France au moment où la société est en crise. Il parvient à redresser la situation grâce au plan de sauvetage qu'il met en place. Il doit d'autre part travailler à la privatisation d'Air France. Encore une fois, il démissionne quand le ministre Jean-Claude Gayssot remet en cause le rythme de modernisation de l'entreprise.
Il multiplie alors les expériences : d'abord administrateur à Action contre la faim, il monte deux starts up, et enfin est élu président de la banque d'affaires Merrill Lynch France.
À l'origine, Christian Blanc est un proche de Michel Rocard. Pourtant, au lendemain de la défaite de Lionel Jospin aux élections présidentielles de 2002, il décide de créer son propre mouvement : "Énergies démocrates". Sous cette étiquette, il se présente aux élections législatives dans la troisième circonscription de Paris. C'est l'échec. Il propose de nouveau sa candidature pour une élection législative partielle dans les Yvelines. Élu au premier tour, il accepte de se lier à l'UDF à l'Assemblée nationale.
En 2008, essayant de s'implanter dans les Yvelines, il se présente aux élections municipales au Chesnay contre Philippe Brillault, maire depuis 1989. Blanc perd très largement l'élection avec un tiers seulement des suffrages.
En 2003, Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre lui confie une mission sur le développement économique. Blanc estime, dans ses conclusions, que pour relancer la croissance, il faut créer des pôles de compétitivité. Dès 2004, ses propositions sont suivies d'actes. Le gouvernement a mis en place une politique globale de soutien à l'émergence de compétitivité telle que le souhaite l'Europe. Le 2 décembre 2004, l'État lance un appel d'offre national. 105 pôles ont posé leur candidature dans les domaines technologiques, l'automobile, aéronautique... Grâce à cette initiative, les entreprises ayant ce label peuvent bénéficier de subventions, exonérations fiscales et allègement de charges.
En 2007, la logique aurait voulu qu'il soutienne François Bayrou puisque c'est grâce à l'UDF qu'il est parvenu à se faire élire député en 2002. Pourtant, c'est à Nicolas Sarkozy qu'il apporte son soutien. Aux élections législatives du mois de juin, il se présente ainsi sous les couleurs du Nouveau Centre. Il retrouve son siège de député des Yvelines grâce au soutien de l'UMP.
Ce ralliement à droite lui vaut également d'être appelé par le Premier ministre au gouvernement qui lui propose en 2008 le poste de secrétaire d'État chargé du "Développement de la région capitale. L'objet de sa mission est de préparer le projet du Grand Paris, non sans difficulté. L'échec annoncé du grand métro illustre la difficulté de la tâche.
En juin 2010, Le Canard enchaîné révèle que le fisc s'intéresse de près aux revenus de Christian Blanc, "mett[a]nt en doute l'exactitude de ses déclarations fiscales, aussi bien pour ses revenus de 2008 que pour son impôt de solidarité sur la fortune des années 2004 à 2009". D'autre part, le fisc s'interroge sur la valeur que Blanc déclare pour ses biens immobiliers et s'étonne qu'il "n'ait jamais déclaré à l'ISF ses actions de la société International Decision, fondée en 2005 et dissoute en 2009". Des points noirs restent à éclaircir concernant ses placements en bourse et sur les avoirs détenus sur ses comptes.
D'autre part, Le Canard enchaîné a épinglé Blanc sur certaines de ses dépenses : il se serait fait offrir pour 12 000 euros de cigares par l'État en l'espace de dix mois. Anticipant la polémique, Blanc en a remboursé une partie à hauteur de 3 500 euros. Mais la polémique prenant de l'ampleur, François Fillon a exigé le remboursement intégral de ses frais que Blanc conteste en partie.
Quoi qu'il en soit, en pleine tourmente médiatique, Christian Blanc a annoncé publiquement qu'il compte quitter le gouvernement dans ces prochains mois : "A l'automne au plus tard, la mission de ce secrétariat d'Etat n'aura plus de raison d'être". Précisément au moment d'un probable remaniement ministériel...
Par Anne-Sophie Demonchy